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EAN : 9781095434024
Editions Do (01/10/2016)
3.82/5   199 notes
Résumé :
Les poignantes mais souvent joyeuses histoires de ce livre composent la tendre chronique d’un homme qui se souvient de son père, génial représentant de commerce et grand amoureux de la pêche, géant captivant et charmeur aux yeux de l’enfant qu’il était. Elles commencent simplement, par ce regard de l’enfance, puis elles se développent pour illustrer la prise de conscience d’un garçon qui grandit et observe le monde autour de lui. Et si elles reconstituent l’histoire... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
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"Ce livre, je l'ai offert à vingt-quatre personnes.Parmi lesquelles un policier, une femme de ménage, une enseignante......Tous ont été sur le choc."Oui, c'est le bouquin le plus antidépressif du monde " ont-ils déclaré.", écrit Mariusz Szczygiel, écrivain polonais, dans sa préface à ce livre, qui est un de ses préférés. Et j'en dirais autant.

Largement autobiographique, Ota Pavel avec le regard de l'enfance et plus tard, celui du jeune homme qu'il deviendra, se souvient de son père génial ,représentant de commerce ( "capable de vendre un aspirateur dans un village sans courant électrique") et passionné de pêche. "Papa avait bien d'autres préoccupations. Au premier rang se trouvaient le commerce et les poissons ", la passion des poissons devançant souvent celle du commerce.Un père fascinant qui ne s'arrête devant aucune extravagance pour arriver à ses fins. Il achètera même un étang pour avoir ses propres carpes.....À travers divers anecdotes, racontées plus ou moins chronologiquement, où les poissons sont souvent les stars ( et quelles stars ! carpes dorées comme du laiton,avec un ventre jaune de brasseur, repu de drêches / chevaines argentés / barbeaux noirs et argent / perches d'un vert olivacé, rayé de couleur sombre / silure avec des moustaches et de petits yeux mystérieux / truites sorties de l'eau, pareille à des brioches......), il nous relate leur vie d'antan, une vie qui va lentement basculer dans le drame avec l'arrivée de Hitler et de l'Holocauste. La Tchécoslovaquie est envahie par les Allemands, et ils sont juifs........la guerre terminée , l'arrivée du communisme sera loin d'être une bouée de secours.
Pavel adoucit le tragique avec beaucoup d'humour, de tendresse et de poésie. Même dans le désespoir, il nous réchauffe le coeur avec un geste humain, des descriptions grandioses de la nature et un trait d'humour..........jubilatoire ! On rit et on sourit beaucoup, et dire qu'il les a écrit en plein état dépressif grave !


Ce classique de la littérature tchèque publié dans son pays en 1971, vient d'être réédité par une maison d'édition indépendante, réunissant un certain nombre d'histoires de deux recueils différents publiés dans leur langue originale, dont l'ordre a été choisi par la traductrice.Le résultat est superbe, avec un épilogue plus qu'émouvant. Je l'ai découvert par pur hasard, séduite par son titre et sa magnifique couverture. le vrai coup de coeur est arrivé par la suite. C'est une de mes plus belles rencontres littéraires !
Pour vous faire succomber, une dernière tentative : "Une lecture physiquement contagieuse qui produit des bulles de joie", ce n'est pas moi qui le dit, c'est Erri de Luca sur la quatrième de couverture.
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« Savoir se réjouir. Se réjouir de tout. Ne pas attendre que l'année nous apporte quelque chose d'essentiel, de vrai. Car il est fort probable que l'essentiel se produit à l'instant présent et que l'avenir ne nous apportera rien de plus beau. »

Dans ce roman (peut-être) autobiographique et en tous cas thérapeutique qu'Ota Pavel écrivit sur les conseils de son médecin alors qu'il était hospitalisé pour dépression sévère, le narrateur se souvient avec infiniment de tendresse de son enfance et de son père, dans la Tchécoslovaquie de l'entre-deux-guerres. C'est un père totalement farfelu, représentant de commerce chez Electrolux, champion du monde officiel des vendeurs de réfrigérateurs et d'aspirateurs. C'est également un homme inculte, presque illettré, tout à la fois naïf et roublard, qui ne doute jamais de rien et surtout pas de sa chance, affronte les situations avec un aplomb sans faille et bouillonne en permanence de projets rocambolesques et inévitablement désastreux.

