— Alors, on annule tout, j'imagine, dit Lilly avec une faible voix.
— Il n'en est pas question ! Je suis plus déterminée que jamais ! Elle a besoin de retomber sur ses deux pieds. Elle a perdu la tête !
— Qui ça “elle” ?
— La politique ! »
Elle est collée sur moi, me serre la cuisse, le bras, en me racontant des histoires qui perdent de plus en plus leurs points et leurs virgules. Je suis déçue. La première dame a brisé une des règles sacrées du protocole: garder sa tête. Elle a perdu le cap. Le vieux renard s’impatiente. Moi, je suis désillusionnée. Jamais cela ne m’arrivera. Je me le jure.
C’est joli. Ses cheveux brun foncé tombent sur ses épaules, à la Jackie Kennedy, et adoucissent son visage un peu sévère, surtout à cause de ses yeux noisette parfaitement ronds qui sont enfouis dans des orbites creuses. Je ne la qualifierais pas de belle femme, mais certainement de remarquable. Elle est posée et tous ses gestes semblent mesurés, de la façon dont elle prend une bouchée de son amuse-gueule à celle dont elle tient son verre. Je suis déjà impressionnée.
"Ce sont des êtres humains, Jojo. Pas des saints ou des dieux, bon sang." J’ai rencontré bien des gens, servi des masses de bouches fines et sucré des océans d’ego amers. Mais le vieux renard et sa dame, jamais.
Pour certaines rencontres, il préfère l’intimité de la maison à la salle de conférences de son bureau. On ne sait jamais jusqu’où l’ennemi est prêt à aller. Avec les nouvelles technologies, il n’est pas impossible que des appareils d’écoute s’immiscent dans ses bureaux. À la maison, la discrétion est assurée, les seuls appareils d’écoute sont mes oreilles, et parfois celles de Lilly, qui nous visite souvent et vient me donner un coup de main lorsque les convives sont nombreux.