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Critique de BazaR


Trente ans.
Cela fait presque trente ans que cette biographie de Louis XIV a été publiée. J'ai le sentiment qu'elle fait pourtant encore référence. Elle est même devenue un classique.
J'ai pris mon temps pour la lire. Il m'a fallu plus d'un mois pour venir à bout de cette brique de plus de 700 pages grand format, avec des pauses. Mais je ne me suis jamais ennuyé. Jean-Christian Petitfils sait écrire, nul doute. Son vocabulaire est riche et son verbe enlevé.

Comment résumer un pavé pareil de manière concise ? Gageure. Peut-être en commençant par dire que plus de 70 ans de règne, c'est très, très long. Et l'époque fait que c'est une longueur suffisante pour changer les pays et l'homme. L'évolution m'a paru plus flagrante que pendant les cent ans de la fameuse guerre du Moyen-âge. L'auteur a aménagé son récit en gros chapitres plutôt thématiques, mais qui suivent autant que faire se peut la chronologie. Il peut ainsi exposer les résultats de ses analyses fouillées, nous décrivant la démarche, tout en maintenant le train de l'histoire en marche. On reste un moment sur la structure du clientélisme nobiliaire des débuts de la Fronde, la rivalité des clans Colbert et Louvois ou le défilé des maîtresses officielles, par exemple. Puis on rembobine un peu si nécessaire pour reprendre le fil instantané de l'Histoire, une Histoire débordant de guerres, de diplomatie et de géopolitique (on s'approche des relations internationales des siècles plus récents), mais aussi de conflits intérieurs, religieux ou autres.

Jean-Christian Petitfils est-il objectif ? Lui-même admet dans sa conclusion que cette notion (je dirais prise dans le sens exprimé en mécanique des milieux continus : il existe une réalité indépendante de nous) n'existe pas en Histoire où tout récit dépend de son époque. Par exemple la révocation de l'édit de Nantes parait choquante à notre époque de tolérance (hem) mais à l'époque l'essentiel de la population française l'a accueillie avec joie. L'auteur en a conscience. Il décrit souvent des situations sous la forme de thèses et d'antithèses, nous faisant rebondir d'un mur du ressenti à l'autre. Par exemple, dans sa conclusion, il parvient à nous convaincre que l'État créé par Louis XIV n'est pas loin de l'essoufflement, intrinsèquement inadapté à l'avenir, avant de changer son fusil d'épaule et de faire la liste de tout ce qu'il l'a fait évoluer dans le « bon » sens, le "déféodalisant" définitivement. L'auteur juge aussi parfois ; pour lui la guerre de Hollande est une incroyable erreur, de même que le sac du Palatinat.

La péripétie est aussi présente bien sûr. Heureusement car le lecteur que je suis aime qu'on lui raconte des petites histoires. Certaines marquent. Nuit du 9-10 février 1651 « pour éviter l'émeute il fallut rouvrir les portes et laisser le peuple défiler devant le lit du jeune roi… Nuit romanesque et tragique, qui resta gravée dans la mémoire de Louis XIV et qu'il ne pardonna jamais au coadjuteur ». Février 1659 : Vexé d'être traité en enfant irresponsable, poussé par Marie Mancini, qui tisonnait insidieusement son amour-propre, Louis se révolta. Pour la première fois de sa vie il osa tenir tête à sa mère et à son parrain (Mazarin). le mariage espagnol ? Il y renonçait ! Oui, il épouserait Marie, envers et contre tous. »

L'auteur n'en finit pas de nous décrire Louis XIV lui-même, de tenter de nous faire partager ses pensées. Il lui faut être à l'affut car c'est un homme qui évolue beaucoup. Qu'y-a-t-il à voir entre le jeune homme, religieux de pure forme, adorant la représentation de soi-même (« le Roi danse ! ») manipulé par son cardinal-ministre, le roi absolu qui décide de diriger directement les affaires à partir de 1691 et le vieil homme fatigué et presque dévot, qui a vu sa descendance passer ne laissant qu'un arrière-petit-fils pour successeur, et qui se laisse influencer par Mme de Maintenon ? Plusieurs hommes se succèdent en Louis au cours des décennies.

Il manque cependant (dans mon édition du moins) des éléments que j'affectionne dans les biographies : une chronologie historique et des images, peintures, gravures. Autre élément presque complètement absent : l'aspect culturel, scientifique, musical, théâtral et littéraire, du règne.

J'ai déjà fait trop long, hélas. Si vous avez tenu jusqu'ici, vous vous dites que ce n'est pas avec ce billet que vous en saurez beaucoup plus sur Louis XIV et son époque. Ben je n'ai qu'une excuse en forme d'exhortation à vous présenter : lisez-le.
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