De l'achat délirant d'un étang à carpes (dans lequel il investit toutes les économies de la famille), d'une voiture hors de prix qu'il ne sait pas conduire, à ses exploits de pêcheur émérite, ses inventions douteuses et les humiliations qu'il aura à subir, en passant par sa passion de collégien, aveugle et déraisonnable, pour la belle épouse blonde de son chef, nous suivons les aventures et les tribulations de ce personnage totalement farfelu et parfois dangereusement inconscient, un « meshuga » de la plus belle eau, insolent de surcroît, et « un voleur de coeurs » auquel personne, jamais, ne résiste.

De ce père tendrement aimé, de cette famille et de cette enfance où la nature – lacs, rivières, campagne et forêts – la pêche et les poissons occupent une place considérable, Ota Pavel fait un portrait cocasse et contrasté qui mêle l'amour et la drôlerie, la douceur et le chagrin. Car en toile de fond de ce tableau burlesque et plein de fantaisie se dessinent, de manière presque allusive et par petites touches, la montée du nazisme en Tchécoslovaquie, les lois anti-juives, la tragédie des camps, de la guerre puis du communisme qui frapperont de plein fouet toute la famille et ce papa charmeur, farfelu – et juif.

« Comment j'ai rencontré les poissons » est l'unique roman d'Ota Pavel, mort à 42 ans, et un grand classique de la littérature tchèque. J'ai beaucoup aimé son humour réjouissant, son écriture drolatique qui en font « une lecture physiquement contagieuse qui produit des bulles de joie sous la peau » (Erri de Luca), ce personnage improbable, irrésistible et profondément attachant et cette famille brouillonne et atypique, mais aussi la tendresse et la belle humanité qui transparaissent dans chaque phrase et cette volonté, pudique et entêtée, de « se réjouir de tout », tout le temps et malgré tout, et de survivre.

Une très belle lecture qui m'a serré le coeur autant qu'elle m'a fait rire, et une belle découverte.

[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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« Tandis que je mourais là-bas à petit feu, je voyais surtout cette rivière qui comptait plus que tout dans ma vie et que je chérissais. Je l'aimais tellement, qu'avant de me mettre à pêcher je ramassais son eau dans mes mains en coquille et je l'embrassais comme on embrasse une femme. »

Je referme ce livre, Comment j'ai rencontré les poissons, et j'entends encore couler dans l'âme de son écrivain Ota Pavel, le chant merveilleux et nostalgique d'une rivière qui a compté plus que tout dans sa vie.
Ce livre rassemble de joyeuses et poignantes histoires qui tournent souvent autour de la pêche à la carpe, à la truite, à l'anguille... Mais toutes ces histoires truculentes et touchantes forment un beau prétexte pour l'auteur de nous parler de son père pour lequel il a toujours éprouvé une profonde admiration. Ah ! Parlons de son père, ce représentant de commerce d'une célèbre marque d'aspirateur, homme volage par nature qui aspirait sans cesse à un désir de liberté, que son épouse et mère de trois enfants n'a jamais cessé de rechercher à chacune de ses impossibles escapades amoureuses...
La légende familiale dit qu'il aurait même vendu des aspirateurs dans un village tchécoslovaque non relié à l'électricité.
La légende familiale dit que sa femme qui l'aimait, - et qu'il aimait, ne cessait de lui pardonner ses échappées amoureuses, peut-être parce qu'elle savait consciemment ou inconsciemment qu'elles étaient vaines...
En apparence, nous sommes invités à de fameuses parties de pêche à la hauteur d'un enfant avec toute la tendresse et la gouaille que cela convoque, mais si l'on regarde un peu plus loin le paysage en toile de fond en cette veille de seconde guerre mondiale, on entend déjà le bruit de la barbarie à visage humain, l'antisémitisme qui grimpe dans cette Europe centrale, ici à Prague ou ailleurs... Oui, il faut le dire, les Popper, - c'était le vrai nom de la famille de l'auteur, sont juifs et les chroniques qui nous sont ici partagées par Ota Pavel ne manquent pas d'évoquer ce contexte douloureux.
Cette tragédie traverse ces chroniques puisque le père et les deux frères de l'écrivain seront déportés au camp de concentration de Terezín, d'où ils reviendront vivants, les parties de pêche pourront enfin recommencer. J'ironise, mais je pense sincèrement que cette passion partagée dans la famille, en particulier entre un père et son fils, fut un bel antidote à la barbarie nazie qui avait tenté d'anéantir l'humanité.
Une des histoires qui m'a le plus touché est peut-être celle qui invite un gardien de pêche un peu bancal mais fin limier, sorte de Quasimodo des rivières... Elle convie toute l'espérance inattendue qui surgit au dernier moment, celui qu'on n'attend plus...
Une autre barbarie les attendait au lendemain de la guerre, plus pernicieuse, celle du communisme qui avait la volonté d'apporter le bien à tout un peuple. Plus tard les Juifs seront de nouveau des boucs émissaires désignés par le régime totalitaire en place.
Mais ce régime tout aussi intrusif qu'il est, - qui continue de l'être sous une autre bannière, non plus sur ce territoire vaste de l'Union Soviétique mais désormais cantonné à la seule Russie de Poutine, n'aura jamais de prise sur la jubilation folle d'une partie de pêche ni sur la nature enchanteresse qui accueille ce bonheur. Non, ils n'ont jamais réussi à voler cela. Ils ne le voleront jamais.
Ota Pavel a un sens inouï de la narration, il sait nous raconter des histoires, j'avais l'impression à chaque instant d'être à ses côtés au bord de cette rivière, à l'intérieur des forêts, à la lisière d'un rêve protégé du reste du monde.
Je vous avoue avoir pleuré à la fin de ma lecture, je ne saurais dire pourquoi, ne me le demandez pas, je déteste pourtant la pêche... Peut-être que je pense tout simplement à mon Papa ce soir, qui sait...?

