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Critique de Tricia12


Autant le dire tout de suite, on a affaire ici à un roman très dense et on comprend qu'il ait fallu plus de trois ans à Leonardo Padura pour nous produire cet opus de 603 pages (qui sont bien remplies...).
Je l'avais découvert avec «Les brumes du passé» et enchainé avec «Mort d'un chinois à la Havane». Je ne suis pas déçue d'avoir pris un peu de temps pour lire «Hérétiques».
Pour ceux qui ne connaissent pas Padura, le héros, Conde, est récurrent: c'est un ancien flic, aujourd'hui la cinquantaine, devenu revendeur de livres anciens que certains cubains désargentés sont contraints de vendre.
Dans les aventures qui nous intéressent ici, il va rencontrer un homme américain, Elias Kaminsky, peintre de son état, dont le père, Daniel Kaminsky était arrivé enfant en 39 à la Havane pour la fuir vingt ans plus tard. Il avait débarqué seul et avait été accueilli par un oncle.
Le reste de sa famille juive devait le rejoindre avec pour monnaie d'échange si nécessaire pour soudoyer les autorités cubaines, un tableau de Rembrandt (dans la famille depuis trois siècles).
Seulement voilà, le petit Daniel Kaminsky verra depuis le port le bateau Saint Louis à bord duquel se trouvent ses parents et sa petite soeur, quitter les eaux cubaines le 1er juin 1939 après six jours interminables d'attente et de palabres avec les autorités. Ce bateau qui n'avait pratiquement à son bord que des juifs fuyant l'Europe sera aussi refusé par les Etats-Unis et retournera en Europe où l'on sait le sort qui fut réservé à ses passagers...(le fait est véridique).
Bref, Elias Kaminsky voudrait bien savoir, avec l'aide de notre héros Conde, ce qui s'est passé et pourquoi aujourd'hui le tableau de Rembrandt se retrouve en vente à Londres.
Le roman est constitué de trois «livres» et d'une genèse en toute fin (références bibliques obligent).
Le premier, «livre de Daniel» prend place à la Havane de 1939 à 1959 (comme toujours ville-personnage à part entière chez Padura), le Miami de la communauté cubaine exilée dans les années 60 et enfin en 2007, année où se situe «l'enquête».
Le second, «livre d'Elias» se situe entre 1643 et 1647 à Amsterdam (appelée la Nouvelle Jerusalem par les juifs ayant fui l'inquisition qui y trouvèrent refuge et liberté). On suit un jeune juif, Elias Ambrosius, fervent admirateur du Maître Rembrandt, qui souhaite devenir peintre malgré le fait que la pratique soit interdite par «le deuxième commandement de la Loi sacrée» car source d'idolâtrie et qui risque le bannissement par sa communauté s'il enfreint la règle.
Enfin, dans le dernier livre, «livre de Judith», on retrouve Conde chargé d'enquêter sur la disparition d'une adolescente à la Havane en 2008.
Bien entendu, tout est lié...Et la genèse de la fin (bel oxymore...) du livre nous donne aussi quelques clés sur l'histoire du fameux tableau disparu et surtout sur le massacre des juifs perpétré en Pologne dans les années 1650.

Le propos du livre est centré sur l'exercice du libre-arbitre de chacun des principaux personnages qui ont à faire des choix qui peuvent aller à l'encontre de leurs communautés.
J'ai préféré les deux premières parties à la troisième bien que cette dernière dépeigne certainement avec beaucoup de justesse le désenchantement d'une partie de la jeunesse cubaine actuelle mais je l'ai trouvé un peu long.
Le personnage de Conde est définitivement attachant (vieux garçon et compagnon d'un chien plutôt repoussant), aimant partager des moments (toujours bien arrosés) avec ses vieux amis et amoureux de sa Tamara avec laquelle il hésite désormais à se marier.
Le talent de Padura tient dans le fait que certes, l'écriture est assez exigeante, avec parfois de longues phrases (mais avec quel talent!... et bravo au passage à la traductrice) et de la réflexion mais qu'il sait aussi faire part de beaucoup d'ironie et de tendresse en particulier lorsqu'il évoque Conde et ses relations amicales et amoureuses. Les différentes atmosphères sont très bien restituées.
La partie sur Amsterdam est vraiment passionnante et si vous avez eu l'occasion de visiter la maison de Rembrandt, vous pourrez «visualiser» un certain nombre de scènes ce qui est toujours intéressant.
Le livre est émaillé de références à des enquêtes passés (les titres des romans sont indiqués) mais ça ne gêne en rien la lecture si on ne les a pas lus.
Je conseillerasi peut-être cependant de commencer plutôt par «les Brumes du passé» qui est plus court et et si cela vous plait, d'enchainer sur ce brillant ouvrage.


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