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Critique de Chri


Des arguties. C'est à première vue tout ce qui ressort de ce dialogue, mais voyons quand même jusqu'au bout.
A vouloir traiter le Sophiste dans sa généralité, le personnage principal (philosophe) reconnaît n'avoir produit que des « arguties ».
Au contraire, ce qui est « difficile et beau », reconnaît-il, c'est la faculté de critiquer pied à pied les assertions d'un homme suivant sa manière et son point de vue.

Mais, est-ce que cette faculté de critiquer s'est éveillée en se heurtant à une question logique (ontologique) ?
Il ne semble pas, car ça n'était “ni ingénieux ni difficile” d'après notre philosophe.
Il suffisait, en effet, de réduire le sophiste, à une seule position générale, puis de la réfuter.
-la position : le non-être n'existe pas, donc il ne peut y avoir de fausseté dans le discours. (On peut tout affirmer et son contraire).
-la réfutation : « le non-être n'est pas le contraire de l'être qu'il exprime, c'est seulement autre chose que l'être»…« le non-être est chaque portion de l'autre qui s'oppose à l'être ». (Ce qui importe c'est la différence, pas la contradiction)

Cette question logique d'ordre général avait été posée après l'échec d'une première approche dichotomique pour définir le genre « sophiste »...
... Alors que le philosophe avait déjà reconnu qu'il ne pouvait pas se distinguer du sophiste, en général, mais seulement en situation.
« … comme le loup ressemble au chien, et ce qu'il y a de plus sauvage à ce qu'il y a de plus apprivoisé. Si l'on ne veut pas se tromper, il faut avant tout se tenir toujours en garde contre les ressemblances ; car c'est un genre très glissant. »

Est-ce que cette vigilance s'est éveillée en se forçant à établir une généralité ?
Il ne semble pas. En effet, le personnage principal joue celui qui est conduit au comble de l'impuissance, alors qu'en réalité il se contente de reproduire inlassablement une seule et même image : le sophiste évoluant auprès d'une riche clientèle dans le seul but de faire de l'argent.
Mais précisément, parce que cette clientèle recherchait leur enseignement, le philosophe n'avait d'autre choix que de concéder aux sophistes, l'efficacité de leur art de réfuter, et même la "noblesse".

Je suis revenu peu à peu au début de ce dialogue. C'est là que les protagonistes prennent le parti de la complaisance. D'un côté, l'Etranger, comme personnage principal (philosophe), et de l'autre, Théétète comme une sorte de répétiteur. Il n'y aura donc pas de discussion « serrée », ni d'objection sérieuse. Tenu pour “un homme divin”, plus rien n'arrête notre philosophe. Son enquête sur le genre « sophiste » se transforme sans complexe en « chasse à l'homme ». Voilà le programme !

De son problème avec les sophistes, Platon s'est fait une montagne. A la hauteur de son impuissance, cette montagne culmine avec la question du non-être et de l'être.
L'ensemble du dialogue n'est qu'un raisonnement circulaire qui accouche au passage d'une souris.

Mais de façon souterraine, au-delà de la quête sophistiquée d'un fondement, il a dû se passer autre chose. du moins on peut le penser ; peut-être l'éveil d'un motif personnel au-delà de la guerre des genres sophiste vs philosophe ?
« forcer à permettre que les choses se mêlent les unes aux autres. »
Ainsi le dialogue aurait dû perdre son amertume et gagner en couleurs. Or, c'est l'opposé de ce que j'ai lu.

Et c'est encore à première vue, le même genre de dialogue amer qui se produit aujourd'hui. Peut-être faudrait-il rappeler les préventions du philosophe ?
"Discourir, c'est entrelacer”, et pas simplement "nommer les choses".
En effet, on parle sans doute trop facilement de la démocratie en soi, ou du bien en soi.
Mais on remarquera aussitôt que cette idée du Bien en soi, est le motif implicite de Platon, dans sa guerre des genres.

Un disciple de Platon est devenu roi-philosophe, mais la foule se rebelle, inévitablement. Voici l'amorce d'un nouveau dialogue.

Que penser d'un gouvernement qui prend le public pour un jeune enfant, et décide tout malgré ses protestations, en lui faisant croire que c'est pour son « bien » ?
Est-ce qu'un gouvernement peut se prétendre « démocratique » par le seul fait que je ne serai pas condamné à boire la ciguë, pour avoir posé ces questions ?
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