Il y a dans l’air
l’odeur de l’ombre
qui se mêle
au feuillage pourpre
de novembre
humus et écorce glacés
la sève ne s’écoule plus
l’arbre captif aux racines
frissonne devant la nuit
qui d’un coup vif
s’abat sur la ville
A Hervé Martin
Entre la cime
et l'abîme
nous choisirons
la terre brune
labourée de regards
de mains nouées
au vent à la pluie
nous choisirons
un lieu un chemin
un brin d'herbe
caressé par l'éclair
C’EST DANS L’INTIMITÉ DU BRIN D’HERBE…
C’est dans l’intimité
du brin d’herbe
que j’ose ouvrir
les lèvres du silence —
il ne dit rien
il se laisse faire
la nuit ne l’effraie pas
peut-être voit-il
derrière l’étoffe noire
la lueur d’une lampe
ou celle du jour à venir
ses lèvres s’entrouvrent
comme une cicatrice
au bord de l’océan
Du bout de la langue
Du bout de la langue
la clarté de la lampe
égratigne mes lèvres
– Clair obscur
de ma mélancolie
les mots ont un goût
de cendre
Dans la chambre fermée à clé
Dans la chambre
fermée à clé
la nuit cogne
contre les meubles
tu ne l’entends pas
contre toi elle se glisse
dans les draps froids
elle se glisse et se faufile
entre tes cuisses
elle a la douceur de l’éclair
et le visage de l’oubli
tu voudrais la saisir
son odeur te poursuit
t’enveloppe d’insomnie
jusqu’à l’aube
Dans les recoins sombres
d'une maison
envahie de lierres
et de souvenirs
un enfant joue –
Un livre ouvert
frémit sous la caresse
d’un insecte
et dans la nuit profonde
du jour qui vient
tu entends encore les mots
frapper la lumière
Rideaux d’acier baissés
Rideaux d’acier
baissés – la respiration
suspendue
aux cris funestes
des sirènes
où es-tu mon amour
la nuit tisse sa toile
longe les murs
s’attarde aux reflets
troués des vitrines –
un visage d’ange
regarde le ciel
pétrifié
Que cherches-tu
à travers cette nuit étale ?
Tu ne souffres pas d'exil
et la morsure du monstre
ne déchire pas ta chair
la mer te parle tout bas
de ses naufrages
que tu ne connais pas
l'enfant en toi crie
prisonnier d'un conte
travesti d'éclats
ton cri ne peut avoir
l'écho des survivants
« Il y a dans l’air
l’odeur de l’ombre
qui se mêle
au feuillage pourpre
de novembre
humus et écorce glacés
la sève ne s’écoule plus
l’arbre captif aux racines
frisonne devant la nuit
qui d’un coup vif
s’abat sur la ville ».
D’un bleu inouï
la maison au fond
de ta mémoire
gît dans un sommeil
aquatique
l’enfant respire la couleur
la force tranquille d’être là
et toi au bord du chemin
tu regardes l’enfant
s’éloigner un peu