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Critique de glegat


En 1972 le rapport Meadows prévoit les conséquences dramatiques d'une croissance infinie dans un monde aux ressources limitées : raréfaction des ressources non renouvelables, épuisement des sols, pollution et dérèglement climatique.

Ce rapport préconisait de mettre fin à la croissance afin d'éviter l'effondrement de notre système. Qu'en est-il 50 ans plus tard ?
Il est facile de constater aujourd'hui que les rédacteurs du rapport Meadows avaient raison, pourtant nos hommes politiques restent persuadés qu'il n'y a pas d'autre solution que de poursuivre des objectifs de croissance et donc de consommation sans limites.

Pour Emmanuel Macron les écologistes sont des amish souhaitant revenir à la lampe à huile. Il est convaincu que la décroissance n'est pas une réponse au défi climatique. Élisabeth Borne et Bruno le Maire lui emboîtent le pas. Tous fustigent la décroissance et déclarent : « La décroissance est un concept synonyme d'être moins bien soigné, d'une qualité de transport moins bonne et de moins de prospérité pour nos enfants. (Bruno le Maire en mai 2023).

Alors, comment sortir de l'impasse ? Voici la réponse du ministre de l'Économie : “D'abord il faut avoir de la croissance, c'est le préalable absolu… J'ai la conviction que la France peut être la première puissance économique verte d'Europe, il faut croire à la science, c'est la science qui nous permettra de gagner la bataille du climat et il faut travailler plus et gagner de l'argent” cette réponse affligeante est un résumé fidèle de ce que nos gouvernants nous répètent à longueur de journée sous l'impulsion du président Macron.

Timothée Parrique est à cent lieues de cette philosophie et se présente comme un fervent défenseur de la décroissance dont il donne la définition suivante “La décroissance c'est produire et consommer moins pour vivre mieux”.

Dans son livre “Ralentir ou périr”, il développe de nombreux arguments pour convaincre le lecteur de la nécessité de décroître.

Né en 1990, Timothée Parrique a soutenu une thèse de doctorat en 2020 sur le thème de la décroissance. Son livre “Ralentir ou périr” reprend d'une manière synthétique et simplifiée l'essentiel des idées exprimées dans sa thèse.

S'il n'apporte pas beaucoup d'idées nouvelles sur le sujet, il a cependant le mérite de présenter le concept de décroissance avec clarté. Il porte ce projet avec conviction, force et enthousiasme. Il veut repenser le système économique dans une optique “Postcroissance” au-delà du productivisme et du capitalisme en général.

Parmi les chiffres à retenir, il nous en cite un : 10 % des plus riches sont responsables de la moitié des émissions de gaz à effet de serre. La croissance des pays riches se fait au détriment des pays pauvres dont on exploite les matières premières. C'est déjà une raison suffisante pour stopper la croissance qui ne fait que creuser les inégalités entre pays riches et pays pauvres. le jeune économiste commence par nous expliquer ce qu'est la croissance. Celle-ci est principalement caractérisée par son indicateur : le PIB (produit intérieur brut). Un indicateur imprécis et contestable. “Quand on entend croissance d'une économie développée, il ne faut pas penser à l'apparition miraculeuse de richesse, mais plutôt à l'augmentation de quelque chose au prix de la réduction d'une autre… Beaucoup plus souvent qu'on ne le croit, l'économie est un jeu à somme nulle”.

Timothée Parrique consacre ensuite une vingtaine de pages à la critique de cet indicateur de richesse. le premier reproche qu'on peut lui faire est de ne pas prendre en compte le coût de la dégradation de la nature causé par la croissance. de même le PIB ne prend pas en compte les activités bénévoles sans lesquelles notre société serait paralysée. D'autre part il n'y a pas réellement de lien entre le PIB et la qualité de vie. Si l'on compare par exemple le PIB par habitant du Costa Rica (12 140 euros) avec celui des États-Unis (63 142 euros) le rapport est de 1 à cinq et pourtant la qualité de vie est la même dans les deux pays. La comparaison entre PIB et espérance de vie est aussi très éloquente (Page 146).

Sur ce thème l'auteur n'apporte rien de nouveau, car la critique du PIB a été faite bien avant lui notamment par Dominique Meda dans son ouvrage “Qu'est-ce que la richesse ?” publié en 1999. D'autres indicateurs sont à l'étude, mais cela conduit justement à repenser totalement notre système de valeur.

On passe ensuite à l'historique du concept de décroissance dont le terme devient fréquent dans la bouche des économistes à partir de 2002. Pour l'auteur la décroissance propose une réduction de la production matérielle, mais c'est aussi un projet de société centré sur de nouvelles valeurs. “C'est à l décroissance qu'il faut travailler : à une société fondée sur la qualité plutôt que sur la quantité sur la coopération plutôt que la compétition, à une humanité libérée de l'économisme se donnant la justice sociale comme objectif” (Page 167).

Il propose ensuite plusieurs mesures pour réaliser la décroissance :
– Allongement des durées de garantie
– Criminalisation de l'obsolescence programmée
– Interdiction des pesticides
– Réduction du temps de travail
– taxe sur les transactions financières
– TVA plus forte sur les produits de luxe
– Plafonnement des salaires à 4 fois le salaire minimum
– L'interdiction de certaines formes de publicité
etc.

L'auteur a identifié plus de 380 mesures concrètes de décroissance. Il aborde ensuite la question du recyclage et en dénonce les limites : “L'économie ne peut pas être à la fois circulaire et en croissance. Encore une fois, il n'est pas question de décourager le recyclage, mais seulement d'admettre qu'il ne permettra pas de verdir la croissance”.

Un développement est consacré à la notion de croissance verte dont les partisans préconisent des mesures visant à découpler la croissance de ses effets néfastes sur l'environnement. Timothé Parrique démontre que ce découplage n'a jamais été observé durablement. La croissance verte est une promesse qui ne pourra pas être tenue. Il n'est pas possible d'accroître le PIB sans causer des dommages écologiques et environnementaux. “La seule solution est de réduire la taille de notre économie et de tendre vers une économie de post-croissance. Produire et consommer moins, mais pour vivre mieux”.

Un programme qui me convient, car il permet de réduire les inégalités, il fait oeuvre de justice sociale et préserve notre planète.

Je trouve réjouissant de voir de jeunes économistes proposer des voies nouvelles en s'écartant des idéologies libérales qui depuis des décennies nous trompe avec des théories comme celle du "ruissellement" sans prendre en compte les dommages causés à la nature. Avec des mots d'ordre tel que celui-ci “Enrichissez-vous, il restera toujours assez de miettes pour les pauvres”, on va dans le mur. L'indicateur de notre tableau de bord “Le PIB” ne précise ni la vitesse ni la destination de notre véhicule, rien ne compte que la somme des biens matériels produits.

Nos gouvernants ont les yeux rivés sur le PIB qui mesure la richesse, mais pas le niveau de bonheur.

Avec “Ralentir ou Périr” Timothée Parrique a produit un ouvrage de référence sur la question de la décroissance. Cette vision de la société est encore loin de faire l'unanimité, mais elle fait son chemin petit à petit.

- “Ralentir ou Périr, l'économie de la décroissance”, Timothée Parrique, Seuil (2022) 311 pages.
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