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Critique de rotko


Sous sa forme éclatée, le récit tient du free jazz - et de l'improvisation préméditée, pour une autobiographie fragmentée, fondée sur des expressions/citations en guise de titres ( « Pastorale urbaine » « Lamproie beurre blanc » etc.) comme éclats de mémoire.
le décor correspond au titre « L.A » = Loire Atlantique, la région ligérienne, essentiellement Nantes ou Saint-Nazaire, sans négliger des attaches familiales d'arrière pays, et quelques échappées personnelles.

Le milieu familial, rural et cheminot, ne prédisposait pas à un avenir d'intellectuel - littéraire et philosophique - sauf que la vague Mao, toute relative dans le monde ouvrier, devait détourner l'élève brillant de Saint- Sébastien-sur-Loire, monté dans une prépa parisienne, pour en faire un militant maoïste résolu. Il le raconte dans une langue qui, pour le style et la rébellion, se souvient de Vallès, et de tournures excitant la surprise ou l'attente, comme chez Proust.
L'analyse n'est point ici des émois psychologiques mais la métaphore et l'humour jouent leur rôle dans le souvenir d'un livre familial inattendu, « Moby Dick ».
« Vint néanmoins Mai 1968 où cette fois déboula pour de vrai « la Chose », la baleine énorme en personne. En mode toutefois plus ludique que tragique. Goujons de mer joyeux, nous fûmes nombreux à nous jeter dans sa gueule énorme. On y nagea heureux comme des poissons dans l'eau. On s'y laissa emporter par le flot, hypnotisés par sa puissance océanique. On y rêva tout éveillés, hyperactifs, tout un printemps et l'été qui suivit. On y dormit aussi, toute raison éteinte. Une part de nous-mêmes, je crois bien continue sans doute aujourd'hui d'y dormir et rêver.
Puis ce fut le temps des désillusions. Armés de nos seuls stylo-bille, qu'étions-nous donc d'autre que mains à plume, sans fin commentant l'actualité, impuissants, en vain brandissant nos maudits bic, à infléchir le cours des choses, à harponner pour de bon Moby Dick ? »

L'analyse du milieu familial relève d'un marxisme assumé, mâtiné d'une sociologie à la Bourdieu - ou de Marc Augé, pour les topographies urbaines, dans le sillage de J. C. Bailly pour les paysages et la lignée de Julien Gracq auquel la référence reste constante.
Ah ! « Le Peuple », il faisait rêver Michelet, JC Pinson l'a vécu et promu, dans le roman familial, plus porté sur les grands parents, avec des épisodes tragiques mais aussi burlesques, que sur les parents eux-mêmes, encore que des pages discrètes et émouvantes leur soient consacrées en fin de volume.

Le narrateur-poète se présente avec un double visage: acteur et analyste de sa condition, poète et théoricien, citant Barthes au détour, ou mentionnant Daniel Briolet, l'universitaire nantais, qui l'encouragea à éditer ses propres opuscules poétiques.

N'oublions pas la Philosophie ! elle fut le quotidien de l'auteur à la fac de Nantes, mais c'est directement et sans emphase qu'il traduit les plaisirs familiers, et les jours païens, hérités des parties de pêche familiales, de la fréquentation des stades, ou la valeur ataraxique au sortir du bain dans La Loire, ici omniprésente.
On sera sensible à ces scènes du « luxe » populaire, où s'épanouit une jouissance poétique et artistique accessible à tous.
Merci à Babelio et aux éditions Joca Seria.
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