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Critique de Pasoa


Pasoa
13 novembre 2023
Cesare Pavese fait partie des quelques écrivains qui m'ont fait entrer en poésie. C'était il y a un certain temps... Ou plutôt un temps certain. Je me souviens encore de la découverte du recueil publié chez Poésie Gallimard et des deux titres si étranges Travailler fatigue et La mort viendra et elle aura tes yeux qui m'avaient beaucoup intrigué alors, comme l'avait fait celui de son journal, le métier de vivre.

Je reviens aujourd'hui vers l'écrivain piémontais pour y redécouvrir son écriture mais aussi pour y retrouver une part des impressions que j'y avais laissé et pour en voir apparaître de nouvelles. Générosité de la poésie !

Travailler fatigue (Lavorare Stanca) a été publié en 1936 à Florence et regroupe un ensemble de poèmes que Pavese a commencé à écrire dès 1930. Divisé en six parties : Ancêtres, Après, Ville à la campagne, Maternité, Bois vert et Paternité, le recueil débute par un poème intitulé Les mers du sud. Ce texte introductif va comme fixer le décor et la tonalité du recueil.

Au travers du portrait d'un cousin revenu dans le Piémont natal après un long voyage de part le monde, Pavese livre ce que fut son enfance. le contact de ce parent, la solitude et l'innocence seront les ferments de son initiation au monde et et de ce que sera plus tard sa maturité d'homme.

Cesare Pavese ne croit pas en une poésie qui ne soit pas née de l'expérience, du vécu. Ainsi, tous les poèmes de Travailler fatigue sont inscrits dans un mode narratif qui sont ceux d'une poésie-récit dans laquelle Pavese s'inspire et livre une grande part autobiographique. Ce mode du récit n'exclue pas pour autant un style très particulier, celui d'une intuition de plus en plus précise, d'une sobriété lyrique qui me touchent beaucoup.
Son écriture semble aller au rythme de son imagination, aller jusqu'au bout de son intention, dans une constance et une maîtrise qui font naître des germes d'impressions et d'images, comme ce très beau poème intitulé Été :

« Il est un jardin clair, herbe sèche et lumière,
entouré de murets, qui réchauffe sa terre
doucement. Lumière qui évoque la mer.
Tu respires cette herbe. Tu touches tes cheveux
et tu en fais jaillir le souvenir.

J'ai vu

bien des fruits doux tomber sourdement sur une herbe
familière. Ainsi tressailles-tu toi aussi
quand ton sang se convulse. Ta tête se meut
comme si tout autour un prodige impalpable avait lieu
et c'est toi le prodige. Dans tes yeux,
dans l'ardent souvenir, la saveur est la même.

Tu écoutes.
Les mots que tu écoutes t'effleurent à peine.
Il y a sur ton calme visage une pensée limpide
qui suggère à tes épaules la lumière de la mer.
Il y a sur ton visage un silence qui oppresse
le coeur, sourdement, et distille une douleur antique
comme le suc des fruits tombés en ce temps-là. »


La lecture terminée de Travailler fatigue (je reviendrai plus tard sur La mort viendra et elle aura tes yeux) m'a confirmé la place toute particulière que tient pour moi la poésie de Cesare Pavese faite d'impressions passées qui rejoignent celles du présent. J'aime l'idée d'une poésie qui n'a pas tout livré de ses secrets, qui n'a pas dit son dernier mot.

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