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Critique de 4bis


C'est au détour d'une lecture un peu décevante de Lionel Naccache, Apologie de la discrétion, que Michel, fidèle Babelami, devant ma déconvenue, a mentionné ces Ethnographies des mondes à venir comme terrain de jeu pour réfléchir les rapports entre les uns et les autres, entre l'homme et le reste du monde. Incontestablement (mais est-ce une surprise ?), les conceptions anthropologique et politique me parlent beaucoup plus que celles, ébouriffées et plutôt issues des sciences cognitives de Lionel Naccache. A ce compte, c'est un vrai bonheur de lecture que de voir s'ouvrir devant soi des perspectives de pensée qui répondent intimement à mes valeurs et que je n'aurais pourtant pas pu arpenter sans la précieuse vulgarisation dont font preuve les deux auteurs.
Pourtant, rarement je n'ai été aussi profondément gênée par les choix éditoriaux présidant à l'élaboration d'un livre. Composé d'échanges entre Philippe Descola et Alessandro Pignocchi, Ethnographies des mondes à venir semble être de ces projets qui ont tout pour plaire. Des aquarelles, le regard croisé d'un éminent anthropologue et d'un auteur de BD, philosophe engagé, l'ambition de penser un avenir possible pour l'ensemble des êtres vivants sur terre, que demande le peuple ?!
Sur le fond, d'ailleurs, je suis enchantée. Les explications de Philippe Descola, les retours d'expérience d'Alessandro Pignocchi sont effectivement très éclairants. Et les perspectives qui sont ouvertes sont enthousiasmantes : on pourrait construire une autre organisation collective. Il est possible de mettre à distance le modèle anthropologique occidental finalement très récent sur lequel nous fonctionnons. D'autres sociétés ont fait radicalement différemment, continuent de vivre ainsi. Et de savoir que nous ne sommes pas enfermés dans un seul prisme est un soulagement gigantesque. Un autrement est possible ! On pourrait articuler avec finesse un rapport aux autres et au monde qui considère autrement la place de chacun. Et ce serait éminemment réjouissant. Et ce serait porteur, outre d'une possibilité de simplement perdurer, de joies et de plénitudes que l'individualisme d'une société hyperlibérale n'a jamais su apporter. de quoi nous donner envie de franchir le pas !
Mais alors, pourquoi cette mise en page si austère ? Deux colonnes qui rappellent celles des grands quotidiens papier. Mais sans intertitre, sans rien qui aère (claustrophobes s'abstenir !). Pourquoi cette fiction de dialogue quand il s'agit moins d'une conversation que de pavés successifs (sur des sujets très intéressants par ailleurs) ? Et pourquoi ce fichu papier semi brillant qui réfléchit ma lampe et m'éblouit quand je lis le soir ? Qui trahit la charmante porosité d'un trait à l'aquarelle. Qui m'éloigne quand je me voudrais absorbée.
Evidemment, je ne resterai pas sur cette impression toute formelle car ce serait cruel pour ce que ce livre comporte de passionnantes réflexions. Il faut lire ces onze courts chapitres pour comprendre ce que le naturalisme a de tronqué, comment décentrer son regard et appréhender l'altérité sans en faire le miroir de soi, concevoir le caractère polymorphe de nos possibles organisations, donner à l'économie une place bien plus restreinte dans nos vies, articuler les différentes échelles de territoires entre Etats et zones autonomes, mettre la diversité au sein de l'universel. Et puis rire de l'improbable tournant qu'Alessandro Pignocchi fait prendre aux mésanges et… à Bruno Lemaire !
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