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Critique de Cancie


Cancie
31 décembre 2022
Changer l'eau des fleurs de Valérie Perrin est un roman riche en émotions, une ode à la nature qui porte un regard généreux sur l'existence.
Née sous X, placée de famille d'accueil en famille d'accueil, Violette rencontre un beau jeune homme, Philippe Toussaint, pour lequel elle éprouve un véritable coup de foudre. Même si ce gars s'avère être un coureur de jupons, un feignant, elle s'installe avec lui et la naissance de Léonine va embellir sa vie, elle sera son soleil. Ils trouvent un poste de garde-barrières près de Nancy, mais peu d'années après, progrès et automatisation obligent, ils perdent leur emploi et vont accepter un poste de garde-cimetière en Bourgogne. Ce lieu se révélera comme un lieu d'apaisement pour Violette.
Le premier chapitre donne le ton avec une description on ne peut plus réaliste mais déjà humoristique des voisins de palier de la narratrice qui ne sont ni rancuniers, ni souriants, ni râleurs, ni optimistes, et j'en passe, et pour cause : ils sont morts.
Son mari disparaît sans explication peu de temps après leur installation et elle reprend ses fonctions, épaulée par les trois fossoyeurs Nono, Gaston et Elvis, les trois officiers des pompes funèbres, les frères Lucchini et le père Cédric Duras. Ils sont pour elle comme une petite famille avec qui elle partage en toute simplicité thé ou café. de même elle accueille dans sa loge les visiteurs de passage ou les habitués contents de trouver chaleur et hospitalité auprès de la gardienne. Enveloppés par cette douceur, ils confient leur peine, s'épanchent et s'abandonnent auprès de Violette toujours à leur écoute.
Un jour tout va basculer lorsqu'un homme, Julien, toque à sa porte. La mère de celui-ci, Irène, vient de décéder. Elle a souhaité être incinérée et que ses cendres soient déposées sur la tombe de Gabriel Prudent reposant dans ce cimetière, et cet homme, Julien ne le connaît pas.
Ce sont donc ces histoires imbriquées, celles de Violette, d'Irène et de Gabriel que nous conte Valérie Perrin, avec maints retours en arrière. Elle dresse avec talent toute une galerie de portraits de personnages insolites. Certains sont très attachants, la palme revenant à Violette, cette femme cabossée par la vie, dont le chemin est parcouru d'ornières, l'une plus que profonde et qui pourtant sait à chaque fois faire face avec beaucoup de dignité. Des personnes bienveillantes rencontrées sur ce chemin l'aideront et lui ouvriront la voie vers la résilience et la lumière.
Violette est un personnage féminin extraordinaire inoubliable, d'une immense sensibilité et d'un courage extrême.
D'autres sont parfaitement abjects comme la mère de Philippe, mais la force du roman tient également au fait que Valérie Perrin, tel un peintre, esquisse par petites touches des portraits tout en finesse et certains protagonistes se révèlent plus lumineux qu'ils ne le paraissaient au départ.
Quand on entre dans ce roman, on entre dans un monde de poésie dans lequel la question du deuil est traitée avec beaucoup de subtilité. Une épigraphe en tête de chaque chapitre apporte souvent, fort justement une note d'apaisement et de sérénité. Ainsi : «Parler de toi, c'est te faire exister, ne rien dire serait t'oublier » ou encore «Il y a plus fort que la mort, c'est le souvenir des absents dans la mémoire des vivants ».
On est quasiment dans la sobriété heureuse avec la culture du potager et les conseils dispensés par Sasha, et ensuite avec tous ces petits plats simples mais ô combien savoureux que prépare Violette avec les légumes récoltés, telle cette salade improvisée de pommes de terre sautées.
De l'écologie est également savamment distillée mêlée à beaucoup de délicatesse et de poésie, lorsque Violette dépose des larves de coccinelles sur ses rosiers et ceux des défunts, les déposant une à une avec un pinceau sur les plantes.
Outre le langage de la terre, des plantes, des fleurs, une belle page est consacrée au langage des mains, celles de Gabriel Prudent l'avocat. Celles-ci s'ouvrent, se referment, crispées, se figent ou ne tiennent pas en place selon qu'il s'adresse au jury, à l'avocat général, au président ou au public,
Les saveurs, les odeurs, toute cette ambiance créée autour de cette femme époustouflante de générosité rendent ce roman, certes dramatique, absolument merveilleux et plein de fraîcheur.
Si les premières pages m'ont emmenée lentement, j'aurais aimé continuer encore et encore ce parcours plein d'humanité qui fait chaud au coeur sans être jamais mièvre, d'autant plus qu'une interrogation persiste sur un certain drame et que beaucoup de suspense demeure jusqu'à la résolution inattendue de l'énigme .
Outre Elvis, omniprésent, une belle play-list accompagne le récit !
Je remercie chaleureusement Ingrid qui a su me donner envie de me lancer dans ce roman que je pensais à tort, être un roman à l'eau de rose.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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