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Critique de Chouchane


Le talent est-il mortel ? On peut le penser en lisant les journaux de Sylvia Plath, son écriture y est très tôt d'une grande clarté et sa lucidité étonnante pour son âge. A 18 ans, elle écrit « Moi je suis le présent mais je sais que je passerai aussi. Les grands moments, les éclairs brûlants passent comme ils viennent, dans d'incessants sables mouvants. Je ne veux pas mourir» . Ces journaux malgré leur organisation chronologique sont troués dans tous les sens du terme. Des morceaux entiers ont été perdus et même volés par des gens de passage dans l'appartement de Plath après sa mort, troués aussi parce que l'image psychique qu'ils nous transmettent est celle d'une jeune femme pleine de vie mais qui va puiser dans ses souvenirs et ses fantasmes les plus sombres pour sublimer le présent. Son besoin d'écrire est toujours très puissant "je veux écrire parce que je ressens le besoin d'exceller dans un moyen d'expression et de traduction de la vie", tout comme sa peur de la mort « je sens déjà le poids des siècles qui m'étouffent ». Mais sa passion pour la vie « je brûle d'envie de pénétrer la matière du monde ." donne à son travail et à son existence une détermination peu commune. La lecture de ces journaux apporte aussi un éclairage sur sa vision du monde qu'elle sait percevoir différemment « Ce que je redoute le plus, je crois, c'est la mort de l'imagination. Quand dehors le ciel est tout simplement rose et les toits simplement noirs : cette disposition photographique de l'esprit, qui paradoxalement dit la vérité sur le monde, mais une vérité sans valeur. » On comprend mieux l'exigence poétique qui pour éviter toute mièvrerie doit aller très loin dans l'univers sensible, à tel point que cela doit sans doute nécessité de frôler une sorte de folie. Ted Hugues qui était encore son mari, malgré leur séparation, lors de son suicide a supervisé cette édition, il en a coupé les passages qu'il trouvait trop intimes ou trop critiques ; ceci en affadit un peu la deuxième partie qui comprend la rencontre avec Ted « je vis pour lui en attendant d'avoir une vie à moi » et leur séparation. Hugues a d'ailleurs détruit un des derniers carnets de Plath très violent à son égard pour que leurs enfants n'aient jamais à les lire. Dans la dernière année de la vie de Sylvia Plath, on sent l'importance du travail poétique, elle joue beaucoup à décrire les gens qui l'entourent et fait des descriptions savoureuses de ce qu'elle mange ou cuisine. Cette plongée dans la vie intérieure d'une poétesse surdouée, ne nous donne aucune explication sur le talent, le suicide ou la joie de vivre, on y découvre simplement l'alchimie de la vie qui nous traverse tous.
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