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Critique de michfred


La cloche de détresse est un livre éprouvant.

Dans un quotidien festif- un groupe de jeunes filles couronnées de prix littéraires passe une semaine de fêtes et de banquets dans un grand hôtel new yorkais- s'engouffre soudain ce qu'on attendait le moins: une profonde angoisse existentielle qui déréalise les épisodes les plus mondains , donne aux événements une allure inquiétante, cauchemardesque qu'il s'agisse d'une beuverie ou d'une intoxication alimentaire, d'un flirt assez poussé avec un psychopathe endiamanté ou d'une invraisemblable opération de "séduction" dans un amphi de médecins où a lieu ...un accouchement!

Le ton léger, cynique, cache de plus en plus mal le vertige intérieur qui creuse chaque anecdote, passée ou présente.

La poétesse Sylvia Plath a publié ce premier et unique roman, largement autobiographique, un mois avant son suicide. Elle y entreprend, sur un ton fitzgeraldien , tout d'abord, de retracer un épisode douloureux de sa vie de jeune fille : une terrible dépression, suivie d'un internement et d'une serie d'électrochocs, dont elle sort pour reprendre, brillamment, sa carriere d'étudiante surdouée et de poète. Jusqu'à ce que la maniaco-dépression la retrouve..

La cloche de détresse tinte en sourdine dès les premières pages, puis nettement et jusqu'au malaise.

Elle prend parfois la forme d'un défi absurde -la descente à ski- ou d'une féerie macabre-la garde-robe voletant du haut d'un building dans la nuit new yorkaise.

Parfois celle d'une epreuve initiatique obligatoire- le sexe, la défloration, qui s'apparente au viol, au meurtre.

C'est la cloche du bureau paternel montée en lampe dont le fil pelucheux électrocute la jeune Esther- lui donnant un cruel avant-goût des "soins" qui l'attendent- quand elle veut prendre près d'elle ce souvenir d'un père adoré et disparu, avec le bonheur, quand elle avait neuf ans.

C'est enfin la cloche de verre sous le boisseau de laquelle elle a l'impression de vivre, coupée du réel, isolée de ses propres émotions, comme dans un mauvais rêve.

La retenue, la pudeur, l'élégance de la forme maintiennent à distance les sombres remous des troubles bipolaires qui tentent de happer et parfois saisissent cette jeune poétesse pleine de talents et de promesses.

Mais l'élégance et l'humour -glacé- ne sont pas tout : le style a souvent des fulgurances, des embardées qui laissent pantois. La cloche fêlée, comme celle de Baudelaire, est une cloche de poète. Elle est pleine d'images et de musique.

Cette cloche de détresse avait dans son bronze toute une gamme pour exorciser la folie.

Un triste jour, alors que ses deux jeunes enfants dormaient à l'étage, Sylvia Plath, terrassée par une vague trop forte d'angoisse , n'a plus su ou plus voulu la faire tinter. Et a mis sa tête dans la cuisinière à gaz.
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