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Critique de pencrannais


Le roman de Benoît Philippon, renferme deux étages, deux degrés de lectures qui s'opposent et pourtant se complètent parfaitement.
Une première façon de présenter cette aventure serait d'insister sur l'humour et le comique de situation et des dialogues percutants qui ne sont pas sans rappeler, d'autres l'ont déjà dit avant moi, ceux d'Audiard ou de Frédéric Dard.
Berthe, petite bout de femme de 102 ans est en garde à vue pour avoir tiré sur son voisin. Elle a aussi permis à un couple en cavale d'échapper à la police.
L'inspecteur Ventura, chargé de l'interrogatoire, comprend toutefois, au fur et à mesure, que la mamie en question est plutôt du genre flingueuse que gâteau. Il découvre en même temps que nous cette vie qui débute avec la Première Guerre mondiale et qui traverse le XXe siècle à coup de meurtres en tout genre. Dans sa cave, à la mémé, on retrouve un cadavre, puis plusieurs. Et à chaque fois, Berthe explique ce qu'il s'est passé, avec une gouaille et une verve réjouissante, un décalage total entre la façon de le raconter et les horreurs qui sont commises. Les dialogues sont souvent très drôle, et on se dit que ce livre léger est parfait pour passer un bon moment, le sourire au lèvres.
Et puis, au fur et à mesure, se détache de ce fond humoristique, le patchwork que fut la vie de mamie Luger. On a les informations dans un ordre non chronologique, choisi par l'auteur, judicieusement disséminé et si l'humour des dialogues est présent du début à la fin, le deuxième étage de ce roman nous apparaît de plus en plus clairement et ce n'est plus aussi drôle que ça dans le fond.
Mamie Luger a connu une existence compliquée de sa jeunesse avec sa grand-mère, Nana qui en fait une fille forte et intelligente, à ses mariages avec des hommes violents, peu efficaces dans les choses de l'amour, adeptent de la domination masculine qui allait de soit à l'époque, sa traversée de l'Occupation dont elle a conservé le Luger qui lui donne son surnom, un autre mariage avec un séducteur italien …
Elle a traversé le siècle, subissant la condition féminine et refusant de se laisser faire par les hommes. Seulement, Berthe, quand elle doit résoudre un problème, elle le fait définitivement. Et quand les problèmes, ce sont les hommes de sa vie, la solution est tout aussi radicale.
Cette exagération et ce décalage, racontés avec des dialogues aux petits oignons apportent de l'humour et de légèreté, mais le fond, le véritable propos du livre, c'est la situation des femmes et sa très lente évolution au XXe siècle.
A la violence des mâles, Mamie Luger a répondu par une violence féminine, plus forte, et plus définitive. Plus intelligente aussi, pourrait-on dire, car, après tout, elle n'a jamais été prise. Avouer tous ces crimes à 102 ans a quelque chose de surréaliste.
Pourtant, on l'aime cette mamie Luger, on ne la voit pas comme un tueur en série ou une psychopathe, on lui trouve des circonstances atténuantes, on se réjouit presque du sort de tous ces c…
L'émotion aussi, vous guette au détour de quelques pages quand, la mémé en manque de confidences narre son amour pour un soldat américain noir, lui aussi victime de discrimination chez les siens et de préjugés en France.
Un roman plus profond qu'il n'en a l'air et qui sous un vernis réjouissant d'humour et de dialogues percutants présente un condition féminine beaucoup moins rose.
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