AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de LaBiblidOnee


Les veuves du jeudi, ce sont les Desperate housewives de Wisteria Lane version Buenos Aires. Bienvenue dans une banlieue chic américanisée et ultra-protégée d'Argentine, où le paraître est plus important que tout, où tout le monde soigne ses façades et ravale ses problèmes, où chacun cache ses petits secrets et grands mensonges, où les époux mentent à leurs femmes pour les protéger, où les couples se croient à l'abri derrière leurs haies, où les scandales éclatent en silence dans cette bulle hors du temps et des problèmes d'argent du reste du pays. Dans cette bulle, pourtant, les différences peinent à trouver leur place et fissurent ce microcosme, où les cancans ruissèlent de bouche de buveuse de thé à oreille de joueurs de golf ; Ici les enfants étouffent et se cherchent, voient les adultes comme des hamster tournant inlassablement et sans but sur la roue inarrêtable du temps, boivent un peu, se droguent parfois. Et observent. Tout. Tous. Ce monde tel qu'il est vraiment, sans fard sous leurs paupières grandes ouvertes qui découvrent l'envers du décors que leurs parents peignent à grand coup de poing, de larmes et de vin.


« Raconter et vivre, ce sont deux choses différentes. Raconter, c'est plus difficile. Vivre, c'est vivre, c'est tout. Pour raconter, il faut mettre en ordre, et c'est cela qu'elle a du mal à faire, mettre en ordre, dans sa tête, ses idées, tout ce qui lui arrive. Sa chambre, heureusement, c'est Antonia qui y met de l'ordre. Mais dans le reste de sa vie, elle sent que tout est confus. Elle a l'impression d'être assise sur une bombe à retardement. Et une bombe à retardement, ça finit toujours par exploser. ».


Les gens d'ici sont « parvenus » à être riches, mais que sont-ils prêts à faire pour le rester ? Ils semblent heureux, mais le sont-ils vraiment ? Ils semblent unis, mais des listes circulent… Ils semblent bienveillants mais, ce jeudi, trois hommes, trois voisins, trois amis sont morts en même temps dans la piscine des Scaglia. Des gentlemen qui avaient l'habitude de se retrouver tous les jeudis soirs pour boire, fumer, jouer aux cartes et deviser entre hommes des problèmes qu'ils n'avaient pas officiellement, tandis que leurs épouses vaquaient à leurs occupations superficielles…


« Dis donc, j'ai du boulot, moi ! rit Gustavo. Et de la dignité, tu en as ? demande Tano. Paire ! Paire ! Pourquoi dis-tu cela ? vingt-neuf. Je joue. Je dis ça comme ça. Qu'est-ce que tu en sais ? Qu'est-ce que je sais de toi ? Ce qui compte, c'est ce que chacun de nous sait de lui-même. Je me couche. Et ce que chacun de nous fait quand personne ne le voit. Truco. Ou quand il croit que personne ne le voit. Je contre. »


Mais ces épouses, aujourd'hui, sont veuves : « Cette nuit-là, la nuit en question, Ronie dinait chez Tano Scaglia. Comme tous les jeudis. Même si ce n'était pas un jeudi comme les autres. Un jeudi du mois de septembre 2001. le 27 septembre 2001. »


Accident de piscine, soirée qui a mal tourné ou règlement de compte prémédité ? Mauvais sort jeté ? Pour le savoir, je me suis fondue avec délice dans les mystères de chaque demeure, dont les murs et les murmures recèlent. Dans cette lecture agréable, Claudia Pineiro nous permet habilement de jeter un oeil indiscret aux petites vies de chacun et aux miroirs aux alouettes qui se brisent, annonçant les années de malheur. En repartant depuis 1991, elle fait monter la tension au fil des années et on assiste à la pression sociale monstrueuse que se mettent ces familles, pour conserver le standing de vie américain qui donne une impression sécurisante de réussite, échappant à la misère des autres, bien protégés dans des tours d'ivoire ; Mais on sait tous que ce modèle américain s'est effondré, et ses tours avec, en ce septembre 2001…


« Certains faits - ils sont peu nombreux, moins nombreux qu'on ne le pense - auraient changé nos vies s'ils n'étaient pas arrivés. Et la vente de ce terrain aux Scaglia, en ce mois de mars 1991, est de ceux-là. »
Commenter  J’apprécie          6021



Ont apprécié cette critique (57)voir plus




{* *}