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Critique de saigneurdeguerre


George W. Bush a beaucoup menti. C'était en 2001, après la destruction des tours jumelles du World Trade Center. Les répercutions de ses mensonges se font encore bien sentir aujourd'hui… Combien l'ont déjà payé de leurs vies ? Et le monde risque de les payer encore longtemps car il a déstabilisé tout une région qui était déjà très fragilisée… Avec des effets causant des dégâts dans le monde entier, notamment en déclarant « si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous ». Il a provoqué une division et créé des oppositions.

Le livre de Marie Peltier n'est pas là pour faire le procès de Bush et autres grands menteurs qui pèsent sur ce monde, mais d'examiner les effets de ces déclarations mensongères sur les populations, suscitant méfiance (si pas haine) à l'égard des hommes politiques et des médias. Une partie significative des gens en vient à se méfier de tout et de tout le monde et pense trouver la vérité sur les réseaux sociaux grâce à des individus qui dénoncent tout et n'importe quoi. C'est ainsi que le vingt-et-unième siècle voit s'installer l'ère du complotisme.

Lorsque surgit le « Printemps arabe », la méfiance vis-à-vis des états est de rigueur empêchant souvent d'entendre ce que ces peuples révoltés eux-mêmes ont à dire. Des stratèges comme Vladimir Poutine en profitent pour achever de décrédibiliser toute action occidentale, soutenus en Occident par ceux qui n'acceptent plus aucune déclaration de leurs gouvernements, oubliant que des gens comme Poutine, dont ils font un héros, aidés en cela par des « trolls » russes, sont loin d'être irréprochables et ne cherchent guère à éclairer sur une quelconque vérité.

L'attentat du 11 septembre et les événements qui ont suivi ont creusé un fossé entre les citoyens musulmans stigmatisés, y compris nos concitoyens, et les autres, finissant par entraîner une radicalisation de part et d'autre avec notamment des jeunes partant rejoindre Daesh parce qu'ils ne se sentaient pas acceptés là-même où, souvent, ils étaient nés. Ces départs semblaient donner raison à ceux qui dénonçaient en l'Islam une espèce de « cinquième colonne » visant à coloniser l'Occident. Voilà comment on alimente un cercle vicieux.

« le Protocole des Sages de Sion » est probablement le faux qui a le succès le plus retentissant, puisque, après la Russie tsariste, le régime nazi, aujourd'hui il se répand dans le monde musulman. L'auteure retrace clairement l'origine de ce livre sur base des documents aujourd'hui accessibles aux historiens. Ce livre est en fait un détournement d'un pamphlet français contre Napoléon III intitulé « Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu ».

La parole « officielle » va d'emblée être conspuée et discréditée, tant par l'extrême gauche que par l'extrême droite, et qui va servir de levier à des discours délirants et idéologiquement tendancieux.

Mais si ce genre de phénomène gagne en ampleur comme jamais grâce à Internet, le phénomène n'est pourtant pas si nouveau que ça. La rumeur existe probablement depuis que l'homme sait communiquer et elle devient crédible même lorsqu'aucune preuve ne l'étaye (s'il n'y a pas de preuve, cela prouve bien que c'est un immense complot et que les puissants font tout disparaître de sorte que seuls les initiés connaissent la vérité, vérité qu'ils vont tout faire pour travestir et dissimuler).

Si les générations actuelles s'imaginent utiliser de nouveaux mots subversifs, le plus souvent il n'en est rien. Je cite l'auteure, Marie Peltier : « Ce qui se présente comme une parole « subversive » n'est autre que le retour de vieux schémas de pensée, d'anciens termes oubliés et hautement connotés que la jeune génération croit inédits et différents, en rupture avec le discours démocratique mainstream dans lequel nous baignons depuis plusieurs décennies. » Ainsi, par exemple, le mot « bankster » (banquier gangster) date de la deuxième moitié des années 1930. Léon Degrelle, tribun politique belge, fasciste et catholique l'utilise dans les années 1936-1937 ? Louis-Ferdinand Céline en 1938…

Marie Peltier, historienne, en 143 pages à peine, explique clairement la mécanique du complotisme. En cette ère de doute, cet ouvrage est salutaire. Sachez que l'auteure se garde bien de vous dire comment vous devez penser, mais elle fournit quelques pistes pour vous permettre de rester lucide dans un univers de surinformations (souvent contradictoires) et où les plus manipulateurs ne sont pas forcément toujours ceux que l'on croit.

Evidemment, ce texte n'est pas là pour distraire. C'est un essai sérieux qui demande une certaine attention, mais il me semble plus qu'indispensable de le lire pour comprendre un des aspects les plus inquiétants de notre époque.

Pour une raison que j'ignore, je suis le premier à placer une critique à propos de cet essai alors que cinq notes avaient déjà été déposées (une moyenne de 2,9/5) ! Qui sont ces gens qui n'hésitent pas à donner des mauvaises notes sans fournir une critique, fut-elle négative, pour expliciter leur décision ? Je trouve que s'ils n'ont pas d'explication à fournir, ils devraient bien se garder d'attribuer une cote.
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