Martin de La Brochette

... n'ayant pas tous reçu dans leur enfance le même capitale affectif, à l'âge adulte tous les êtres humains ne sont pas égaux face aux nombreuses situations auxquelles ils seront confrontés plus tard dans la vie...

J'ai découvert grâce à Bernard, que ma femme, faut pas la chauffer au-dessus d'une certaine température. J'ai tenté d'expliquer à notre voisin à maintes reprises la situation, l'ai emmené chez nous pour qu'il réalise la gêne que cela occasionne : il ne comprend pas, n'entend aucun son de chez nous, nous dévisage avec compassion de son regard de hamster, comme si le problème, c'était nous! Même si passer pour un imbécile auprès d'un con est un plaisir de fin gourmet, la situation est difficilement supportable.

Son intelligence bien enfouie, camouflée derrière un masque de peau blanche inerte et luisante, flanqué d'un gros nez qui arrive péniblement à retenir ses lunettes, la glotte saillante, il ne sourit jamais, comme s'il était conçu avec des lèvres gercées. Le haut de son visage étant également épargné de toute forme d'expression, avec sa tête de trophée digne du musée Grévin, il sera certainement préservé de l'apparition des rides avec le temps qui passe. Francis assurément est né vieux. Il devrait donc bien vieillir, vu l'avance qu'il a prise à la naissance sur le commun des mortels.

Moi, ma vie, je veux l’écrire en couleur, en clair-obscur, dans des pastels de rouille aux teintes chaudes et râpeuses. Mon frère aîné et ma sœur ne cherchent pas à écrire leur vie, mais à reproduire celle qu’on leur a donnée en modèle, ce qui semble pleinement les satisfaire. Je suis vivant-vivant, de sont des morts-vivants ; ce qui me réjouit, c’est qu’ils pensent le contraire. Comme quoi la nature est bien faite.

"Les cons, ça osent tout, c'est même à ça qu'on les reconnait", disait Audiard, le visionnaire. Ambassadrice et porte-parole des cons à elle toute seule, si Vanessa était un feu d'artifice, elle serait le bouquet final. On devrait la labelliser d'inutilité publique, la classer monument historique à visiter pendant les journées du patrimoine : elle remporterait un franc succès.

C'est là que j'ai rencontré Solange.

Rondouillarde, les pommettes roses des jeunes filles élevées en plein air à la campagne, elle n'est que sourire, gaieté et générosité. Naturellement bienveillante, elle a de l'empathie spontanée à l'égard des autres. Si Solange était un légume, elle aurait l'appellation bio. Son optimisme, sa joie de vivre proviennent d'une enfance équilibrée où elle a été considérée, respectée, rendue responsable et mise en confiance dès le plus jeune âge.

Mes deux frères et ma soeur, beaux et brillants dans leurs études n'arrangent pas ma situation. Ils sont légitimes dans leurs statuts de bâtons de relais intergénérationnels, dont les parents rêvent tous. Ils sont les fruits d'une passion lointaine, je suis le gros pépin. Ils sont la fierté de la famille, j'en suis la honte.
Ils sont les biens-aimés, je suis le mal-aimé.

Ils ont fait cinq ou six ans d’études sans passion. Je n’ai pas fait d’études avec passion, j’ai même raté mon bac avec deux ans de retard, eux l’ont eu avec un an d’avance…

Ils sont les fruits d’une passion lointaine, je suis le gros pépin. Ils sont la fierté de la famille, j’en suis la honte. Ils sont les bien-aimés, je suis le mal-aimé.

L'intelligence comme la connerie n'ayant pas d'âge, tel un vieil armagnac, notre mère est hors d'âge.