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Critique de Michel69004


Genre: Antigone chez les corses

Pourquoi corses, ce n'est pas très clair, Ogliano ça pourrait être un village perdu dans une vallée sarde, sicilienne ou monténégrine? Il n'y a pas de géolocalisation.
Mais parce que l'autrice l'est notoirement, corse !!! Et que tout concorde:
Les noms, les sonorités (on entend « Oglione »),la flore, la faune (chevaux sauvages par exemple), les lois propres au massif (on l'appelle l'Argentu), ses cimes, ses crêtes, ses pelouses d'altitude, la rivière (la Fiumara), les canyons, les grottes, l'aspect des villages, sa mafia, ses tyrans, ses saints, ses héros etc.
Et parce que la Corse est le lieu des tragédies les plus fortes, les plus belles et les plus récentes (sinon il y a la Grèce antique).

Elena Piacentini m'a complètement bluffé, j'avais boudé bêtement son livre à sa parution et j'ai eu bien tort. Ce livre est fantastique. Dans toutes les acceptions du terme.
“Ne regarde pas en haut avec envie ou en bas avec dédain, Libero. Fais ta route, c'est bien assez.”

Libero, c'est le narrateur. Devenu médecin, Il revient sur les lieux du drame vingt ans plus tard.
Il y a Argentina, sa mère, célibataire et institutrice du village. Elle est fille du pépé (mort depuis quelques années) que l'on surnomme « Argentu » (ce qui tombe bien), chevrier au coeur pur qui a élevé Libero et lui a donné son nom (Solimane)
Il y a un méchant baron, remarié à la sublime Tessa (aussi rouquine que retors), qui a un fils, Raffaelle (qui a perdu son jumeau dans des circonstances opaques) de sa première union.
L'ami d'enfance de Libero, c'est Gianni, un voyou.
Et puis il y a tout un tas d'autres personnages, secondaires mais essentiels ( dont le chien du narrateur, Lazare …), chacun étant le maillon indispensable d'une orfèvrerie narrative de toute beauté.
Le récit s'ouvre sur l'enterrement d'un vieux bandit du village et de son étrange cortège puis sur la découverte du corps « d'Herminia la folle » à la Villa rose chez Delezio, l'affreux baron, où l'on fête le bac et l'avenir de l'héritier ! Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
De circonstances en circonstances, tout ce petit monde ira au bout de son destin.
Il n'y a pas de choeur antique mais son équivalent, une succession de petits chapitres, perlés dans la tragédie, où l'on rentre dans la tête des principaux protagonistes .
Il faut revenir à l'
Antigone de Sophocle pour trouver la morale de l'histoire.
“les lois de la Cité priment-elles sur les lois de la famille ? “

J'ai beaucoup aimé ce récit plein d'ampleur, dense et souvent poétique où, de mon humble point de vue, il est surtout question d'amour et d'amitié, de courage et d'honneur, mais aussi de ce qu'on peut découvrir de soi si on écoute l'oracle ( ici plusieurs personnages l'incarne mais c'est César qui a ma préférence)
Elena Piacentini nous parle de l'infinie complexité des hommes.
Omerta, silences, secrets, tout volera en éclats flamboyants pour dénoncer manichéisme et prêt à penser.
On sera bien surpris de voir qui aime qui…
Et puis l'autrice rend un hommage appuyé à Roberto Scarpitano, le magistrat italien spécialisé dans la lutte anti-mafia. Il faut dire que c'est un combat d'actualité!

Un très beau livre, une immense tragédie !

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