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Citations sur Comme une odeur de muscles (18)

Ma grand-mère était tellement analphabète, elle était capable de lire le livre fermé dans la sacoche en marchant.
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« LES PATENTEUX
C’est un des traits particuliers de la culture québécoise. Une distinction sur laquelle on devrait miser pour les avenirs et touristes internationaux. Le Québec en est rempli. Si on gratte bien. Chaque rang de campagne, chaque retranchement de terre battue, chaque village dispose de son patenteux. Comme un représentant de ces artisans modérés issus de la grande lignée des bizouneux de cossins d’inventions de patentes à gosses. Ces créateurs d’objets fascinants qu’on nous présente toujours comme des solutions.  »
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« LA SÉCHERESSE
Quelqu’un criait la nouvelle. Sur les toits tranquilles d’un soir de semaine. On annonçait un mariage pour le samedi. Personne en particulier, mais au cas où. De toute façon. Une occasion de se détendre. En plus qu’il se produit si peu de choses au village, qu’il vaut mieux s’inventer des événements par soi-même. Et puis les noces, c’est bon pour le moral. Le samedi, donc.
Dans la fin de journée du vendredi, en geste serviable, Ésimésac suspendit son chapelet sur la corde à linge. Pour s’assurer du beau temps du lendemain. Il pinça l’épingle, barra le double tour et, dans les minutes qui suivirent, perdit la clé. Comme prévu dans la météorologie superstitieuse, le samedi fut impeccable. Une température de ciel, tout en soleil et chaleur. Un temps idéal. Presque à convaincre quelqu’un de se marier véritablement. Avec la promesse des années de bonheur.
Le dimanche, il fit beau aussi. Et aussi beau. Du plafond bleu et des rayons doux. Sur mesure pour un jour du Seigneur. Le lundi, par extension, parfait. Et le mardi, caniculaire. Et le mercredi d’autant. Et le jeudi de suite. Et le vendredi de même. Le chapelet coincé depuis une semaine. « Ésimésac avait gaspillé ses insomnies à tenter d’ouvrir l’épingle à serrure. Incapable. Il rentrait au matin, ébouriffé, prétextant des nuits sur la corde à linge. »
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Les participants à cette finale du championnat international francophone furent présentés.
-Dans le coin des pitons noirs, l'homme portant la ceinture large avec boucle western en or. Un joueur de dames comme une tornade. Une poigne de surhomme dont le métier de déplieur de barres de fer le place une coche au-dessus de tous ceux qui se vantent d'en plier. Peu de planification dans le jeu, mais d'une rapidité dans le geste. Il avance en ligne droite et laboure les cases. Un tracteur sur une terre carreautée. Il avale l'adversaire par enjambées rapides. Tellement vite que certains n'ont même pas le temps de placer leurs pions que c'en est déjà fini de se les faire bouffer. Mesdames et messieurs nul autre que pas moins que lui-même : Ésiméac Gélinas.
On l'applaudissait.
- Dans le coin des pions roues, un pas moins. Lui-même de la batche des grandes capacités. Disproportionné dans l'ensemble. Un artisan dont le marteau quotidien a eu pour effet de lui étirer les bras tellement longs qu'il est capable de se gratter les genoux sans se plier. Robuste. Mais surtout fin stratège dans les domaines du parchési, des dames et autres jeux de table. On le sait moins agressif que son adversaire, mais plus mijoté. D'une concentration pure. Qui pense ses coups trois ou quatre jours à l'avance. Si vif de sa mentalité qu'il réussit à changer les postes de la t.v. à distance. Assis dans son fauteuil, sans la zappette. Juste comme ça. En fixant le bouton de l'appareil. En canalisant son énergie. Mesdames et messieurs, nul autre que le père de la belle Lurette : le forgeron Riopel.
On l'applaudissait aussi.
Les paris ouverts. Puis refermés. Coup de fusil. Et le combat s'enclenche.
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Le bébé boum

... ils se marièrent, vécurent heureux et eurent de nombreux enfants. Et ça se passait à côté. Dans le village. En ce temps où les rêves de colonisation se transposaient en taux de natalité explosifs. La mitraillette utérine. Les familles débordaient de futur jusqu'à se bâtir le pays. Les bébés apparaissaient entre les jambes de leur mère à la queue leu leu. Pas le temps d'une sieste entre les contractions de l'un que le suivant donnait déjà des coups de pied. Un éternuement subit, et ça vous roulait en-dessous de la table. C'était en ce temps où les curés veillaient aux grains de chapelet. Et ça revolait comme des pop-corn sur le feu.
Cette famille qui nous concerne, elle exemplait par le nombre. Pas loin de cinq cents rejetons. Quatre cent soixante-treize, pour être exact. Des promesses gigoteuses accumulées dont ils prenaient soin comme à autant de prunelles s'ils avaient eu assez de yeux pour fournir. Ils les aimèrent, bercèrent, lavèrent, consolèrent, élevèrent et nourrissèrent. Jusqu'à s'en démancher les passés simples. Une ribambelle d'avenirs. Comme une démographie à domicile.

