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Critique de VincentGloeckler


Alors qu'un président de la République française vient de renouveler, dans une intervention télévisée, ses déclarations hostiles à l'accueil des migrants, jusqu'à s'accaparer cette phrase de Michel Rocard : « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », dont Pierre Tevanian et Jean-Charles Stevens ont montré (chez Anamosa aussi, l'an dernier), en la décortiquant en détail, toute la vicieuse puissance méprisante et le cynisme, alors que la Loi Darmanin, renforçant les frontières et les expulsions, sera bientôt proposée au Parlement, le petit livre de Karine Parrot est bienvenu, décryptant dans une analyse brillante l'ensemble de fantasmes et de préjugés qui ont nourri cette image de l' «étranger», qui alimente depuis longtemps la politique de l'Etat et les actions de sa police. Certains regretteront peut-être une limitation du champ d'exploration du concept dans l'espace et le temps, l'auteur entamant sa recherche historique au Moyen-Âge et concentrant l'essentiel de sa démonstration sur le cas français. Mais elle réussit ainsi, et cela nous convainc, à révéler la torsion de notre regard sur l' « étranger » au fil de l'Histoire, montrant comment cet adjectif a pu à l'origine être appliqué à tous ceux qui n'étaient pas nés dans le même village, avant de s'appliquer surtout, de manière de plus en plus hostile et stigmatisante, aux non-blancs, non-européens, anciens colonisés et souvent musulmans, avec des jugements les accusant de paresse et les assimilant à des délinquants, sous l'influence d'un racisme de moins en moins déguisé. Karine Parrot étudie la bascule du « droit du sol » au «droit du sang » et dévoile les constants allers-retours de l'ouverture à la fermeture du territoire, en fonction des besoins de main d'oeuvre (et parfois de chair à canon pour l'armée en guerre…) de l'économie française. Evoquant les travaux récents de Claire Rodier et d'autres chercheurs autour du harcèlement et des mesures d'enfermement en centres de rétention subis par les étrangers, invitant à remettre en question la distinction discriminante entre des « réfugiés » politiques, menacés de mort ou de maltraitances dans leur pays d'origine, et ces migrants qui quitteraient leur territoire de naissance pour de « simples » raisons économiques, quand notre monde dévasté par les catastrophes climatiques oblige tant de populations à prendre la route pour ne pas mourir, elle rappelle qu'aucune limitation de mouvement n'est imposée dans la Déclaration Universelle des Droits de l'homme, nous sommant de redonner son humanité à notre regard. Et militante du GISTI, dont on connaît le travail généreux depuis plus de cinquante ans, pour accueillir les migrants et les aider à s'installer, elle termine son étude par cet appel vibrant : « Les humains doivent pouvoir aller et venir librement et choisir là où ils veulent vivre. C'est la condition sine qua non d'une égalité réelle. Mais il reste encore beaucoup d'expérimentations à mener et à penser pour donner corps à d'autres mondes, des mondes vivables, sans gouvernants, sans gouvernés, sans policiers, sans nationaux et sans étrangers. », un rêve utopique peut-être, mais qui fait tant de bien, et devrait résonner comme un idéal à poursuivre… Alors oui, il faut lire et faire lire ce texte, aussi pertinent que mobilisateur, de Karine Parrot !
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