♫ Si l'on ne voit pas pleurer les poissons
Qui sont dans l'eau profonde ♪
C'est que jamais quand ils sont polissons
♫ Leur maman ne les gronde
Quand ils s'oublient à faire pipi au lit
Ou bien sur leurs chaussettes ♪
Ou à cracher comme des pas polis ♪
Elle reste muette
♫ La maman des poissons elle est bien gentille
Elle ne leur fait jamais la vie ♪
♫ Ne leur fait jamais de tartine
Ils mangent quand ils ont envie ♪
♫ Et quand ça a dîné ça redîne
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Ce livre est l'hymne à l'amour d'un fils pour son génial papa. le narrateur est un petit enfant, qui porte un regard admiratif sur son papa, juif tchèque, fanfaron, coureur de jupons, qui va l'initier à la pèche et à la passion des étangs et des poissons : engouement bienvenu en cette période qui voit se profiler la seconde guerre mondiale à l'horizon.

Erri de Luca dit avoir ressenti des « bulles de joie sous la peau » à l'évocation de ces souvenirs simples. Je n'ai pas éprouvé cette joie, j'ai le sentiment d'être restée connectée à la blessure d'Ota Pavel, celle qui a fini par le détruire pour l'emmener en asile psychiatrique d'où il a ressenti le besoin d'écrire ce si joli roman à la gloire de son papa. J'ai souffert pour rédiger mon commentaire qui est donc très personnel et très isolé par rapport aux autres billets. Les lecteurs majoritairement qualifient cette lecture de joyeuse.

La lecture des petites chroniques afférentes à la pèche m'a rappelée le film « Et au milieu coule une rivière » de Robert Redford. Très indifférente à la pèche, j'avais découvert, grâce à la magie du réalisateur Redford, qu'il était possible de faire passer beaucoup d'émotions avec une caméra rien qu'en filmant un simple lancer dans un environnement grandiose du Montana.

J'ai retrouvé avec Ota Pavel cet amour de la nature, cette fusion qui s'installe entre la nature, un papa et ses fils.

J'ai éprouvé la mélancolie, la nostalgie de ses merveilleux moments qu'Ota aime se remémorer et nous faire partager. Son papa est un doux rêveur, toujours à trouver de nouvelles idées, la meilleure idée bien sur - celle qui peut ruiner la famille de préférence - un papa « Mechuga » ou « meschugge » qui signifie en yiddish quelqu'un a mi chemin entre la folie et l'irresponsabilité. Alors, il raconte les facéties de papa, la Buick, le professeur Nechleba, la belle Irma, les rives de la Berounka, le commerce du papier tue-mouche, les poissons attrapés à la main par ses frères, les brochets, les anguilles, les barbeaux, les gentils, les méchants et ce sans jamais usé du pathétique, l'enfant ne semble pas se rendre compte des drames qui se jouent.

