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Critique de Henri-l-oiseleur


Souvent, le réalisme littéraire est lié à la représentation du peuple dans le roman ou la nouvelle, au point que réalisme et sujet populaire sont devenus presque synonymes. La France a eu son Naturalisme, l'Italie son Vérisme, à peu près à la même époque, et dans la lignée des grands auteurs véristes, Pasolini a composé ses Nouvelles Romaines, textes brefs, peu narratifs, destinés le plus souvent à la presse romaine des années cinquante. Les nouvelles du recueil proposées ici en édition bilingue prennent place dans le quartier pauvre du Trastevere, et parfois dans quelques cités populaires au bord de la mer comme Terracina. L'auteur raconte peu, mais excelle à retracer une atmosphère, une silhouette, une relation humaine, et le destin de ce sous-prolétariat romain, dont les membres naissent déjà marqués et dont les vies sont soumises à d'implacables déterminismes économiques et sociaux : la rareté des événements et des surprises narratives s'explique par là.
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L'édition bilingue aidera le lecteur à mesurer à quel point l'italien littéraire est une langue difficile, d'autant plus ardue que l'auteur y insère de nombreux passages en dialecte romain (romanesco), dialogués ou non. C'est un élément qui différencie le réalisme italien de son parallèle français : l'Italie a toujours eu deux niveaux de langue (diglossie), la langue officielle écrite et établie depuis Dante et Pétrarque, et les multiples dialectes locaux auxquels le cinéma de Pasolini a habitué nos oreilles. Il y a toujours eu une riche littérature dialectale en Italie, à l'opposé de la France. Cette dimension double de la langue ne passe bien évidemment pas en français, où la séparation entre langue officielle et langues locales était doublée d'une barrière de classes infrangible, tandis que la situation littéraire et linguistique en Italie a toujours été plus souple. Pasolini nous échappe donc, à nous Français, par les jeux subtils de sa prose à travers tous les étages de la langue.
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Enfin, qui dit réalisme pensera, à l'école de Zola ou mieux, de certains auteurs du Nouveau Roman, objectivité et distance du sujet par rapport à son objet. Rien n'irait plus mal à Pasolini, nouvelliste réaliste et lyrique, dont les récits vibrent d'un amour profond et secret pour les gens et les lieux qu'il décrit. Ce lyrisme discret mais prenant, joint à la brièveté des textes et au cadre urbain, m'ont fait penser plus d'une fois à certains petits poèmes en prose du Spleen de Paris de Baudelaire, à quelques pages de prose poétique de Huysmans ou de Jacques Réda.
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