Citations sur Nézida (17)
La jeune fille s’avance au bord du lit, écarte un peu le drap. Elle trempe dans la cuvette chaude la serviette rêche qui attendait sur la table de nuit, soulève la chemise grège et pose le linge sur le ventre distendu. Eau fraîche pour le front, eau chaude pour le ventre.
La tête penchée, le corps maigre mais si lourd, tout le corps vers l’avant, Paul Cordeil pousse de ses doigts une mie de pain, l’éloigne, la reprend, concentré sur cette action infime. Le temps et le silence s’étirent. Il lève un peu la tête, regarde l’horloge. L’aiguille s’est à peine déplacée depuis son dernier coup d’œil. La mie de pain occupe son esprit, le silence est tel qu’il se croit seul.
Un seul garçon au village aurait peut-être pu lui plaire. Et la retenir, qui sait ? Je m’imagine parfois comme notre vie aurait été différente. Elle serait restée près de moi, nous étendrions ensemble le linge sur les pierres, nous bavarderions, nos petits aux genoux, et le vent emporterait nos rires.
Tu auras une jolie vie, Elmina. Je te conduirai à la ville, tu dois y aller, tu n'y trouveras aucune barrière, je les ai toutes renversées de mes mains.
Le bruit du vent sur les pierres...
Je le reconnais. Je suis chez moi !
"OUuvre le volet, la fenêtre en grand !"
[...]
Le vent sur les pierres - le souffle de Dieu - j'aime l'entendre me dire que je suis chez moi. Bien sûr, j'ai dû partir...
Mon amour si sincère et profond soit-il n'a pas suffi à comprendre ses rêves, ses choix. Je ne savais pas, ne l'ayant pas appris, qu'une femme pouvait désirer plus et autre chose [...] tout est devenu trop fade et insipide. Je ne suis plus entouré que d'eaux dormantes mortes, l'avenir est devenu trop sage, convenu, attendu, sans intérêt
Vivante, elle inquiétait, dérangeait peut-être. Son désir de liberté absolue, sa passion intense, l'envie de tout embrasser sans concession ni renoncement. Alors, contre l'oubli, il reste à raviver un feu qui brûle encore sous les cendres disparues. L'écho d'une voix lointaine mais puissante portée par le vent
Mon amour si sincère et profond soit-il n'a pas suffi à comprendre ses rêves, ses choix. Je ne savais pas, ne l'ayant pas appris, qu'une femme pouvait désirer plus et autre chose que la maternité. Je pensais que ce serait pour elle un aboutissement. Elle allait trop vite et trop fort pour un homme comme moi, prisonnier des carcans de la religion et de la morale
Ma soeur mettait des couleurs sur nos jours, elle soufflait un vent porteur d'espoir sur nos vies immobiles
Je crois, ce jour-là, avoir mis un mot sur mes sentiments à l'égard de ma fille: la jalousie. Cette enfant, devenue femme, je l'enviais. Oui, sa beauté, sa force, ce qui allait être sa vie, je l'enviais. Elle avait eu l'amour de tous les hommes autour de moi et des femmes dont j'avais rêvé être l'amie, elle etait entourée d'amitiés sincères. Ses deux frères la regardaient avec admiration