Et même si Ota nous raconte les mésaventures de Léo, champion du monde de vente d'aspirateurs Electrolux à domicile, et de sa maman, et si certaines scènes sont particulièrement cocasses, je n'ai pas cessé d'entendre le bruit des bottes en bruit de fond, je n'ai pas cessé de me révolter contre le racisme, l'antisémitisme, comme de confisquer à Léo son étang dès le début de l'occupation qu'il avait été si heureux de s'offrir au prétexte « qu'un juif ne peux faire l'élevage de carpes ».

Je vous incite surtout à vous faire votre propre idée de ce si joli livre surtout si vous aimez la pèche. Vous y trouverez beaucoup d'humour et beaucoup d'amour.
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Envie de poursuivre mes lectures estivales avec un roman proche de la nature. Mon choix s'est immédiatement fixé sur ce joli petit livre du tchèque Ota Pavel, attirée par son titre poétique et la magnifique couverture bleutée, graphiquement sobre et élégante.

L'auteur réunit dans un petit recueil de nouvelles ses plus beaux souvenirs d'enfance, la présence constante des poissons d'eau douce servant de fil conducteur. Ainsi, truites, carpes, barbeaux et anguilles accompagnent le lecteur tout au long de ces petites histoires tendres, drôles, émouvantes ou tragiques, nous rappelant que la vie est belle, mais aussi éphémère et cruelle.

« Cent fois j'ai voulu me tuer quand je n'en pouvais plus, mais je ne l'ai jamais fait. Dans mon subconscient, je voulais peut-être embrasser une fois encore la rivière sur la bouche et pêcher les poissons d'argent. La pêche m'avait appris la patience et les souvenirs m'aidaient à survivre. »

*
Ce n'est pas très courant de commencer une critique par l'épilogue, mais la lecture de ce petit livre apparaît sous un autre jour lorsque l'on apprend qu'Ota Pavel a écrit ses livres durant son internement pour des troubles bipolaires. Alors qu'il a l'intime conviction que le meilleur de sa vie est derrière lui, il écrit de courts textes sur sa jeunesse et son bonheur passé, retraçant une vie simple et heureuse dans une famille aimante, jusqu'à ce que la guerre éclate et que son pays soit envahi par l'armée allemande.

« Savoir se réjouir. Se réjouir de tout. Ne pas attendre que l'avenir nous apporte quelque chose d'essentiel, de vrai. Car il est fort probable que l'essentiel se produit à l'instant présent et que l'avenir ne nous apportera rien de plus beau. »

L'épilogue m'a particulièrement émue de part son honnêteté et son authenticité. Toutes ces petites tranches de vie confèrent une saveur bien différente, lumineuse, joyeuse, mais également intense, émouvante et douce-amère.

« Près de la rivière, j'ôte mes habits et je nage pour me purifier, comme les pêcheurs dans ce fleuve indien, le Gange. Je ne pense plus à rien. Parce que la rivière, ce n'est pas un ruisseau. La rivière, c'est le puits profond de l'oubli. »

*
Le lecteur découvre l'histoire de la famille Popper et à travers elle, celle de la Tchécoslovaquie qui endurera le nazisme, la violence et la haine envers les juifs, puis le communisme avec ses espoirs et ses désillusions.
Le narrateur nous présente sa famille, et en particulier son père, un juif extravagant, doux rêveur, tenace et sa mère, pleine de bon sens, aimante, bienveillante, gentiment ironique envers son mari.

« Notre maman déclara que seul papa pouvait inventer une connerie pareille, mais papa n'en tint aucun compte. Lorsque j'y repense aujourd'hui, je dois donner raison à papa, ce fut spécial et magnifique. »

Le récit, raconté à hauteur d'enfant, gagne en maturité à mesure que l'enfant grandit et prend conscience du monde qui l'entoure, mais le style faussement naïf et enjoué de l'auteur, teinté d'humour noir, révèle subtilement l'effondrement de son monde d'enfant au moment de l'envahissement de son pays par les nazis.
Certaines anecdotes prêtent à sourire, se concentrant sur ce père charmeur, un peu fou et vendeur d'exception. Mais notre regard amusé se voile aussi de tristesse. Les non-dits et les phrases imagées donnent une autre vision, plus douloureuse lorsque l'enfant comprend que le bonheur s'en est allé, que « son statut de juif » stigmatise et expose sa famille aux humiliations, aux persécutions.
La pêche revêt alors une importance vitale.

