Par endroits apparaissait une misérable petite maison sans toit, envahie de broussailles drues qui avaient poussé depuis la dernière guerre (Bosnie). Les murs noircis portaient encore la signature des destructeurs, des symboles, des noms d'unités, juste histoire de se vanter. Les misérables avaient fait sauter des misérables et les misérables étaient devenus encore plus misérables.
Soudain lui vient à l'esprit la première fois qu'il a entendu parler des snipers - et qu'il ne pouvait pas y croire. A l'existence de cet homme. La guerre, il l'imaginait comme un combat sur le front. Que quelqu'un vise des gens inconnus dans la rue, il ne pouvait pas le concevoir. Pourtant quelqu'un visait, ce porc, et celui qui lui avait assigné cette mission, se dit-il, a créé l'Homme d'aujourd'hui.
Le problème n'est pas la véritable pauvreté, mais la pauvreté classique, moyenne, de ceux qui regardent la télévision, lisent les journaux, suivent les faits et gestes et les lieux de villégiature des célébrités, s'appauvrissant à cause de tout ce qu'ils convoitent. Ceux-là sont plus pauvres que les pauvres; ces pauvres de la télévision et des revues, ce sont les plus pauvres, leur pauvreté est dans les images, dans le luxe des yachts et des voitures de prix, dans les marques de vêtements et les rêveries de destinations touristiques, leur pauvreté est radicale, sans fierté ni révolte, car ils espèrent, ils se projettent dans ces images, ils économisent et en achètent un petit bout, quelque chose qui ressemble à l'image- ils "se permettent" un petit quelque chose et, c'est important, en tire un plaisir "bien mérité", et puis ils payent ce petit quelque chose et continuent à végéter devant la télévision et ces revues miteuses. Cette sorte de pauvres était était incroyablement répandue - c'était, lui semblait-il, la majorité du corps électoral. La pauvreté des gens qui rêvent de la richesse est immense...
Et ensuite, toi. Si belle, mais sans cette pitoyable artificialité ... Tu vois ce que je veux dire ? Trouver la beauté sans avoir l'impression de regarder dans une vitrine, c'est devenu quasiment impossible aujourd'hui, et c'est ce qui donne à la vie ce goût répugnant.
J'ai eu envie d'appeler ma mère et mon père pour pleurer, mais je sais que les lignes sont coupées, et il me vient à l'esprit que mon père me dirait que la perturbation ne va pas s'arrêter juste parce que moi j'attends, et cette nuit-là j'ai pris mes affaires et j'ai disparu de chez Benjo...
Il est désagréable d'avoir pour mission de gâcher l'humeur de quelqu'un, et ça peut durer longtemps - le temps que la partie adverse ne conclue que tu es "rasoir", mais la route est longue jusqu'à cette conclusion, particulièrement quand tu as affaire à des femmes peu sûres d'elles mais néanmoins opiniâtres, comme la directrice du musée...