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Critique de Kirzy


Quelle exaltante proposition que ce western au réalisme brutal pour conter la construction violente de l'Amérique des origines dans le sillage des cicatrices laissées par la guerre de Sécession !

Dès les première pages, ambiance prenante et immersive, on y est : vallée d'Ozark, Arkansas, Etats-unis, 1865, un cavalier détrempé débarque à Greeson Lake City, direction le saloon. Anton Deavers, journaliste de l'Illinois, vient e collecter des informations sur Henry Clay Warmoth, actuel gouverneur de Louisiane après avoir démissionné de l'armée fédérale pendant la guerre civile. Mais rapidement son intention initiale est détournée par l'évocation d'un certain Dylan Stark.

Dylan Stark, c'est le personnage récurrent de la série western éponyme écrite par Pierre Pelot dans les années 1960-70, un lieutenant sudiste, métis franco-cherokee, à la recherche des meurtriers de ses parents durant une vingtaine de titres. Cette réapparition en mode préquel est le fantôme qui hante le roman en filigrane. Qu'est devenu Dylan Stark en 1865 après le massacre de ses parents ? Et c'est là que la narration à quelque chose de génial car le mystère Dylan Stark permet au récit de faire un nouveau pas de côté en y enchâssant un autre récit, cette fois sur les soeurs McEwen, le coeur battant du roman, avant que les différents récits convergent.

Avec elles, c'est une histoire de vengeance absolue qui cavale furiosa. Enea et les jumelles Erin et Aïleen ont vu leur famille massacrée à la proclamation de la fin de la guerre. Des puits de colère sans fond qui forment un gang de filles sillonnant l'Arkansas à la poursuite des meurtriers.

Pierre Pelot restitue parfaitement la violence inouïe et d'autant plus absurde des fins de guerre, périodes de grands troubles où les crimes sont commis en toute impunité tant la violence est devenue la norme pendant des années. On est dans la veine d'un Méridien de sang, western crépusculaire de Cormac McCarthy, plongé dans un incroyable théâtre des cruautés où toutes les émotions et sensations sont exacerbés, jusqu'à la folie.

Il faut dire que les personnages sont assez inouïes. Difficile d'oublier la justicière à la balafre qu'est Enea McEwen, terrible fille de fermier transformée en guerrière mais dont le coeur romantique est en quête de son fiancé, Dylan Stark donc. Ou encore l'incroyable Mother qui mène un de ses gangs qui pillent et massacrent l'Arkansas. C'est elle qui a éventré vivante la petite soeur McEwen dans un de ses rites sacrificiels de prophétesse autoproclamée qui lui permet d'assouvir ses pulsions sadiques. C'est elle que pourchasse obsessionnellement Enea.
Et puis, il y a la remarquable écriture de Pierre Pelot qui fait sentir la moindre des vibrations de cette terre gorgée de sang et vivre des scènes d'action époustouflantes :

( après une bataille ) « Énéa debout solidement plantée sur ses cuisses écartées au milieu du bouleversement, surplombant la masse trop vaste, dans ce décor, de son cheval mort dans sa mare de sang noir, d'autres corps écartelés dans leur propre désordre et le temps figé du fracas. Un grondement monté de son vente, inexorablement, comme un reflux libéré de tempête jusqu'alors contenue, étouffée. Toutes les tempêtes. Ce n'était pas du silence, alentour, bien que cela eût pu passer pour tel. Mais du vacarme en pause. L'élan d'une monstruosité qui reprenait son souffle. »

Une écriture flamboyante, faite de phrases ciselées et sinueuses. Chaque mot résonne dans une musicalité fiévreuse, souvent poétique, qui apporte une amplitude fascinante à ce western âpre, éprouvant, bouleversant aussi dans ses ultimes pages. Une révolte de femmes contre un destin cruel dont les injustices ne semblent pouvoir qu'être lavées dans le sang, avant de pouvoir - ou pas - passer à une autre vie.
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