Un mystère Adèle Sharp, tome 7 : Condamné à la défaillance

Les trentenaires ne meurent pas de crises cardiaques. Pas la veille du jour où une autre personne meurt de la même manière. Appelez ça une intuition, ou de l'instinct. Je crois bien me souvenir que vous en avez abusé la dernière fois que nous avons travaillé ensemble.

Elle sentit un léger parfum d'eau de Cologne quand il la frôla. Comme dans son souvenir, ses cheveux étaient parfaitement coiffés, avec une unique boucle pendant devant son front. Il était beau, dans le sens net et prévisible du terme. Le bel homme façon star de cinéma, avait-elle déjà pensé. Par le passé, elle avait parlé de John comme du méchant dans un James Bond ; dans ce cas, l'agent Leoni serait très probablement James Bond lui-même. Sans oublier le fait qu'il lui avait sauvé la vie une fois en aidant au pilotage d'un avion sur une autoroute en Allemagne.

Comme vous le savez, le pire avec un tueur que vous ne voyez pas, c'est que lui vous voit. Et dans un train, dans des espaces aussi restreints, vous n'aurez pas la protection des autres agents, nulle part où fuir, vous cacher, appeler du renfort… Vous serez seule jusqu'à ce que nous puissions arrêter le train et vous envoyer de l'aide. Le protocole sera différent de celui auquel vous êtes habituée.

Elle ferma les yeux, luttant contre une soudaine montée d'angoisse. Il y avait quelque chose de dérangeant dans cette affaire… Elle se souvenait d'avoir eu le même sentiment face au directeur Foucault. Il s'était montré cachottier, étrange… Mais cette sorte de pressentiment qu'elle avait eu en sa compagnie était différent de d'habitude.
Ou peut-être était-ce simplement dû au fait qu'il essayait d'arrêter de fumer et que cela jouait sur son humeur. À présent, cette impression revenait… Quelque chose clochait, ne collait pas. Mais quoi ? Rodin avait-il menti ? Elle n'en avait pas l'impression. Il avait plutôt l'air d'un lâche, un dealer de médicaments de seconde zone. Son arme de prédilection, c'était une bombe au poivre. Un tueur aguerri aurait sûrement trouvé une meilleure alternative, non ? Et sa manière d'affirmer qu'il était dans le wagon-couchette, cette pure expression du soulagement… Allard allait sûrement le confirmer.

Si vous dites qu'il y a quelque chose qui cloche, alors je vous crois. Quelles sont les chances que deux crises cardiaques se produisant dans deux trains en l'espace de deux jours n'aient aucun lien entre elles ? Nous allons traiter cela comme une véritable enquête.

C'était plus facile de se maîtriser quand il était dehors. Ce devait être le souci de pas mal de gens, d'après lui. Il était plus simple d'afficher de bonnes manières devant de nouvelles personnes, et le démon en lui était souvent repéré par les amis les plus proches.

Il était difficile de se défaire d'une première impression, et il avait l'intention de faire une merveilleuse approche initiale. Il sourit à cette idée, tout en regardant la vidéo. Quelqu'un sortait du bâtiment. Il se pencha, scrutant les images de la caméra de surveillance située de l'autre côté de la rue, et dont il était parvenu à capter le signal.

C'étaient des taquineries qui avaient aidé Adèle à surmonter quelques-unes des journées les plus difficiles de ce boulot. Et pourtant, il venait de faire référence à elle en tant que l'agent Sharp dès son arrivée, et il semblait contenir son ennui, le garder pour lui.

Cet homme habituellement rigide et dur devant elle avait l'air à nu, exposé comme s'il avait ôté un masque. Elle vit un pur chagrin dans ses yeux, pendant un instant, et elle n'était pas sûre d'avoir envie de rester à côté.

Elle avait l'esprit en ébullition, frustrée de ne pas savoir comment annoncer la nouvelle. Il n'allait pas bien le prendre. De toute manière, elle connaissait son père et savait qu'il n'allait pas apprécier ce qu'elle avait à lui dire. Mais que pouvait-elle faire d'autre que lui annoncer ?
– Nous sommes tombés sur l'assassin de maman, murmura lentement Adèle.