« Les anguilles seront donc comme un poème de nos meilleurs poètes tchèques. Elles engloberont la mer, la lune, la rivière, la mort. Et le soleil qu'elles détestent. »

*
Ota Pavel porte un regard salvateur et émerveillé sur la beauté de la nature. L'eau a ce pouvoir apaisant et réconfortant.
Le récit est ponctué de magnifiques descriptions des cours d'eau et des étangs que l'auteur aime par dessus tout.

« Ce ruisseau est beau comme un collier de perles ou une tiare de diamants. Il gargouille et court sans se presser en descendant une petite colline, par des forêts de sapins et des prairies multicolores où volent des abeilles rondelettes et sautent des sauterelles dodues. Son eau est celle d'une source cristalline et aux endroits où elle est basse, on voit les galets du fond, un sable blanc pur, les rochers et les racines des arbres. Des aulnes et des saules se penchent au-dessus des trous profonds. Et là, dans ces trous d'eau, entre les pierres et les racines, il y a les truites. »

« Je l'aimais tellement, qu'avant de me mettre à pêcher je ramassais son eau dans mes mains en coquille et je l'embrassais comme on embrasse une femme. »

Même si ces histoires ont pour toile de fond la nature, la pêche et la passion pour les poissons, il n'en demeure pas moins qu'elles touchent à la vie, la survie, la mort, la guerre, le devoir de mémoire, et la compassion.

« Parfois, assis près de la fenêtre à barreaux, je pêchais ainsi en souvenir et c'en était presque douloureux. Pour cesser d'aspirer à la liberté, il me fallait renoncer à la beauté et me dire que le monde était aussi plein de saleté, de dégoût et d'eau trouble. »

*
Ce roman m'a rappelé également de merveilleux souvenirs d'enfance.
Ce que je retiens, c'est l'amour de cet enfant pour son père un peu fantasque. Ce « génial papa » à l'imagination infinie va lui transmettre sa passion pour la pêche.

« L'homme voit le ciel, il jette un regard dans la forêt, mais il ne voit jamais au coeur d'une vraie rivière. Pour voir ce qui se passe dans une vraie rivière, il lui faut une canne à pêche. »

Je n'ai aucune connaissance de la pêche en eau douce, mais c'est avec mélancolie que j'ai suivi ce jeune enfant en admiration devant son père, tout comme moi lorsque petite, je suivais mon père à la pêche. Lui aussi posait des cordeaux à la nuit tombée et venait les relever au matin.
Enfant, je me rappelle avoir été partagée entre l'excitation de la prise, l'émerveillement de la robe des poissons et la tristesse de la mort de l'animal.

« Puis je lui transperçai vite la tête avec un couteau parce que même les êtres courageux paient parfois leurs erreurs de leur vie. Je le tuai parce que j'avais vu l'oncle Prosek et papa le faire, et eux l'avaient vu chez leurs aînés. Les nageoires puissantes retombèrent et le corps argenté aux allures de merveilleux long-courrier céleste perdit tout son éclat. »

Ce roman m'a rappelé le goût des anguilles que ma mère nous préparait avec une petite persillade.
Aujourd'hui, mon père ne pêche plus, ma mère n'est plus là.
Les rivières sont vides et comme le dit si bien l'auteur, il y a « beaucoup plus de pierres que de poissons ».

*
Pour conclure, j'ai été émue par l'écriture de l'auteur, poétique, légère, tendre, lumineuse, passionnée et si poignante et tragique à la fois, dans laquelle transparaissent malgré l'inhumanité de la guerre, l'empathie, une profonde humanité, le bonheur d'une vie de famille simple et les joies innocentes de l'enfance.
Ainsi les émotions du lecteur fluctuent entre l'amusement, la tristesse, le doute, la sérénité, la mélancolie.

