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Critique de BurjBabil


Réunir une flopée d'intellectuels et développer une notion, c'est le pari de ce livre. Réussi car s'appuyant sur une rencontre nommée Forum Philo ayant eu lieu en 2016 et réunissant ces contributeurs et bien d'autres sans doute... C'est donc bigrement intéressant, profond comme on peut s'y attendre, même si le niveau et l'intérêt que l'on peut porter à certains apports s'avèrent inégaux. Un petit trait d'humour : il manque juste la vision d'un économiste pour circonscrire entièrement le périmètre de l'analyse. Un Piketty ayant de remarquables idées sur la question aurait clôt l'affaire. Mais il est vrai que le focus de cet essai se situe plutôt du côté culturel et civilisationnel.
Du « legs » inquiet de Renouard pour qui la langue est primordiale : « à chaque fois que nous perdons une forme, un temps verbal, nous perdons une nuance dans la façon de dire le monde ; à chaque fois que nous adoptons sans examen un mot de l'anglobish, nous diminuons la capacité d'invention de la langue, qui est notre principal et plus précieux héritage, puisque c'est par lui que nous pensons » à l'engagement culturel de Chantal del Sol : « Les théories postmodernes de l'individu sans héritage ne valent même pas la peine d'être récusées, tant elles sont hors-sol, et discourent sur un monde qui n'existe pas. La récusation de tout héritage particulier pour gagner la liberté entière (par exemple : nous ne lui apportons aucune croyance, il choisira quand il sera grand) est un leurre manifeste. L'enfant apprend à aimer à travers l'amour imparfait qu'il porte à ses parents, il apprend à croire en adhérant pour commencer aux croyances de ses parents, il apprend à parler à travers la langue dite maternelle, etc. Tout apprentissage se réalise à travers un héritage particulier, donc imparfait, partiel et partial, subjectif. »
en passant par Mona Ozouf et la révolution française qui souligne que « la nation est faite de la longue sédimentation des habitudes communes » ainsi que la très belle interrogation de Anne Cheng sur le cas contemporain de la Chine : « sur l'ère actuelle de la prétendue « post-modernité », force sera de constater que l'opération en cours de réappropriation du passé et d'invention d'une « spécificité chinoise » sert en réalité à entretenir l'amnésie d'un passé récent » , ce tour d'horizon des différents questionnements relatifs à ce que nous sommes, à ce que nous souhaiterions que nos enfants soient, aux systèmes d'organisation pouvant permettre cette dualité du passé/futur émancipatrice est vraiment très bien questionné ici.
La conclusion est laissée à Pierre Rosenvallon qui rappelle fort à propos : « L'Europe a été le continent des totalitarismes. Réfléchir à la démocratie, c'est donc réfléchir à cet héritage problématique, tant à cause du flou de ses définitions que du fait de ses perversions. Cela veut dire une chose fondamentale : personne ne possède l'idée de démocratie. Personne ne peut dire : je sais ce que c'est que la démocratie. ». Pour éviter le piège de la dictature, qui naît bien souvent d'une mauvaise interprétation de l'accomplissement ultime de la démocratie, Pierre Rosenvallon met en garde « Si on veut être un bon « apprenti » en démocratie, il faut donc être extrêmement vigilant et comprendre qu'une critique, même radicale, doit aller de pair avec la reconnaissance du fait que c'est à l'intérieur de ce système qu'il faut travailler et non pas contre lui. »
A bon entendeur salut !
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