AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de colka


Après avoir plongé à corps perdu dans le monde de la tragédie grecque, j'avais vraiment envie de d'assouplir mes muscles zygomatiques... Un titre m'est venu à l'esprit : Comment j'ai rencontré les poissons de Ota Pavel, chaudement plébiscité par certaines amies babeliotes qui se reconnaîtront au passage.
Mais ce roman m'a offert ce à quoi je ne m'attendais pas vraiment...
Ota Pavel retrace, dans de courts épisodes largement autobiographiques, sa vie familiale sur trois périodes : les années trente, l'avènement d'Hitler et le régime nazi et enfin l'instauration du régime communiste en Tchécoslovaquie. Une structure donc globalement chronologique qui va permettre de suive le narrateur de l'enfance à l'âge adulte.
L'auteur nous fait entendre trois voix. Une première qui va jouer avec la voix de l'enfant avec des expressions comme "mon génial papa" ou "mon farceur de papa" et qui va nous conter avec un émerveillement hyperbolique les exploits de son père Leo Popper, commis voyageur au talent l'illusionniste, ce qui nous vaut des épisodes croustillants, où nous allons voir, par exemple, le père du narrateur partir à la conquête de l'Europe centrale via la vente de papiers tue-mouches, tel un chevalier de la Table Ronde en route vers le Graal. C'est jubilatoire !
Mais ce père hors du commun n'est pas seulement commis voyageur, il a une passion exclusive, obsessionnelle : la pêche. Ce qui le pousse dans ses pires moments à oublier le reste du monde à commencer par sa famille.
Que dire de cet épisode où il va mettre en danger son fils (le narrateur) en l'obligeant à se dévêtir et à plonger dans une rivière déchaînée pour appâter des anguilles ?
Ce passage est glaçant. J'ai vraiment entendu cette fois le cri de l'enfant qui se sent abandonné par son père et qui est littéralement submergé par la terreur de se noyer. C'est le seul moment où cette voix de l'enfant est tragique. Elle laisse plus souvent place à l'évocation des moments de vrai bonheur que le narrateur a connu au contact avec la nature ; passages empreints d'une poésie bucolique et naïve, à hauteur du regard de l'enfant qu'il était.
Une dernière voix fait écho ou se situe en contrepoint des deux autres : celle du narrateur adulte. Lorsqu'il évoque la chute de son père, vaincu par l'antisémitisme dont il a été victime non seulement sous le nazisme mais aussi sous le régime communiste. Passages empreints de compassion et de tristesse sans être larmoyants ni tomber dans le pathos. Fort contraste avec ceux où il évoque d'une plume féroce la période nazie ou plus insidieusement le régime communiste.
La lecture de ce livre a donc été pour moi en tout cas, plus souvent émouvante et poignante que drôle. Mais j'ai vraiment aimé cette diversité de tons et de voix, ce vrai talent de conteur dont fait preuve Ota Pavel. Une belle découverte de la littérature tchèque que je ne connaissais pas du tout.
Commenter  J’apprécie          376



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}