Un beau roman, très court, qui se laisse savourer, au gré des parties de pêche. Sombre, triste, et l'instant d'après, lumineux.
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critiques presse (1)
Actualitte
12 juillet 2017
Savoureuses chroniques d’enfance d’Ota Pavel (nom tchèque adopté par sa famille après la guerre, remplaçant le nom juif Popper) dans la belle Bohême tchécoslovaque, ce livre produit, comme le dit le grand auteur italien Erri de Luca, cité en quatrième de couverture, « des bulles de joie sous la peau ».
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (69) Voir plus Ajouter une citation
Le soir, nous passions près du rocher pour aller sous le déversoir pêcher le barbeau. L'oncle Prosek avec son chapeau de paille ouvrait la marche, puis venait papa avec sa crinière de cheveux, puis Hugo, Jirka et moi. Nous portions nos longues cannes, elles arrivaient jusqu'aux étoiles qui naissaient dans le ciel. Peut-être aurait-on pu allumer une étoile avec ces cannes, comme on allumait les lampes à gaz dans la Vieille Ville de Prague.
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Dans cette région habitaient des gens merveilleux, comme le clochard Bambas.Il ne travaillait pas du printemps jusqu'à l'hiver, il allait à la pêche près du Rocher du Diable.
Il se préparait cinq morceaux de sucre par jour dans un sachet en toile. C'était tout ce qui lui restait de l'hiver, époque où il trouvait un peu de travail.Sa vie me fascinait et même par la suite, quand d'autres garçons rêvaient d'être écrivains ou aviateurs, moi je voulais être Bambas.Il dormait dans une cabine à moitié effondrée avec pour couverture une peau de chevreuil mitée. C'était un pêcheur fantastique qui attrapait les poissons de toutes les manières autorisées et surtout interdites. Maman n'aimait pas me voir avec Bambas, elle avait peur qu'il déteigne sur moi. Malheureusement , ce n'est pas arrivé. p.74
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Notre maman n'ignorait rien de l'amour secret de papa pour Mme Irma, mais cela ne la troublait pas outre mesure. Elle estimait que les chances de papa étaient aussi minces que s'il avait voulu gravir le mont Everest. Il était chargé de famille (trois garçons), ne possédait ni chevaux ni belle américaine et ne s'y connaissait qu'en foot, boxe et en poissons, ce qui ne risquait pas d'éblouir Mme Irma. Sans compter que le passé de papa était de notoriété publique. Avant d'entrer dans la célèbre maison Electrolux, il avait vendu des extincteurs de fabrication nationale Toutankharmon. On savait que plus d'une fabrique avait brûlé après l'intervention de ces extincteurs.
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L'oncle est mort après la guerre, peu de temps après Holan et il n'a plus eu le temps de rien faire. Quand je suis venu à son enterrement, l'orphéon jouait sur la berge une chanson parlant d'un passeur fidèle, et on l'a mis dans un grand cercueil noir sur la plus ancienne de ses barques, celle sur laquelle il avait emmené des dizaines de compagnons morts vers la rive de Nezabudice. J'avais déjà l'âge de raison et je me suis mis à pleurer comme jamais auparavant. Il était là, étendu dans son cercueil, avec sa moustache, blanc comme la camarde en personne. On l'emmena de l'autre côté de la rivière qui coulait sous la barque comme elle coule depuis des millions d'années et j'étais inconsolable. J'avais atteint un âge où je comprenais que je n'enterrais pas seulement l'oncle Prosek, mais toute mon enfance et ce qui allait avec. Ce cercueil emportait mon véritable ballon de foot anglais, le babeurre frais, les poissons et le chevreuil marinés, le chien Holan, les saucisses de Prague et le disque de gramophone Mille lieues.
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Ce ruisseau est beau comme un collier de perles ou une tiare de diamants. Il gargouille et court sans se presser en descendant une petite colline, par des forêts de sapins et des prairies multicolores où volent des abeilles rondelettes et des sauterelles dodues. Son eau est celle d'une source cristalline et aux endroits où elle est basse, on voit les galets du fond, un sable blanc pur, les rochers et les racines des arbres. Des aulnes et des saules se penchent au-dessus des trous profonds. Et là, dans ces trous d'eau, au milieu des pierres et des racines, il y a les truites.
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