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Critique de Arakasi


Dans une gigantesque forêt aux mille recoins sombres et hostiles, serpente un fleuve et sur ce fleuve voguent, solitaires, deux gabarres. A leurs bords, sont réunis les plus braves et les plus ingénieux guerriers du royaume de l'Héritage, un petit groupe d'hommes triés sur le volet pour réussir la plus dangereuse de toutes les missions : découvrir le trône du Roi Diseur, l'antique oracle dont les yeux clairvoyants sondent aussi bien l'avenir que le passé, et mettre fin grâce à ses réponses à la guerre civile qui ronge leur pays. Les méandres du fleuve sont nombreux et ses rives peuplées de populations étranges et de créatures monstrueuses et féroces, mais la petite troupe du Capitaine Kalendun Rana est prête à affronter tous les périls pour sauver leur patrie.

Mais voici que la monotonie du voyage est brusquement secouée ! A moitié noyé et les deux jambes brisées, un moribond est sauvé par l'équipage alors qu'il était sur le point de s'abîmer dans le fleuve. Qui est-il ? D'où vient-il ? Et quelles mésaventures l'ont entraîné dans cette triste situation ? Il s'appelle Manesh mais préfère être nommé sous l'appellation « le Bâtard » et – sournoiserie, frayeur ou épuisement ? – ne semble pas pressé de raconter comment il s'est retrouvé perdu dans ces bois pourtant désertés des humains. En revanche, il se fait un plaisir de conter son enfance au barde Fintan Calathynn qui l'a pris sous son aile et son récit est fort digne d'intérêt, oh oui ! Car Manesh est un « mi-solaire », un de ces bâtards que les très anciens géants solaires se plaisent à abandonner parfois en la compagnie des hommes. En sa qualité d'enfant des fées et dans sa quête de son véritable père, le Semeur de feu, Manesh a connu bien des aventures et a été pourchassé par de terribles créatures, telles que le Pâtre Noir et sa Harde. Manesh raconte donc et il raconte bien, mais pendant ce temps, les jours filent, les gabarres avancent et d'étranges bruits s'élèvent des bois environnants… le Capitaine Rana a-t-il raison de se méfier du volubile conteur ? Et celui-ci cacherait-il des choses à ses sauveurs ?

Cela faisait un bout de temps que le premier tome du « Sentier des Astres », « Manesh », encensé par d'aussi brillants auteurs que l'excellent Jean-Philippe Jaworski, me faisait de l'oeil mais, radine comme je suis, j'attendais de le trouver miraculeusement d'occas. Ma patience a été récompensée dans tous les sens du terme ! Ce premier roman est une perle ! Mentionnons déjà le très beau style de l'auteur : tout en poésie et en subtilité, il séduit dès les premières pages de la narration et parvient à sublimer des scènes aussi ordinaires que le halage d'une gabarre ou une marche à travers les bois. Mais, ordinaire, le récit ne l'est heureusement pas beaucoup. Assez peu prodigue en scènes d'action, il se déroule au même rythme que les eaux du fleuve, tantôt lent, tantôt rapide, un peu hypnotique. Peu complexe au premier abord, il gagne en profondeur au fur et à mesure que l'auteur tisse son intrigue, révélant ses secrets et ses mystères au compte-goutte mais avec une habilité digne d'un illusionniste. Les coups de théâtre ne sont pas nombreux mais ils sont efficacement amenés et parviennent agréablement à nous prendre par surprise.

L'univers, quant à lui, est riche et fort bien construit. Très inspiré par la mythologie et l'histoire celtiques, il fait inévitablement penser à la récente trilogie « Rois du Monde » de Jaworski, mais s'en distingue par assez d'aspects pour ne pas donner une impression de redondance. Il faut saluer un Bestiaire particulièrement fascinant, notamment quand il s'agit des géants lunaires, solaires ou ténébreux, anciens maîtres de la Terre avant que les hommes ne viennent la coloniser. L'auteur équilibre parfaitement réalisme et magie, politique et fantastique, donnant un parfum de vraisemblance à cette expédition menée aux frontières séparant le monde des humains et celui des dieux.

S'ajoutent à cela des dialogues puissants, des personnages charismatiques dotés de motivations complexes et de caractères bien campés, mes favoris étant le taciturne et lettré Capitaine Rana et le « Barbier » Perdouan, joyeux bougre à la répartie facile et aux manières de chien fou tout à fait sympathiques. Séduite par cette première immersion dans « le Sentier des Astres », j'attends avec curiosité le prochain tome et tromperai surement ma patience en me procurant le court one-shot écrit entretemps par l'auteur, « le Dévoreur » (quel nom prometteur !)

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