AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de scribouilleur


J'étais déjà entré avec délectation dans le domaine fascinant d'Arturo Perez Reverte avec "Le cimetière des bateaux sans nom" et, plusieurs années après, je découvre "La Peau du tambour".
Si le premier est un superbe duo de personnages très attachants, il faut bien reconnaître qu'ici, les personnages sont dominés par leurs fantômes.
Et quels fantômes ! L'Eglise catholique et l'aristocratie espagnole, couple malfaisant, complices étouffeurs d'une histoire écrasée.
Chacun des personnages principaux est une victime de ce qui reste de ces deux institutions dont le règne est à l'agonie:
- le Père Quart, soldat espion du Vatican, surveillé par les restes du Saint-Office, qui encore une fois, n'arrive pas à choisir entre l'attachement à sa mission et ses inclinations humanistes (et pas seulement) refoulées;
- le Père Ferro, curé traditionaliste dans la forme mais révolutionnaire dans le fond, qui, lui, a su choisir entre le soutien à la misère et l'obéissance stérile à sa hiérarchie ;
- Soeur Gris Marsala, à la vie déchirée par la fidélité à son serment de religieuse, dévouée jusqu'au pire pour une cause perdue ;
- Cruz Bruner, surprenante vieille et grande aristocrate ruinée et humiliée par un mari irresponsable, oisif et volage ;
- Macarena Bruner, trop belle pour être vraie, accrochée au souvenir du destin aussi romanesque que funeste de Carlotta, sa parente ;
- Octavio Machuca, l'aristocrate blasé par le pouvoir et la réussite financière et frustré par l'échec sentimental.
En face d'eux, un quarteron d'arrivistes, symbole du sacrilège commis face aux deux puissances traditionnelles de l'Espagne :
- Gavira, le profiteur aussi voyou et cynique qu'habile, mari abandonné et bafoué par Macarena, capable de tout pour réussir ;
- Corvo, l'archevêque véreux et rancunier ;
- Bonafé, minable journaliste de presse à scandales.
Le prétexte de l'affrontement entre eux est l'existence d'une église en ruine de Séville, symbole d'une tradition et d'une foi en perdition dans cette Espagne qui abandonne ce qu'elle croyait être des valeurs traditionnelles sans pouvoir les remplacer autrement que par des ambitions cupides. C'est aussi l'image d'un combat entre ceux qui s'accrochent à la représentation d'une foi qu'ils ont perdue et ceux qui font semblant d'être au service d'une foi qu'ils n'ont jamais eue et dont ils vivent.
Voila une interprétation bien personnelle de ce roman, pas toujours facile d'accès, mais remarquablement écrit par Arturo Perez Reverte.
Mais on ne saurait terminer sans évoquer la présence des personnages secondaires que constitue cette sorte de pieds nickelés, hommes de main pathétiques au passé incroyable de perdants de la vie, à la solde du "méchant" Gavira, et qui sont sans doute les acteurs les plus touchants de cette histoire diabolique malgré elle.
Et surtout ne manquez pas les dernières lignes du roman et cette chute remarquable.
Bravo Arturo pour cette lecture qui a réjoui un vieil athée.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}