183
extrait 3
La poésie
ne vient pas de notre monde
mais si loin de lui
et de nos yeux
qu'elle nous saisit
les pieds
par-derrière
et nous pousse
dans le dos
parfois pour nous tuer
Nous avions inventé
une table
qui n'invitait que des chaises
à s'asseoir autour d'elle
où parfois un d'entre nous
se mettait debout
Un chant s'effondre
dans la gorge d'un arbre
ou le contraire :
un arbre s'effondre
dans la gorge d'un chant
Le long de la rivière
nous guérissons
les yeux des phoques
Ils avaient des étoiles
greffées à leurs yeux
par la nuit
qui nous faisaient pleurer
114
Extrait 3
La poésie crapuleuse
monte sur la scène
car dans la véritable
Seine
nos couloirs
se sont suicidés
depuis longtemps
Œufs pourris
panneaux de sens interdit
porcs affamés mangeant
de l’or
La nuit verse un alcool
brûlant sur la tête inclinée
de l’épaisseur
80
extrait 2
La mort
est un maître d'Allemagne
Maman est assassinée
d'une balle dans la nuque
dans un camp
de Transnistria
Peut-on continuer
à écrire dans la langue
de l'ennemi
et des montres avariées
par les heures
qui n'existent pas
Décrire un paysage
consiste à le dépasser
Penser la poésie
c'est être avec toi
historiquement
dans ton amour
26
Nous sommes
le dedans d'un dehors
qui mord les chiens
à coups de pieds
à coups de laisse
Rien ne sépare plus
que les mots
que nous avons volés
Même les morts
sont inférieurs
aux mots
et coulent torturés
dans les bassines
d'église
où ils prennent
l'essence de leurs motos
Le dehors du dedans
nous apprend à exister
sans la vie
réparée
par ses adjectifs
de justice
Le dedans du dehors
disperse les patries
que nous vendons
même à ceux
qui n'en veulent
pas
19
La laine mange /la bouillie de la lune
Extrait 3
Virgule
étoile buvant
une longue nuit
dans les ordures
et les ordres
des trous noirs
dans la foule
des rimailles
rampent
à leurs pieds
pour être éditées
avec de grosses chaînes
La poésie
vomit toujours
des costumes
et des arrêtés
Les timbres
remplacent
les morts
sur les enveloppes
et les poètes
collectionnent
des albums vides
qui parlent
de diverses
façons de tuer
78
Extrait 2
Maïakovski
scrute le monde
à travers le canon de sa Kalatch
pas encore née
La poésie
est une chaise blanche
qui monte au ciel
Une pirogue
laboure les champs
Les lapins ensanglantés
des boussoles égorgent
les merles
Le costume debout
de Ghérasim
conduit l'attelage
Il vomit
de l'eau d'égout
Ses poumons
sont percés
par les yeux des poissons
Hova
Hova
Jean-Joseph
laisse tomber
de la morve noire
depuis un hélicoptère
hain-teny
hain-teny
Car la poésie
est parfois un sacrifice
où la vie
tue un seul mot
qui retourne
la poésie
183
extrait 1
On déplace les animaux
pour faire des ombres
Des sabliers
pleins de poivre
s'écoulent
devant des lampes salées
L'horizon est un buveur
d'eau
…
125
Extrait 3
Deux devineurs
de poèmes
les suivent
sur le trottoir
en distribuant
des pages de marbre
Pierre et René
soufflent dans des fémurs
creux de vautour
et notent la musique
sur leurs dents
La nuit se multiplie
dans tous les animaux
qui dorment
Les femmes soutiennent
des chapeaux
de raisin mûr
114
Extrait 2
À cette heure
les grappes de scorpions
répètent la pensée
et s’engendrent
pendant
que le soleil
aiguise ses pinces
de métallos
Lapin descendu
de l’astre jaune
Aucun festin
d’ailes dépliées
Aucun sein
Aucun pied droit
Dans les bouches
pleines de lettres
imitant les alphabets
des musiques
les dentiers articulent
les sonnets
Car évidemment
ils ne savent pas
où se trouvent
leurs familles
ni le contretemps
idiot de la mort
des calendriers
…
114
Extrait 1
PUF
c’est le bruit que font
des pneus
que l’on crève
Les os de la pensée
sont rongés
par leurs chiens
Mots de passe
tombant de gueule en gueule
Mots de craie cassée
et de tableaux rouges
Mots-pets d’intestins muets
…