AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Brize


Brize
17 février 2015
Thierry Paquot, philosophe de l'urbain, dénonce dans cet ouvrage cinq exemples de ce que (selon lui et il va le démontrer) l'architecture peut produire de plus désastreux, alors qu'ils « se présentent comme des évidences de la modernité-monde en marche » : le grand ensemble (« ou l'ensemble sans ensemble ») ; le centre commercial (« ou le commerce sans échange ») ; le gratte-ciel (« ou l'impasse en hauteur ») ; la gated community (ou la vie enclavée ») ; les grands projets (« ou la toxicité de la démesure »).

L'analyse, vivante et approfondie, s'exerce de manière transverse, car l'auteur l'illustre en faisant appel aussi bien à des exemples littéraires, aux recherches menées par des philosophes et des sociologues qu'aux commentaires d'architectes. Dans tous les cas, il explique que ces dispositifs aboutissent à l'enfermement et à l'assujettissement de l'individu, pour reprendre ses propres termes, tant ils s'intègrent dans une vision étroite de l'urbain, conditionnée par des paradigmes liés à une société figée dans un modèle capitaliste (« Après l'aliénation par le travail industriel […], il nous faut nous préoccuper de l'aliénation spatio-temporelle »).

Le propos est stimulant et accessible, malgré quelques considérations d'ordre philosophique un peu plus ardues (mais elles ne m'ont pas rebutées car elles sont ancrées le concret et font écho à cette question : « Quels lieux contribuent à faire de moi ce que je suis et deviens ? ») et avec une poignée de digressions (revendiquées) intéressantes. L'une d'elles, « 2033 et après, deux contes urbains » m'a particulièrement plu car ce ne sont ni plus ni moins que deux textes courts de science-fiction proposant deux visions antagonistes de la société : chacune découle des décisions architecturales prises en amont, preuve qu'elles peuvent amener le meilleur comme le pire.

L'ensemble de l'ouvrage se présente comme une démonstration étayée et convaincante, condamnant les désastres susnommés. Ceux-ci affichent des dehors banals (un certain « air de rien »), alors qu' « aucun d'eux ne dit réellement ce qui l'anime ; au contraire, même, ils manifestent une intention humainement louable ».
Pour ce qui me concerne, j'étais pour les quatre premiers convaincue d'avance, mais asseoir ses réactions épidermiques, conformes à ce dont on est persuadé pour l'avoir vécu ou parce que cela nous paraît relever du bon sens, sur des fonds solides, est appréciable. Quant au cinquième et plus précisément ce qui concerne le Grand Paris, je reconnais que, n'ayant habité la région parisienne qu'occasionnellement (même si ce fut à plusieurs reprises), je ne m'étais guère interrogée à son sujet ni à la polémique qu'il a suscité, aussi la prise de position de l'auteur m'a-t-elle permis d'éclairer ma lanterne.
A noter que l'ouvrage se clôt non pas sur une bibliographie au sens classique du terme mais sur 40 pages d'une « Promenade bibliographique » au fil de laquelle l'auteur nomme et commente ses sources, voire en cite certains extraits dans des micro-développements.

J'ai lu cet essai sans difficulté et il m'a intéressée du début à la fin. Que le lecteur soit ou non d'accord avec les argumentations de l'auteur, le livre lui permet de développer son sens critique et peut l'inciter, si ce n'est déjà fait, à s'inscrire de manière active dans l'organisation physique de sa cité, parce qu'elle détermine la façon dont il y vivra. L'intérêt que le public manifeste, de plus en plus, pour l'architecture, prouve (c'est du moins mon avis) que cette appropriation de l'urbanisation par les habitants, conscients de ce qu'elle implique pour eux, est en cours.
Il ne m'a manqué qu'un développement des pistes à explorer pour éviter les écueils recensés. Ces autres manières de penser l'architecture urbaine ne sont qu'à peine évoquées car elles ont fait l'objet d'ouvrages déjà publiés par l'auteur, que je vais chercher à me procurer.

Lien : https://surmesbrizees.wordpr..
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}