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Critique de Anais_Amandine_


Certaines n'avaient jamais vu la mer lorsqu'elles ont embarqué sur ce bateau en ce début de XXème siècle, mais toutes ont dû laisser derrière elles leurs familles au Japon. Dans leurs bagages : leurs kimonos usés, leur petit guide de conversation en anglais et les photos de leurs maris qu'elles n'ont encore jamais vus, ceux qui leur ont promis dans leurs lettres une nouvelle existence paisible et prospère.

Mais sur la terre ferme des États-Unis, elles comprennent aussitôt que le rêve américain ne se vit que la nuit, les yeux clos, après de dures journées de labeur à se taire et ployer sous les ordres d'un époux ou d'un patron… Dans les champs arides, dans une maison de riches ou dans les sous-sols sombres d'une blanchisserie, ces femmes japonaises triment, se taisent et se meurent, bientôt rompues à l'art d'être transparentes. Jusqu'à leur disparition totale dans les rues, à l'heure de Pearl Harbor et des premières arrestations.

Qu'elles soient filles de paysans ou d'artisans, nées dans un village de montagne ou à Tokyo, terrorisées ou résignées, déjà tombées amoureuses ou ignorantes des choses de l'amour, hantées par le souvenir d'une soeur geisha ou d'une mère adorée, Julie Otsuka tient ces femmes toutes ensemble d'un seul bloc, dans un « nous » dont la force happe de bout en bout, comme si elle refusait de laisser la narration engloutir - comme l'Histoire l'a fait - leurs destinées et la moindre de leurs disparités dans l'adversité.

D'une façon qui m'a étrangement fait penser à l'autobiographie collective que sont « Les Années » d'Annie Ernaux, Julie Otsuka réalise un travelling magnifique sur le visage de ces femmes, nous faisant palpiter à l'unisson avec elles dans leurs peines, leurs effrois, leurs douleurs et leurs (menus) plaisirs, jusqu'à ce que la caméra les perde. Assurée que maintenant, nous ne les oublierons plus jamais.

Immensément beau et triste...
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