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Critique de Lenocherdeslivres


Neige, vent, glace, tempête, avalanche. Haute montagne. le bord du monde est vertical nous entraîne à la suite de la Cordée dans un monde blanc et froid, aux dimensions improbables. Ses six membres ont une mission. Malgré la tempête, il faut réparer une ligne électrique détruite à cause d'une avalanche, apporter à nouveau le courant dans un hameau isolé. Mais est-ce là l'unique but ?

Les habitants de ce coin de terre glacé sont entiers, dans leurs sentiments comme dans leurs actes. Et vu l'endroit où ils habitent, il vaut mieux. Car nous nous trouvons dans un de ces trous perdus au milieu de nulle part qu'on ne découvre qu'en littérature (ou dans la réalité, mais il vaut mieux être bien préparé à l'affronter). Quand est-on ? Rien ne permet de le dire précisément. Où est-on d'ailleurs ? Mystère. Les cartes situées au début du roman rappellent un peu les cartes des récits de fantasy, avec ses mondes imaginaires et ses noms aux sonorités étranges. Mais ici, des noms classiques : le Reculoir, la Grande, la Forêt de pierres. Classiques ou pas, ils sont évocateurs et mystérieux ainsi placés sur une carte, avec leurs majuscules. Donc on ne sait pas si on est sur notre terre, dans notre monde. le décor et les personnages sont tout ce qu'il y a de plus normaux. Les sentiments set les passions sont exacerbées, mais quoi de plus normal dans ce milieu. Par contre, une description comme celle-ci interroge : « Certains émettent quelques hypothèses : leurs calculs estiment un sommet à sept mille mètres, tantôt à neuf mille, tantôt quatorze mille mètres, ce qui constitue des estimations bien trop vagues pour se faire une idée précise de la hauteur du mont. » On se croirait presque dans « La montagne», une des nouvelles du dernier recueil de Liu Cixin, Les migrants du temps, avec son sommet liquide qui s'élève à plusieurs milliers de mètres. Ou dans Apocalypse blanche de Jacques Amblard quand une catastrophe fait surgir des sommets absolus sur notre planète, les stratocimes, qui font pâlir notre pauvre Everest.

Et ce sommet dont personne ne s'accorde sur l'altitude, c'est le but à atteindre pour tout alpiniste chevronné. Mais c'est aussi celui qu'on ne peut atteindre. La faute à une barrière incompréhensible, qui bloque les impétrants à des hauteurs diverses. Sans que l'on sache pourquoi. Un mystère que beaucoup cherchent à résoudre. Dont Gaspard, le chef de la Cordée, cette mythique équipe capable de miracles pour secourir les victimes de cette montagne, pour aider ses habitants. Que ce soit Masha, patronne de la Tanière, ce refuge où l'on trouve de quoi se restaurer et de quoi boire pour se réchauffer, mais aussi des livres à profusion pour nourrir la réflexion et l'admiration. Ou le père Salomon, mystique aux prêches pas toujours compréhensibles, qui voit dans la montagne une forme de divin qu'il faut savoir écouter. Pour lui, « le sommet de la Grande ne pouvait se révéler que suite à une « conversion du regard » : ce n'était plus sur la matière que l'esprit devait concentrer son attention, c'était sur lui-même. » Grimper au sommet d'une montagne comme pénétrer à l'intérieur de son esprit et enfin se comprendre. Solal, le petit jeune de l'équipe ne comprend pas grand-chose à tout ça. Ou, plus justement, cela ne l'intéresse pas. Il préfère l'amour de celle qui l'attend, la chaleur de ses cuisses, la tendresse de ses étreintes. Mais il suit Gaspard dans sa quête folle. Car là-haut, tout est différent ; là-haut, tout est plus beau : « Oui, là-haut le ciel change de teinte, il devient plus sombre, plus foncé, le bleu ciel vire en une sorte de bleu nuit qui annonce l'espace… et alors, à midi, tu peux voir les étoiles brûler en plein jour ! »

Comme je l'ai écrit plus haut, on trouve des livres par dizaines dans la Tanière. Cet objet est très présent dans le roman de Simon Parcot. Tout comme la littérature. Ne serait-ce que dans la façon de parler de Gaspard, très proche de la poésie parfois. Mais aussi physiquement. le livre comme seul recours à la parole difficile, à la parole impossible. le livre comme seul moyen d'exprimer ce que l'on peut dire, que l'on ne peut prononcer : « Car ici, il n'y a pas de place pour la parole, et quand il n'y a pas de place pour la parole, alors on s'en va crier dans des livres. » le livre comme moyen de conserver : « Dans ces sarcophages d'encre, le papier vient recueillir la parole impossible. Dans ces tombeaux silencieux hurlent les hommes des montagnes. »

Le bord du monde est vertical est un livre court mais dense, aisé à lire mais puissant dans sa langue et le cri d'amour envoyé à la montagne et à la littérature. Une belle histoire magnifiquement ciselée, qui nous glace les os de la première à la dernière page.

Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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