Anne Cheng, professeure du Collège de France et titulaire de la chaire Histoire intellectuelle de la Chine, introduit son cours de l'année 2023-2024 : « La Chine est donc un État despotique, dont le principe est la crainte »
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"Le système de crédit social ou la gestion technocratique de l'ordre public" (Séverine Arsène)
Le recours à un système de récompenses et de punitions, destiné à renforcer l'application universelle de la loi, ne manque pas d'évoquer les principes fondateurs de la pensée légiste de l'Antiquité chinoise. Le principe même de gouvernement par la loi ("Rule by law", qui traduit mieux que "Etat de droit" la notion de yi fa zhi guo) évoque ce courant de pensée, moins connu aujourd'hui que le confucianisme, mais qui a influencé les méthodes de contrôle social en Chine depuis la période des Royaumes Combattants (IV°-III°s av. J.C.) et qui est très présent aujourd'hui dans la pensée politique de Xi Jinping.
Partant d'une conception de la nature humaine comme étant animée seulement par des intérêts égoïstes, la pensée légiste conçoit le gouvernement efficace comme la manipulation de ces intérêts à travers des châtiments et des récompenses. Cette pensée, plus préoccupée d'efficacité que de justice, exige que la loi s'applique à tous les sujets de la même manière, et non selon leur rang...
On retrouve cette conception presque mécanique du comportement humain dans le système de Crédit social, avec l'idée que le (non-) respect des lois est seulement le produit d'un calcul d'intérêts, et qu'en augmentant le coût de la transgression, alors les sujets sont automatiquement amenés à rentrer dans le rang. La propagande, qui insiste sur le nombre de personnes sorties des listes noires après avoir corrigé leur comportement, abonde dans ce sens (sans qu'il soit possible de juger du lien de cause à effet).
pp. 339-340
En élargissant son esprit, il est possible de faire corps avec les choses de l'univers. Tant que l'on n'a pas fait corps avec toute chose, il restera quelque chose d'extérieur à l'esprit. L'esprit des hommes ordinaires se limite aux bornes étroites de ce qu'ils voient et entendent. Le Saint réalise pleinement sa nature et ne laisse pas entraver son esprit par ce qu'il voit et entend. Dans le regard qu'il porte sur l'univers, il n'est pas une chose qui ne soit sienne. C'est ce que voulait dire Mencius : " Épuiser le potentiel de son esprit, c'est connaître sa nature comme c'est connaître le Ciel.
Le Saint est celui qui l'obtient sans jamais tomber dans la confusion. Les émotions, ce sont les mouvements de la nature : les hommes ordinaires sont ceux qui s'y noient sans jamais connaître son fondement. Est-ce à dire que le Saint est dénué d'émotions ? Le Saint est silencieux et immobile. Sans se déplacer, il parvient à destination ; sans parler, il communique sa force spirituelle ; sans briller, il irradie. Par ses oeuvres, il forme une trinité avec le Ciel et la Terre, par ses transformations, il s'unit avec le Yin et le Yang. Bien qu'il connaisse les émotions, il n'est jamais émotif. Est-ce à dire que le commun du peuple est dénué de cette nature ? La nature d'un homme du commun ne diffère en rien de celle du-Saint. Toutefois, elle est obscurcie par les émotions avec lesquelles elle est en perpétuel conflit, de sorte que [l'homme du commun] arrive à la fin de ses jours sans avoir eu lui-même une vision de sa propre nature.
A moins d'une ultime authenticité, il est impossible de parvenir à l'étude des principes ultimes. Dans l'étude des principes des choses, quelque chose d'impossible à comprendre ne saurait être compris à toute force.
Dès lors que la compréhension est forcée, le moi intervient, et dès lors qu'intervient le moi, l'univers entier tombe sous le coup de la pure technique.
[d'après le Laozi] Ne pas agir, c'est donc s'abstenir de toute action qui soit intentionnelle, dirigée, en vertu du principe qu'une action ne peut être vraiment efficace que si elle va dans le sens du naturel. Le thème central du non-agir conduit ainsi à celui du retour à la nature originelle.
C'est en s'accoutumant à se défaire de son moi que la lumière se fera d'elle-même.
La sagesse consiste non pas à régenter les autres, mais à se régler soi-même ; la noblesse, non à détenir rang et pouvoir, mais à se posséder soi-même - dans la mesure où sitôt trouvé le moi, l'univers entier m'échoit, puisqu'à faire grand cas du Soi et fort peu de l'univers, on touche à la Voie.
Le Saint est capable avec son seul esprit de contempler dix mille esprits, par sa seule personne d'en contempler dix mille, de sa seule génération d'en contempler dix mille. Et aussi parce qu'il est capable, par son esprit, de manifester les intentions du Ciel, par sa bouche les paroles, par sa main les oeuvres, par sa personne les activités. Il est encore capable, en haut, de connaître les saisons du Ciel, en bas, d'explorer à, fond les principes de la Terre, au milieu, de prendre pleinement conscience des caractères particuliers des choses, et d'éclairer dans leur ensemble les activités des hommes. Enfin, il est capable d'ordonnancer le Ciel-Terre, d'imiter le processus créatif, d'évaluer présent et passé, et de situer les hommes et les êtres.
Un mot sur le coq. Il n'a jamais été un emblème gaulois. Les Romains ont parfois fait quelques plaisanteries vaseuses sur le fait que le mot Gallus désigne coq et que cela n'était pas étonnant car ils se bagarraient comme dans un poulailler. C'est au Moyen Age, à la cour d'Angleterre, qu'est apparue cette assimilation...puis les rois de France ont à leur tour décidé de s'en emparer en disant que le coq est celui du christ...
Elle se retrouve exposée sous son vrai visage, sans masque (pour ainsi dire !), tel le roi nu de la fable d'Andersen auquel faisait déjà allusion Simon Leys en 1971 dans "Les habits neufs du président Mao". Cinquante ans après la parution de ce livre prophétique, allons-nous continuer à accorder un quelconque crédit aux constructions fantasmatiques du "rêve chinois" ?