Quand les homophobes appellent les homosexuels à plus de retenue, n'est-ce pas pour se préserver de la vision cauchemardesque de deux hommes ou de deux femmes qui s'embrassent ? Leur discours est fondamentalement motivé par l'intolérance : ils opposent une sexualité légitime qui aurait seule droit de cité à une autre, honteuse, qu'il faudrait limiter à la sphère privée. Il y a donc bien, toujours, une hiérarchisation qui vise à la stigmatisation de l'homosexualité.
Mais alors, que doivent faire les homosexuels? S'ils n'ont pas d'enfant, on les accuse de participer à l'extinction de l'espèce humaine; s'ils en ont, on prédit la fin des haricots. Sans enfant, les homosexuels sont des égoïstes qui ne pensent qu'à eux, faire la fête et s'acheter des fringues. Avec enfant, ils sont tout aussi égoïstes et se soucient aussi peu des autres, puisqu'ils osent réclamer le droit des parents...
A tous ceux qui répètent sans réfléchir des généralités sur le développement de l'enfant et de l'adolescent, on ne peut que conseiller d'aller à la rencontre d'enfants élevés par des homos ; ils verront d'eux-mêmes combien leurs théories ne valent pas le crédit qu'ils leur donnent.
Les lesbiennes se trouvent en fait au croisement de deux formes de refus qui empoisonnent notre société : l'homophobie et le sexisme.
Les femmes hétérosexuelles comme les gays peuvent aussi être hostiles aux lesbiennes. Pourtant, a priori, les lesbiennes ont ce point commun avec les hétérosexuelles d'être des femmes. On pourrait en conclure (un peu vite) qu'elles sont des alliées objectives dans la lutte contre la domination masculine. De même, a priori, les lesbiennes ont ce point commun avec les gays d'être des homosexuels; on en déduirait volontiers qu'ils sont alliés dans la lutte contre la domination hétérosexuelle. Eh bien, non, pas toujours...Comme l'écrit l'historienne Florence Tamagne, "les représentations du lesbianisme sont marquées(...) par une double suspicion: de la part des féministes, qui l'interprétèrent parfois comme une négation du féminin, et par les homosexuels, qui construisaient leur identité sur le culte du pénis." (...) Finalement, les lesbiennes peuvent donc se retrouver rejetées, ou au moins critiquées, par les hommes et les autres femmes, par les hétéros et les gays, en somme par tout le monde.
Le mariage n'a pas à symboliser l'union des deux sexes, à hiérarchiser les sexualités ni à permettre de faire des enfants ; il a simplement pour fonction de marquer l'engagement de deux êtres l'un envers l'autre, quelle que soit leur orientation sexuelle.
Toute forme de rejet de l'Autre est à proscrire : reconnaître aujourd'hui que l'homophobie est aussi grave que le racisme, ce n'est pas enlever aux Juifs, aux Noirs, aux Maghrébins la reconnaissance de leurs souffrances passées et présentes ; ce n'est pas nier les spécificités de chacune de ces formes de rejet, c'est favoriser l'intégration de toutes et tous dans notre société. C'est cela la démocratie, le respect des droits de l'homme.
Notre société est hétérosexiste quand elle assure que l'hétérosexualité est supérieure à l'homosexualité, de la même façon que les hommes sont sexistes quand ils pensent être supérieurs aux femmes.
Etre homosexuel, c'est être victime d'homophobie. C'est cela avant tout autre chose - ce n'est peut-être même que cela.