AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de hcdahlem


L'orphelin et la bourgeoise

Hamed Boutaleb croise le regard de Léa, «gosse de riches». Ce qu'il y lit le pousse vers elle et l'entraîne vers un drame poignant.

Encore un – excellent – premier roman et un nouveau coup de coeur. L'avenir dira si 2018 a marqué l'éclosion d'une nouvelle génération d'auteurs et si Guillaume Para fait partie de l'un d'eux, mais pour l'heure savourons notre plaisir à suivre Hamed Boutaleb, le «héros» de cette sombre et poignante histoire.
Quand s'ouvre le roman, une jeune avocate insiste auprès de son collègue pour plaider une affaire très ordinaire, un braquage. On ne comprendra que bien plus tard pour quelle raison Léa entend à tous prix s'accaparrer ce dossier, car l'auteur change de registre pour nous raconter la vie d'Hamed dont la mère meurt à sa naissance et qui passe ses premières années aux côtés de son frère Faouzi, de sept ans son aîné, et son père alcoolique et violent. Il n'a que huit ans quand son grand frère est victime d'un règlement de compte entre trafiquants de drogue, il n'ena que treize quand son père est emporté par un cancer. L'orphelin est alors recueilli par son oncle Tarek et sa tante Asma. Avec leurs filles, ce couple peut être considéré comme la première «vraie» famille d'Hamed. Dans cet environnement, le garçon se sent à l'aise et peut progresser dans le seul domaine où il excelle: le football. Parmi ses admirateurs, il y a son coéquipier François qui est considéré comme le mouton noir – parce que «gosse de riches» – et qui se fait systématiquement frapper et humilier. Jusqu'au jour où Hamed prend sa défense et découvre «à travers ce garçon ce qu'il y avait de bon à avoir été préservé par la vie; Il se demandait aussi comment ce type, capable de redevenir un enfant lorsque certaines choses l'émerveillaient, avait pu résister, ne jamais baisser les yeux quand il se faisait tabasser par des plus costauds que lui.»
Invité par son nouvel ami, il va aussi faire la connaissance de son père Pierre, lui aussi amateur de football et qui entend l'aider à progresser dans ce sport qui «est la plus importante des choses sans importance» comme le dit le poète uruguyen Eduardo Galeano.
La prochaine grande rencontre dans la vie de l'adolescent s'appelle Léa, merveilleuse et mystérieuse, mais sans doute inaccessible: « Écoute. On ne va pas se mentir: ça ne sert à rien d'essayer, tous les deux. Toi aussi tu me plais, t'es la plus jolie fille de ce putain d'endroit, mais ça ne marchera pas. Tu sais pourquoi? Parce que les «jeunes de banlieue», leur vie pue, et tu t'en rendras compte bien assez tôt. Ça pue la merde dans nos cages d'escalier, nos parents puent la sueur quand ils rentrent du boulot, nos salons puent le désodorisant pour chiottes. Moi-mêrne, je pue la défaite. Tu crois qu'être pauvre, c'est quoi? Être pauvre, ça pue, et ça a un goût, celui du sang dans ma bouche quand mon père me tabassait. Je veux pas te faire pleurer, Léa, mais circule, y a rien à voir. Toi et moi, ça pue le malheur. » 
Si le miracle se produit quand même, que Léa et Hamed entendent construire une belle histoire d'amour au-delà des préjugés, c'est que la jeune fille a aussi sa part d'ombre. Elle est victime de viols répétés de son père.
Guillaune Para évite soigneusement tous les clichés sur la lutte des classes pas plus qu'il ne joue à outrance sur la corde sensible. Quand le roman rose vire au drame, on se retrouve avec deux êtres déchirés, emportés par le malheur sans pouvoir surnager.
La violence, qui est la pire des conseillères, finit par engloutir leurs espoirs. Hamed se retrouve en prison où il va faire une nouvelle rencontre décisive, Jean-Louis, son codétenu. La fin du roman est riche en rebondissements et permet à Guillaume Para d'offrir aux lecteurs un joli suspense, riche en émotions, en refermant la boucle ouverte avec le chapitre intitial. Un vrai sens de la construction, un style direct, sans fioritures et une volonté de gratter derrière les apparences pour révéler au mieux la psychologie des personnages font de ce premier roman une vraie réussite. Droit au but!

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          340



Ont apprécié cette critique (22)voir plus




{* *}