Citations sur La Parcelle 32 (15)
- Ce n'est pas vrai, ce que je dis peut-être ?
Ce n'est pas vrai que tu écrivais en cachette à un de l'armée ?
Sur du papier bleu que tu avais glissé dans une doublure de ton calepin à aiguilles ?
Ce n'est vrai que tu vas quand même te marier avec le "monsieur" ?
Tu as raison, tante Eveline ! Tu as raison ! Tu seras riche ...
Et puis au moins, celui-ci, il ne mourra pas à la guerre !
Tandis que l'autre ... dame !
Il y a des chances ! ...
Honoré sortit dans la cour, cherchant la servante. Elle traînait ses sabots aux abords du poulailler. Il lui fit un signe d’appel mais elle ne bougea point.
C’était son habitude, à elle, de ne pas se trouver dans la maison pendant qu’ils mangeaient. Pour la faire rentrer, il fallait un événement.
Honoré rusa. Courant à la petite table il attrapa une poule et, revenant au seuil, la leva, gloussante et hérissée, au-dessus de sa tête.
A Quérelles, devant la grille du notaire, le vieux
Mazureau tira la poignée de la sonnette. Un tintement
léger se fit entendre au fond de la cour.
Personne ne parut. Il faisait très froid devant cette
grille; un vent d’est mordait âprement.
Un petit gars
d’une quinzaine d’années, qui accompagnait le vieux,
chuchota:
— Tu n’as pas tiré assez fort, grand-père; ou
bien leur mécanique est démolie. Veux-tu que j’essaye?
Bernard est arrivé à la maison et le déjeuner nous
attend.
Ils marchèrent en silence et puis Mazureau dit :
— Ce serait ma volonté d’acquérir ce champ.
Il me tente beaucoup plus que d’autres qui le
valent ou qui sont meilleurs, parce qu’il nous a
appartenu autrefois ; c’est mon grand-père qui
l’a défriché... Mais je ne serai pas seul à le vouloir...
Les gens de la ville, ils n’y connaissent rien ! Il n’y a pas de contrôleurs pour les fromages… […] Les gros riches, ils aiment les bons fromages blancs à la crème…, les bons La Mothe au lait de chèvre…, goûtez-moi ça belle madame !… C’est très sain pour les malades ! Hi ! Hi ! Hi !
Le médecin reprit son siège et traça rapidement quelques mots illisibles.
Comme il signait, une larme tomba sur le papier ; il l’essuya du bout de son doigt et jura très doucement le nom de Dieu.
J’ai eu besoin de pain, dans ma vie… je n’ai jamais eu besoin de bonheur… Qu’est-ce qu’ils ont donc tous à me chanter avec leur bonheur ? Ma défunte voulait du bonheur…, et puis mon fils, et puis ma bru…
Et te voilà, toi aussi, maintenant, avec ton cœur mou ! Qu’ont-ils donc dans la poitrine, ceux de mon nom ? Le bonheur ! Il n’y a pas de bonheur… Il y a des gens qui savent se tenir droit et d’autres qui se couchent, tout de suite las… Éveline Mazureau, avant de songer au bonheur, il faut tenir sa maison, il faut lever l’honneur de la famille !
Mazureau, penché sur la table, lisait le billet du camarade. C'était très bref, quatre lignes à peine. Le camarade avait écrit à la hâte. Désireux cependant de faire une lettre belle et solennelle, il avait écrit comme un gradé :
Mademoiselle, j'ai l'honneur de vous rendre compte que Maurice Lémery est mort au champ d'honneur, hier soir, à 17 heures. Il n'a pas souffert, ayant été tué net par un éclat d'obus. C'était un frère pour moi...
"J'ai de l'estime pour vous, Honoré, dit-elle. Si je vous ai fait de la peine, c'est sans le vouloir."
Il répondit vivement :
"Je sais que vous êtes bonne, Eveline, sans cela, je n'aurais pas parlé comme j'ai fait. Mais j'attendais beaucoup de vous : j'attendais la grande joie de ma vie."
Elle eut un mouvement d'humeur.
Quand elle revint, le père était seul à la maison. Il tenait dans sa main le portrait de Maurice qu'il était allé chercher dans la chambre de sa fille.
Avant qu'elle eût pu faire un geste, il arracha le portrait du cadre et le mit en pièces.
Puis il posa sa main sur la table et don doigt traça une ligne sinueuse.
"Eveline, tu ne prendras pas ce chemin-ci !"
Son doigt raya la table.
"Voici le chemin que je te trace... et tu le suivras !"