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Critique de Ingannmic


Ma première rencontre avec Ann Patchett, pourtant motivée par des avis forts recommandables, n'a pas été vraiment à la hauteur de mes -trop grandes ?- attentes. Certes, j'ai avalé les quelques 340 pages de l'édition poche de "Dans la course" en trois jours, portée par son écriture fluide, et le fil de son intrigue. Mais à l'image de cette rapidité, la lecture m'a laissé un sentiment de fugacité, et surtout de superficialité.
Boston, au coeur d'un rigoureux hiver.
Après avoir assisté à un meeting de Jesse Jackson, les Doyle sont réunis sur le trottoir. Il y a là le père, veuf et ex-maire de la ville qui tente de convaincre ses deux fils de l'accompagner à la réception faisant suite à la conférence. Teddy est prêt à faire cette concession, mais Tip, de peu son aîné, se languit de retrouver, au sous-sol du Museum de Zoologie, les poissons conservés dans le formol qu'il étudie avec un zèle obsessionnel. Père et fils se disputent un peu, et en une seconde d'inattention, la neige rendant par ailleurs la visibilité mauvaise, une voiture manque d'écraser Tip, sauvé in extremis par le réflexe providentiel d'une inconnue. Grièvement blessée, la femme est emmenée à l'hôpital, pendant que les Doyle prennent en charge sa fille de 11 ans qui l'accompagnait et se retrouve ainsi seule, sans personne, prétend-elle, pour la recueillir.
Je ne vous en dis pas plus, afin de ne pas divulguer les surprises de l'intrigue ; ajoutons juste que Teddy et Tip sont noirs, et qu'ils ont été adoptés très jeunes par le couple (blanc) formés par Doyle et sa femme Bernadette, décédée peu de temps après. La fillette -Kenya- qu'ils ont prise en charge le temps d'éclaircir sa situation, l'est également.

Pourquoi ces précisions ? Eh bien parce qu'ayant lu -regrettable erreur !- la quatrième de couverture avant d'entamer ce roman, j'y ai appris avec grand intérêt qu'Ann Patchett y "livre une réflexion pleine de justesse et d'empathie sur ce que signifie être noir aux Etats-Unis aujourd'hui"…

Et le contraste entre la vie des jeunes Doyle, que leur adoption a socialement privilégiés et celle de Kenya, qui habite en logement social, dont la mère trime pour un salaire de misère, m'a en effet semblé constituer un bon point de départ pour aborder cette thématique. Or, il n'est pas vraiment exploité. Et je crois finalement que là n'était pas le but de l'auteure. L'action de son roman se déroule sur une très courte période (deux/trois jours, si on excepte l'épilogue qui nous projette quelques années en avant), mais se révèle riche de rebondissements (dont un, placé en milieu d'intrigue, m'a paru superflu et peu crédible) que ses protagonistes n'ont pas vraiment le temps de digérer, sans parler d'entamer un travail de réflexion sur leurs origines, le déterminisme social, ou ce qu'ils doivent à leurs racines biologiques. de plus, le personnage de la jeune Kenya, à la fois mature, curieuse mais discrète, très intelligente et surdouée de la course à pieds, bref, disposant de toutes les qualités pour rejoindre une élite vers laquelle un coup de pouce des Doyle ne manquera pas de la projeter, ne permet guère de mettre en évidence les obstacles auxquels sont confrontés les afro-américains des classes populaires ne pouvant se targuer d'aucun don particulier pour compenser le handicap que leur couleur de peau représente pour leur ascension sociale.

Sans doute ma déception vient-elle d'un rendez-vous manqué, et que j'attendais à tort d'Ann Patchett bien autre chose que ce qu'elle a voulu exprimer. Peut-être que son but était juste de raconter une histoire, et d'y trouver l'occasion d'évoquer la complexité des relations filiales et fraternelles. Et ça, c'est vrai, c'est plutôt réussi.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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