Des parents à plaindre ? On dit qu'au-delà les trente douzaines, il devient plus difficile de les baptiser que de les accoucher. À cause des prénoms. Usuels usés à la corde. Suspendus au mince fil de l'alphabet Parce que les initiales ont des limites connues. Les papes qui ont compris ont fini par se donner des chiffres.
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« (Ma grand-mère, elle était de la race des ceux qui disent qu’il ne faut jamais cogner. Elle allait jusqu’à prétendre qu’il faut éviter tous les coups. Autant pour celui qui frappe que pour celui qui se fait frapper. Dans sa bouche, ça se prononçait comme un proverbe. Que le trou souffre autant que le clou. C’était sa manière de pratiquer. Les arts marteaux.) »
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Saint-Élie-de-Caxton étant situé dans la Mauricie, aux frontières du territoire forestier des bûcherons, il existe très peu de terres cultivables dans les alentours. Aussi, à l'époque, par échec agricole en terre de roches, plusieurs durent se tourner vers des cultures marginales. Pour se garnir la survivance. L'élevage alternatif qui s'imposa durant ces années, ce fut celui de la mouche. À pulluler. Tellement de bestioles qu'on en essuie encore les succès dans nos juins d'aujourd'hui. En l'an deux mille cinq. Tellement de mouches en début d'été que ça devenait presque dangereux d'ouvrir la bouche pour sacrer. Et de la mouche. Pas que de la petite mouchette. De la mouche à viande. Des bétails ailés de six à sept cents livres. Des bibittes à panaches. Même pas la peine d'installer des moustiquaires dans les fenêtres parce que leur envergure gigantesque les empêchait de passer dans les chambranles de portes conventionnels.
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Saint-Élie-de-Caxton est un village normal. Normal dans le sens où ça prend du temps avant de s’en rendre compte. C’est un petit paquet de rues et de rangs tortillés, avec des gens et des idées. Et une façon de se les dire.

Saint-Élie-de-Caxton est un village qui existe puisqu’on y paie des taxes municipales. D’ailleurs, si jamais on nous apprenait que notre village n’existe pas, on serait nombreux à demander un remboursement. Et on inclut la personne qui parle. Surtout que les taxes ont tendance à augmenter. Alors on imagine que notre existence ne va pas en diminuant. Si on se fie aux relevés fonciers, on peut même se permettre de croire qu’on existe de plus en plus. On existe beaucoup. Entre nous. Sinon, en dehors du cercle, il n’y a pas grand-chose qui apparaît.

Saint-Élie-de-Caxton est un village qui n’a toujours pas de point sur la carte du pays. Encore moins sur celle du monde. Et ce n’est pas parce qu’on n’en a pas voulu. Pendant longtemps, on a attendu le formulaire à remplir du ministère topographique. Jamais reçu. Il était donc devenu nécessaire d’agir et d’imposer notre libellation. Sans condition. Les habitants du village ont fait front commun, du tour et de la tête, et demandé reconnaissance de leur existence. Avec traçage de notre petit point localisé en guise de bonne foi. En réponse aux pressions, les autorités tracèrent un piton noir dans l’agrandissement qu’on trouve au coin inférieur droit de la carte du Québec.

Ça fait loin. Si on se fie au pied de la lettre, ça donne l’impression qu’il faille passer par l’Île-du-Prince-Édouard pour embarquer sur le traversier puis se transporter jusque chez nous. Constat grave. Chez les contribuables, plusieurs ont crié au scandale. Mais on s’est résorbés. Nous savons maintenant que nous ne sommes pas qu’une simple marque sur une mappe. Nous savons que notre existence ne dépend plus des traceurs de géographie miniaturisée. Qu’ils continuent d’en faire du dessinage à l’échelle et des transpositions géométriques. De notre côté, on préfère encore vivre à l’écart plutôt que de vivre à l’équerre. Qu’ils nous mettent où ils le veulent et on existera comme on l’entend. Entre nous.
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Quelqu’un criait la nouvelle. Sur les toits tranquilles d’un soir de semaine. On annonçait un mariage pour le samedi. Personne en particulier, mais au cas où. De toute façon. Une occasion de se détendre. En plus qu’il se produit si peu de choses au village, qu’il vaut mieux s’inventer des événements par soi-même. Et puis les noces, c’est bon pour le moral. Le samedi, donc.
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On se trouvait au plus profond de ces années si rudes que plusieurs n’avaient plus rien à se mettre aux vidanges. À ce point du dépourvu que les poubelles gisaient vides. Et à perdre des nuits entières pour se surveiller les déchets respectifs. Chez les chanceux. Parce que les moins nantis risquaient de vous voler vos ordures ménagères dans le seul but de se rehausser l’image publique. Pour feindre d’avoir les moyens de jeter aussi. À imiter l’opulence pour camoufler son stade précaire. En généralisé. Parce qu’au moment où les déchets deviennent la mesure de la richesse, la qualité de vie mérite qu’on la remette en doute.
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