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Critique de Apoapo



Ce premier roman de Pérez-Reverte (1983 republié en 2004) ne ressemble pas aux suivants, thrillers historiques (pour la plupart) à suspense endiablé et trame compliquée ; il se ressent probablement de l'expérience de reporter de guerre de l'auteur.
Au cours de la campagne d'Espagne napoléonienne de 1808, est narrée la métamorphose des sentiments guerriers d'un très jeune officier des Hussards alsacien, Frédéric Glüntz, dans une durée d'environ un trentaine d'heures s'écoulant entre la veille d'une bataille en Andalousie et l'aube du lendemain de celle-ci. La veille, le jeune officier rêve de gloire, viatique d'une ascension sociale pouvant le faire se rapprocher de son ami Michel de Bourmont qui rêve à son tour d'un héroïsme seul sauf-conduit valant pour faire passer son nom à particule dans ces temps troubles. Les deux se sentent aussi les ambassadeurs des idées nouvelles de la Révolution, dans ce pays asphyxié par le cléricalisme arriéré et par une monarchie dégénérée, légitimés par le génie napoléonien.
La description de la bataille, menée avec la minutie d'un chroniqueur, prend plus de la moitié du livre. La déroute du soldat, qui ignore même le résultat de celle-là, le conduit, après un véritable "voyage au bout de la nuit", à repenser la duperie militariste sous un jour complètement opposé. Non sans ironie et intelligence, le chapitre où s'opère ce revirement s'intitule "La gloire".
Ce qui est le plus remarquable dans ce roman, c'est la capacité de l'auteur de se plonger dans le quotidien matériel de l'époque et de s'identifier dans l'esprit de celui qui demeure, pour lui, Espagnol, le soldat envahisseur. (On sent bien que pour les Espagnols, encore aujourd'hui, Napoléon représente un peu l'équivalent d'Hitler pour nous. Et ont-ils tort...?) Par moments, il sait même s'amuser à jongler entre les deux représentations contradictoires des ennemis, notamment dans la belle description de l'hospitalité que le héros avait reçue du vieux noble "afrancesado", don Alvaro de Vigal, qui s'exprime ici sur l'évidence d'une victoire française :
"[...] Je crois que vous ne la gagnerez pas, messieurs, et celui qui vous dit cela est un vieil homme qui admire la France, qui n'est plus en âge de soutenir ses propos sur un champ de bataille et qui, malgré cela, sommé de choisir, dégainerait son épée trop longtemps restée au fourreau pour combattre aux côtés de ces paysans incultes et fanatiques ; pour se battre, même, contre les idées que, tout au long de sa vie, il a ardemment défendues. [...]" (p. 122).

Un bel exercice de mise en perspective de soi à travers l'autre.
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