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Critique de Elalsalice


Merci à Babelio et aux éditions Ex Æquo de m'avoir fait gagner ce livre avec l'opération Masse critique.
C'était une grande première pour moi : je n'avais jamais lu de poésie contemporaine auparavant. Et c'est une bonne expérience, qui m'a donné envie de m'essayer moi-même à la poésie, tant cela semble facile sous la plume de cette auteure.

Première surprise : je m'attendais, au vu des convictions féministes de Claire Poirson, au vu de sa démarche de retournement des choses (ce n'est plus, comme on y est habitué, un homme qui écrit sur ses muses, mais une femme sur ses « muscs »), à une pratique poétique très libre, rompant avec les formes traditionnelles, cherchant la nouveauté à tout prix. Il n'en est rien : la forme est finalement assez conservatrice (ce n'est pas un jugement de valeur mais une constatation). L'alexandrin a visiblement la faveur de l'auteure, c'est le vers qu'elle choisit pour la plupart de ses poèmes, et elle a une utilisation de la ponctuation conforme à la tradition.

Pour autant, il y a une diversité indéniable dans ce recueil, et c'est ce qui m'a plu : si la plupart sont en alexandrins comme je viens de le dire, certains poèmes sont en prose, d'autres en octosyllabes. Au sein d'un même poème, on passe allègrement de rimes embrassées à des rimes suivies, de rimes suivies à des rimes alternées, etc. Il y a même un poème en italien !
Les tons aussi varient, pas uniquement les formes. Beaucoup de ces poèmes appartiennent au registre érotique (de façon très claire et ouverte, ou bien plus suggestive, plus dissimulée) ; d'autres sont des odes à l'amitié, à la beauté de la Nature, à la recherche et à la rencontre amoureuses. Sans parler de ceux qui jouent principalement la carte de la fantaisie et de l'humour.
Un poème, « La Nécropole lascive », est un bel exercice de style : c'est un sonnet dont chaque alexandrin se termine par le son « ol ».

Pour ce qui est du contenu même, des sentiments et sensations véhiculés, des images utilisées : pas beaucoup de surprise. La poétesse exploite de nombreux topoï, pour ne pas dire clichés, du langage amoureux/érotique et de la littérature amoureuse/érotique : l'orgasme est une petite mort, aimer un homme c'est vouloir rester dans ses bras, l'amour est une bataille/guerre, l'union des corps trouve son aboutissement dans la pénétration, le seul silence insupportable pour l'amoureuse c'est celui de son amoureux, la femme est déchirée entre un amoureux doux et un amant plus sauvage, etc. L'auteure avait certainement la volonté de revisiter, renouveller ces thèmes, en les traitant avec sa sensibilité particulière. Je ne suis pas sûre de pouvoir juger de la réussite du projet, à cause de mon manque de connaissance de la poésie amoureuse, notamment contemporaine.

Dans tous les cas, c'est plaisant à lire, d'autant plus que la poésie est admirablement servie par une belle sensibilité et une imagination fertile (« Vagabordélectitératif » est un poème en prose loufoque et assez mystérieux, extrêmement abondant en néologismes) et par un humour redoutable (ainsi, le poème « Précoce » ne comporte que deux mots, et il y a dans tout le recueil une extrême profusion de jeux de mots). Cet humour s'allie bien souvent avec la culture littéraire manifeste de l'auteur, qui multiplie les clients d'oeil et les références, dans ses titres et dans ses textes ; « À un passant » fait évidemment penser au poème presque homonyme de Baudelaire, la figure de Pénélope est reprise dans « Omnia vincit amor », le vers « La courbe de mes yeux fait le tour de tes fesses » est un pastiche hilarant du célèbre vers d'Éluard... Etc., etc., mais je ne voudrais pas épuiser tout l'intérêt du livre pour des personnes qui ne l'auraient pas encore lu.

De cette lecture rapide et aisée (aucun hyper-hermétisme, aucun pédantisme en vue), je garde en mémoire quelques bonnes trouvailles, quelques vers touchés par la grâce de la poésie. Et c'est ce que j'attendais de ce recueil, qui, s'il était sans doute perfectible, si certains vers tendent parfois vers la platitude, regrettablement, n'en est pas moins un bel hommage à la gent masculine, amis, confidents, amants, compagnons.
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