Citations sur Dis, quand reviendras-tu ? (14)
C’est idiot, j’ai peur de sortir. J’appréhende ce qui va se passer une fois que j’aurai franchi le seuil de cette porte. Je serai obligée de dire à Gabriel que j’attends un bébé. Son bébé. Comment va-t-il réagir ? Je croyais que la naissance de Clara, il y a près de trois ans, allait le rendre fou de joie. Ça n’a pas été le cas. Alors un autre enfant…
C’est étrange. Je vais avoir un bébé avec un homme que je connais depuis toujours, celui qui partage ma vie depuis des années, le père de ma fille. Cet homme qui ne me regarde plus, ne m’embrasse plus, dort sur le canapé et ne me touche pas.
Avec Gabriel, les choses sont ainsi : c'est lui qui décide quand il vient et quand il repart. Il entre dans votre vie, vous bouleverse avec ses yeux indéfinissables et disparaît, laissant derrière lui un vide immense. Gabriel ne se laisse pas aimer. Il est insaisissable et libre. C'est à prendre ou à laisser.
Aujourd’hui, j’ai fêté mes quatre-vingt-treize ans. Enfin, « fêté », c’est un bien grand mot, je ne vois pas vraiment quel intérêt il y a à célébrer le temps qui passe et l’avancée inexorable vers une mort certaine.
Ce n’est que bien plus tard que j’ai compris qu’on peut rire beaucoup tout en étant très triste au fond.
Moi aussi je veux vivre le plus beau jour de ma vie. Je veux que pour toujours, le 1er avril soit le jour des blagues et celui de l’arrivée de mon petit trésor...
On ne s’est jamais posé de questions, on ne s’est jamais dit qu’on s’aimait. Pour moi, lorsque les choses sont évidentes, les paroles sont superflues.
Du moins, c’est ce dont j’essayais de me convaincre.
J’ai connu le grand amour, celui qui nous prend aux tripes, vous fait battre le cœur tellement fort que vous avez l’impression qu’il va sortir de votre poitrine. Celui qui vous empêche de dormir, de penser, de travailler, de vivre. Celui qui hante vos jours et vos nuits. Celui qui vous fait si mal et en même temps vous rend tellement vivante. J’ai connu le grand amour et je donnerais tout pour ne jamais revivre ça. Parfois, j’aimerais revenir en arrière pour changer l’histoire et ne plus ressentir cette douleur atroce avec laquelle je vis depuis des années.
Gabriel était reparti , sans un mot. Gabriel qui disparaît. Gabriel qui reviendrait peut-être. Ou peut-être pas. Mais cette fois, j’étais bien décidée à ne plus l’attendre. Nous nous reverrions, qu il le veuille ou non.
Gabriel ne voulait pas aimer. Ne pas s’attacher, toujours partir le premier, quitter pour ne pas être quitté, disparaître pour ne pas être abandonné… ne pas s’attacher pour ne pas risquer de souffrir.
Ne pas créer de liens, c'est également avoir la certitude qu'ils ne se briseront pas : pas d'attentes, pas de déception, aucun risque d'être déçu ou malheureux . Et si mon père, sans le vouloir, avait tout fait pour ne pas s'attacher aux autres ? Aux femmes surtout. Elles étaient nombreuses à l'avoir accompagné, mais aucune ne se semblait vraiment avoir réussi à entrer dans sa vie. A force de les repousser, il avait fait beaucoup de mal autour de lui.