DESTINS CROISÉS
Louis-Karl Picard Sioui, membre du clan du loup au sein de la communauté wendat des premières nations au Canada, milite lui aussi pour que la littérature autochtone soit reconnue à sa juste valeur. Les Éditions Dépaysage continuent ainsi, à travers la collection Talisman, de donner une voix à ces communautés peu visibles. Si
Kitchike est une réserve autochtone fictive, la satire permet de prendre à la fois de la hauteur et d'adopter une précision chirurgicale sur son peuple.
À chaque page, la langue se délie et mue constamment pour offrir à chaque personnage une nouvelle voix. Si vous le lisez vous entendrez un accent, vous serez en immersion totale et parfois même dans la tête de l'auteur. Il s'agit d'une oeuvre qui rassemble accompagnée d'une polyphonie éclatante.
Louis-Karl Picard Sioui manie l'autodérision, la métaphore, l'humour avec panache où l'on côtoie des personnages qui pourraient à eux seuls former un seul roman. Vous croiserez Jean-Paul Paul Jean-Pierre, Roméo Coeur-Brisé ou Pierre Wabush, vous y côtoierez la candeur, la noirceur et toutes les faces d'un être humain. Que vous soyez français, wendat, innu ou belge, chacun d'entre vous y verra un universalisme singulier.
«
Kitchike a le tour de pervertir tout ce qui est beau et bien. de t'ouvrir le corps pour que tu patauges dans tes entrailles »
Sorti en 2017 au Canada, vous aurez l'impression de lire des nouvelles et pourtant vous aurez le délice d'être surpris par le déroulement de ce roman. Livre poético-politique, vous serez embarqués dans cette contrée encore méconnue en France, gorgée d'Histoire et de traditions. L'auteur égrène l'histoire de sa communauté par petites touches pour dénoncer la colonisation et les cases dans lesquelles le Canada et le Québec ont parqué les wendat. Avec un art divin de l'anaphore, en jouant sur certaines sonorités,
Kitchike fait partie des ces livres qu'on n'oublie pas de sitôt tant par sa diversité linguistique que par sa capacité à vous séduire dès les premiers mots.
« J'ai jamais voulu faire endurer l'agonie de
Kitchike à une descendance. C'est pas un héritage à perpétuer: perdus entre la ville et la réserve, notre passé glorieux pis notre présent de colonisés, sans rêves pis sans espoir, pris dans nos chicanes de clocher, entourés de mares de Grenouilles racistes, sous l'omerta des petits princes du Canada. »
Si un lexique en fin d'ouvrage est présent, je vous conseille de vous laisser porter par la langue.
La couverture d'Olivier Mazué comme toujours, vous fait entrer dans l'univers à la fois cynique et réconfortant que l'auteur a voulu décrire.
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