"Le temps n’est plus au jeu
nous avons dépassé le chant des marionnettes
Le temps n’est plus au sommeil
nous avons dépassé le chant de l’enfant do
Et l’enfant ne dormira pas
il fait un temps de veille
Mon Pays a un caillot de sang dans la gorge."
(Mon pays que voici, 1968)
"Passé de mémoire d’ange que je décrypte
Sous les poils crépus des mots sirènes
et les rognures du temps
je remonte le fil des contes crépusculaires
ponctués de déesses marines
de maîtres de carrefours
Au chemin creux des aromates
ma voix sans gîte
redécouvre la paille et le feutre
En bavardages coudés érodant la distance
ma vie reprend ses aises sous l’œil neuf de l’enfance
et à coutures précises
je m’insère à nouveau dans la tendresse d’un peuple
(…)
x
Transcriptions en spirale de paroles-grimoires
Cube ou rectangle
Dé ou domino
Double-six
Blanc partout
Archéologue et ramoneur
je vis dans la coulisse des mythes
À partir d’un fragment
la phrase entière et signifiante
D’une tige carbonisée
tout un feu de Bengale
Le positif d’un peuple sous son ourlet de sang
(…)
Exorcisant à foulée d’Ours et de Scorpion
le concert de voix mercantiles
et le récitatif d’idéologues fripiers
j’ai fui l’envoûtement des mangeurs de lotus
Je n’erre plus maintenant
parmi les boucles dures des visions en losange
Boussoles figées loin des pilleurs furtifs
et des bêtes en papier mâché piégé
j’ai fondé mon lieu vrai
dans la grâce affranchie des miroirs
ma fortune à moi couchée haut
un doigt de sel sur ses lèvres
(…)
Caraïbe oublieux
je retrouve la turbulence des pois de senteur
la farine du dieu sans tremblé ni bavure
et mon midi ludique
ravive sa broderie tendre et ailée
Femme de visitation
il fait un temps protocolaire
et j’ancre ma demeure sous la lune apaisée
mais chiffonnier baladeur et frileux incrédule
je procède à semelle prudente
dans ma neuve oasis
Nomade je fus de récente mémoire"
(La Bélière Caraïbe, 1980)
"Je dis qu’il faut tirer la chaîne
et lever l’ancre et puis partir
car cette heure est propice et bonne
cette heure où l’ombre se déchire et coule
où les objets ne sont plus ce qu’ils sont
mais d’un degré plus purs
où l’on voit chaque forme provoquer dans l’obscur
la naissance de cette chose qui remue
entre le ciel et nous comme un grand trait d’union.
Il nous faut supprimer les troublantes amarres
et partir cap à l’ouest à la recherche du décor
car dans la nuit j’ai suscité un monde
à ma propre mesure où vivre m’est possible
où toute chose existe à laquelle je crois
car je porte sur moi
l’orientale richesse de mon âme sans rides."
(Présence, 1961)
"C’est la nuit des invertébrés
ombre plénière sur le silence des fuyards
Antillais de forte souche et de longue lignée
nous parlons maintenant langage de gratte-ciel
paroles de givre et mots de neige."
(Motifs pour le temps saisonnier, 1976)
"Jadis quand l’homme levait la main contre la pierre
l’oiseau moqueur annonçait l’exode du fer
la voix mineure de l’écorce relayait le chant de l’aubier
j’emportais ta présence sous mes paupières
la nuit ne jouait plus dans tes cheveux
et au verso des baisers naissaient des étoiles
Jadis un pan de lune
amère comme un saxophoniste aveugle
glissait sur les lamelles du store
quand tes rêves de fer et d’argile
agitaient le silence dont se vantait ma bouche
Jadis quand les oiseaux chantaient
dans ton grenier de lumière
tu apprenais les mots qu’il ne fallait point dire"
(Les dits du fou-aux-cailloux, 1968)
"Clos, le jardin des merveilles
où danse Alice le pas des feuilles mortes.
Le petit singe qui me ressemble
fera ses pitreries
de l’autre côté de la neige.
C’est le temps des adultes,
le temps des mots qui m’appartiennent.
Clos, le jardin des merveilles."
(Points cardinaux, 1967)
Présence
Ton âme est une vasque
par où s'enfuient les eaux de la fontaine de mon désir.
La bélière caraïbe | Vacance des paupières
je corrige le brouillon de ma vie
au jardin extravagant de la mémoire
Les dits du fou-aux-cailloux
Pèlerin de l'espace le ciel est devenu ma patrie
Mon pays que voici
transmettez-nous votre croyance
au paradis sur notre terre