Toujours préférer l'hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot exige un esprit rare.
La FRANCE ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part.
Toujours privilégier l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante, le complot demande un rare esprit.
Tant qu'il ne sera pas possible de garantir à chacun un emploi, il faudra, à titre de réparation, garantir à chacun un revenu.
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Mais la lutte contre la pauvreté ne se résume pas au versement d'un minimum vital. Elle appelle une action coordonnée et en profondeur portant sur les domaines essentiels de la vie : l'éducation, le logement, la santé, l'emploi, la formation. C'est donc un véritable plan national de lutte contre la pauvreté qu'il faudra instituer.
[L'Europe] ne peut donc se définir que comme un club de nations cherchant à intégrer leurs économies, mais par leurs identités nationales.
Mon expérience sur le long terme, c’est qu’au fond il y a deux approches du politique. ll y a l’approche par le goût des choses faites, par le plaisir de résoudre les problèmes. Aristide Briand est probablement l’exemple le plus fort de ce type d’homme politique. L’ autre approche, celle de Clemenceau et de Mitterrand, est fondée sur le goût du pouvoir. Briand n’a pas laissé de Mémoires. Il ne sculptait pas son image, il s’en moquait. Briand ne s’intéressait qu’aux décisions à venir.
Et Chirac me dit quand même : « Méfie-toi de Mitterrand, c’est quand il te sourit qu’il a le poignard le plus près de ton dos. »
Le projet d'une Europe fédérale est mort en 1972.

Le dernier livre de Paul Krugman est très intéressant - 79. Très intéressant d'abord pour l'analyse de la crise que propose le Prix Nobel d'économie et pour les chiffres qu'il donne sur l'incroyable creusement des inégalités, aux États-Unis comme dans le reste du monde. Très intéressant aussi pour comprendre comment, si les États européens persistent à mettre en œuvre des politiques d'austérité, ils risquent de s'enfermer dans une « spirale de la mort ».
En juillet 2010, Krugman fut l'un des premiers à souligner les dangers d'une « Self-Defeating Austerity », une austérité dont l'objectif est de diminuer les déficits mais qui cause sa propre défaite, son propre échec, car elle aggrave la récession et creuse encore les déficits… Les faits, hélas, lui donnent raison : en Italie, en Grèce, au Portugal, en Grande-Bretagne comme en Espagne, on voit comment des politiques d'austérité aggravent la crise, échouent à ramener à l'équilibre des finances publiques et amènent le peuple à rejeter de plus en plus violemment les politiques décidées par leurs gouvernements- 80.
Son livre est intéressant aussi et surtout car, entre les lignes, Krugman avoue qu'il a de gros doutes sur l'efficacité des solutions qu'il propose lui-même : « Pour sortir de la dépression actuelle, l'essentiel, c'est une nouvelle vague de dépense publique », affirme-t-il avec force au début du livre avant de montrer que le risque d'inflation lié à cette vague de dépense publique est nul ou presque nul. Et que, même s'il y avait un peu d'inflation, ce ne serait pas une mauvaise chose, car cela permettrait de diminuer mécaniquement le poids réel des dettes (publiques et privées). Comment financer cette vague de dépense publique ? « Par une action agressive des banques centrales. »
Mais à la fin du livre, Krugman laisse le lecteur sur sa faim : « Ce genre d'intervention fonctionnerait-il ? Pas nécessairement, mais l'important est d'essayer et de continuer à essayer si la première salve ne suffit pas. » On a déjà vu des argumentations plus convaincantes : ça ne fonctionnera peut-être pas, mais l'important, c'est d'essayer…
Voir un Prix Nobel afficher publiquement ses doutes est assez rafraîchissant à une époque où beaucoup préfèrent assener des dogmes et n'ont pas le courage d'afficher leurs questionnements. Mais, vu la gravité de la situation, vu le temps limité qu'il nous reste pour éviter un effondrement - 81, on ne peut pas en rester à des propositions qui ne fonctionneront pas.
On peut partager totalement les critiques antilibérales et anti-austérité des keynésiens sans forcément approuver leurs propositions. La plupart des keynésiens ont en tête que :
1. Une grosse vague de dépenses publiques permettra de relancer la croissance.
2. La croissance permettra de créer massivement des emplois.
Ces deux affirmations sont fausses. Elles étaient justes il y a quarante ans, mais sont fausses aujourd'hui. Il est urgent de le comprendre pour ne pas perdre des années à mettre en œuvre des politiques qui ne peuvent pas être efficaces.
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79. Sortez-nous de cette crise… Maintenant ! Flammarion, 2012.
80. Cela ne signifie pas qu'il faut laisser filer les déficits : on peut revenir vers l'équilibre des comptes publics sans austérité. On y reviendra dans le prochain chapitre.
81. Peut-être Krugman ne partage-t-il pas notre analyse de l'instabilité de l'économie mondiale. Il faut attendre la page 262 pour qu'il évoque la situation en Chine et le sujet est évacué en deux lignes, mais au moment où ce livre part à l'imprimerie, tous les indicateurs montrent un ralentissement très brutal de l'activité en Chine et les tensions se multiplient entre la Chine et le Japon.
Chapitre VIII / Et si la croissance ne revenait pas ? Les (gros) doutes de Paul Krugman

GEORGES-MARC BENAMOU : Mais qu’est-ce qui fait qu’en France Aristide Briand, Mendès ou Rocard ne sont pas ceux qui gardent le pouvoir ?
MICHEL ROCARD : C’est la nature humaine. Cela n’a rien de spécifique à la France. Ce qu’il y a de spécifique à la France, c’est l’histoire malheureuse du Parti socialiste. Ce qu’il y a de non spécifique, de parfaitement mondial, c’est l’existence de ces 5 % des professionnels de la politique qui exercent le pouvoir pour le goût des choses faites et, au fond, dans l’indifférence des autres...
GEORGES-MARC BENAMOU : Indifférence des autres ?
MICHEL ROCARD : Je ne veux pas dire indifférence privée... Les autres, ce sont les 95 % pour qui la jouissance du pouvoir est du domaine de la relation humaine : jouissance de gratifier, jouissance de retirer, jouissance d’humilier, surtout. La jouissance d’humilier, c’est le plaisir des politiques, comme des forces de l’ordre ou des petits Blancs dans les pays sous-développés. Si celui qui en a le goût bénéficie, en plus, d’un bout d’autorité élective, il est dix fois pire que le fonctionnaire obtus qui a besoin de vous empoisonner la vie pour se sentir exister. C’est la version animale du pouvoir, dont certaines images sont étonnantes. Regardez, par exemple, une salle de congrès. Parfois, les gens se masturbent à travers le micro. Ils masturbent le micro, si j’ose dire..