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Critique de jvermeer


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Une incompréhension !

Le livre de l'écrivain Frédéric Pajak « Manifeste incertain 5Vincent van Gogh une biographie » publié en 2016 m'a surpris et contrarié.
Incontestablement il s'agit d'un beau livre. L'auteur associe le mot au dessin tout en n'étant nullement une BD dans laquelle les bulles graphiques expliquent les images. Ici, les dessins monochromes d'une belle qualité accompagnent le texte narratif.
Tout au long du livre, la vie de Vincent défile. Sur les dernier mois à Auvers-sur-Oise, quelques pages sont consacrées à la fin tragique de Vincent qui est un résumé des « Souvenirs sur Vincent van Gogh » publiés, âgées, par Adeline Ravoux, la fille de l'aubergiste Ravoux. La thèse sur la mort du peintre qui serait accidentelle selon le livre de Steven Naifeh et Gregory White Smith est évoquée. Pajak ne prend pas parti : il cite simplement.

Grâce à mes lectures, recherches et écrits, je connais bien la vie, le parcours artistique et les oeuvres de Vincent van Gogh. Ce livre ne m'a donc rien appris de nouveau sur l'artiste.
Par contre, certains passages du dernier chapitre intitulé « Vincent », m'ont interrogé. L'auteur donne son propre ressenti en forme de conclusion.

« Vincent n'a pas peint des tableaux : il a peint des « études ». Études, c'est-à-dire essais, tentatives de voir l'invisible. Car Vincent croyait en une réalité cachée dont le peintre serait le révélateur. Il se moquait d'être malhabile, d'être indigne des canons académiques que pourtant il admirait. Il ne savait pas dessiner, et peindre encore moins. (…) Pourquoi donc les foules se pressent-elles devant ses toiles, clouées au mur comme autant d'échecs ? (…) Peu leur importe la maladresse du peintre, ses défaites, la laideur manifeste de ses tableaux hollandais. (…) Vincent ne se contentait pas de dévoiler la laideur ; il la peignait affreusement. Non par volonté, par provocation, mais parce qu'il ne savait pas faire autrement. Peignant affreusement la laideur, il a rompu radicalement avec la tradition. »

Aurais-je mal compris les propos de Frédéric Pajak dont le livre est pourtant un hommage à l'artiste ? Ces quelques phrases du chapitre final m'ont laissé très mal à l'aise. Comment pouvait-on décrire ainsi la recherche artistique de Vincent van Gogh ?

Je vais tenter de donner ma propre impression sur la peinture de Vincent.
Ma première rencontre avec Van Gogh au musée d'Orsay n'avait pas été un franc succès. Etonnante « Eglise d'Auvers », difforme et grimaçante sous un ciel plombé ! Je ne détestais pas... Ce style me déroutait. Trop de couleurs. Des touches hachurées posées en pâte épaisse. Une peinture directe, sans fioritures. Je ne percevais pas sa singularité.
J'étais allé au Van Gogh Museum à Amsterdam pour tenter de trouver une explication, car l'essentiel de son oeuvre se trouvait dans ce musée : à peine dix années de peinture de 1880 à 1890 et un nombre étonnant de toiles peintes par ce forçat de travail.

Van Gogh m'avait bluffé ! Assis sur la balustrade faisant face au dernier tableau de la collection du musée : « Champ de blé aux corbeaux », je fixais, incrédule, les blés torturés de hachures orangées et ocre. Un chemin tortueux s'éclatait en trois branches agressives. le ciel sombre, orageux, terrifiant, écrasait les blés. Un vol de corbeaux noirs donnait un aspect hallucinant à ce paysage de désolation.
Les mains crispées sur la balustrade où j'étais assis, un visiteur, les yeux écarquillés rivés sur les blés, semblait atteint du même mal que moi.
- C'est d'une tristesse ! dis-je à voix basse.
- It's wonderful… Isn't it ?
- Je n'ai jamais aimé les corbeaux. Ce sont des oiseaux de malheur…
- What a worrying sky !
Noyés dans notre rêve personnel, nous conversions inconsciemment dans deux langues différentes et nous nous comprenions. le langage de l'art n'a pas de frontières…
Je quittai la balustrade. Mon voisin continuait à parler, seul… Ses doigts crispés sur la balustrade tremblaient légèrement.

Je n'avais rien compris à Paris... Je saisissais pourquoi les toiles de van Gogh me dérangeaient autant. Cette technique toute en force maîtrisée donnait l'impression qu'un fauve s'était jeté sur la toile pour y planter ses griffes ? Ce « Champ de blé aux corbeaux » peint en juillet 1890 à Auvers-sur-Oise était un des derniers tableaux de l'artiste avant son geste désespéré.
Mon opinion était faite. Plus de doute, ce peintre était de la race des meilleurs ! Deux siècles après l'âge d'or hollandais, avec une technique complètement différente, son oeuvre était du niveau d'un Rembrandt et même… pourquoi pas… de Vermeer.

Pas un instant je n'avais rencontré les peintures malhabiles ou laides dont parle Frédéric Pajak dans la conclusion de son livre…
Tout au long du parcours dans le musée, j'avais vu des toiles étonnantes de maitrise picturale, de fraîcheur (« Branches d'amandier en fleurs »), des coloris somptueux (« Bateaux de pêche sur la plage des Saintes-Maries »), de la poésie naïve (« Promenade au bord de la seine, près d'Asnières »), et puis des autoportraits étonnants (« en chapeau de paille », « en chapeau de feutre », « au chevalet »), des vases de fleurs aux vives tonalités (« Iris », « Tournesols »).
Une explosion de couleurs… En Arles, sous le soleil de Provence, le style si personnel de l'artiste s'était définitivement installé. le passage éclair de Gauguin et la fameuse scène de l'oreille coupée ne l'avaient pas empêché de continuer sa route, seul, incompris, mais lui-même… unique.
En quittant le musée, j'arborais le même regard ébloui que les autres visiteurs s'en allant à regret. Un très grand peintre… Un génie…

Je crois que si Frédéric Pajak avait été avec moi ce jour là, il aurait changé la fin de sa biographie…

« Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions. »

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