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Critique de Herve-Lionel


La Feuille Volante n° 1330

Minuit dans le jardin du manoir -Jean-Christophe Portes – Éditions du masque.


C'est vraiment pas de chance pour ce jeune homme pressé d'aller se coucher et qui avait traversé le parc du manoir normand de Caudebec comme on prend un raccourci. Il s'était trouvé nez à nez avec une tête coupée, fichée sur un pieu, les orbites et la bouche pleine de pièces d'or qui se révéleront plus tard être des florins du XV° siècle. Dans cette vieille bâtisse vivent Denis Florin, jeune et célibataire mais un peu renfermé sur lui-même, notaire de son état, bien plus passionné par la bataille de Marignan qu'il reconstitue en soldats de plomb que par son métier, et Colette, sa grand-mère, 85 ans, baronne, un peu folle et friande d'énigmes, donc imprévisible. Bien entendu, la séquence de la tête coupée vient troubler la quiétude des lieux et on se perd en conjectures entre crime rituel, secte satanique, terrorisme, d'autant que Colette a subitement disparu sans laisser de trace et que deux cadavres sont été retrouvés exécutés à l'arme blanche à proximité du manoir. Les réseaux sociaux ne tardent pas à être au courant, attirant une faune de curieux et de journalistes comme la jolie mais marginale Nadget Bakhtaoui et, bien entendu le séduisant lieutenant Trividec du SRPJ de Rouen assisté de Bénédicte. Cette enquête qui aurait pu rester confidentielle devient médiatique avec des compagnies de CRS autour du manoir, une visite ministérielle et des caméras de télévision. Pour la discrétion, c'était plutôt raté ! Tel est le point de départ d'une affaire où on ne tarde pas à apprendre que la grand-mère était immensément riche, que Denis est expert en maniement d'épées anciennes, ce qui le fait passer du statut de modeste notaire de province à celui de « tueur fou », ce qui est bien plus vendeur médiatiquement parlant mais constitue un véritablement bouleversement dans sa vie. Recherché par Trividec, il entame en compagnie de la jolie journaliste une cavale qui les conduit en Espagne, sur les hypothétiques traces de Colette. Il y apprend qu'il est recherché pour le meurtre d'un professeur d'histoire ancienne de l'université de Mexico qui serait l'homme à la tête coupée. On est en plein délire kafkaïen ! Nadget quant à elle ne recule devant rien pour un scoop et propose au policier qui accepte un reportage sur lui qui pourrait bien relancer sa carrière, tentant ainsi d'établir une sorte de complicité malsaine entre eux.

Il y a de nombreux analepses historiques évoquant Cortes au Mexique, la bataille de Marignan, des épisodes de la conquête de l'Amérique par les Espagnols et les exactions qui y ont été perpétrées sans oublier l' intervention d'un mystérieux argentin qui n'est pas argentin, exécution d'un énigmatique Serbe tueur de la mafia...
Le mystère s'épaissit autour de cette disparition de Colette qui pourrait bien être un enlèvement, mais sans demande de rançon toutefois, une course poursuite en Espagne trahie par les téléphones portables et autres cartes bancaires, un hypothétique trésor enfoui dans le manoir de Caudebec, une victime qui serait l'héritier direct d'un roi Aztèque mort au XVI° siècle à la suite des sévices infligés par Cortès, un capitaine corsaire malchanceux, un homme d'affaires violent, déterminé mais aussi un véritable truand, un code secret à tiroirs laissé par un explorateur allemand, un notaire pas si falot que ça, une grand-mère pas si folle et qui cache bien son jeu, une légende autour de sa fortune et des aventures haletantes et un peu abracadabrantesques et compliquées aux rebondissements de dernière minute qui remettent tout en question, des secrets d'État, pas mal de fantasmes et de mystifications, la fièvre de l'or qui s'empare des hommes, des ascendances lointaines et des ancêtres qu'on veut venger et bien entendu pas mal de morts…

L'écriture est fluide, le suspense savamment entretenu jusqu'à la fin, avec, de temps à autres, des traits d'humour. L'auteur n'a pas oublié sa passion pour la recherche historique qu'il s'est appropriée et qu'il a intégrée à son travail de création. C'est aussi comme cela que j'aime les romans policiers.

Jean-Christophe Portes, journaliste et réalisateur, s'est déjà signalé à l'attention des lecteurs et de cette chronique par un remarquable travail de romancier-historien pour sa série « Les enquêtes de Victor Dauterive », qui se déroule sous le Révolution et compte à ce jour quatre épisodes [« L'espion des Tuileries », « La disparue de Saint-Maur », « L'affaire de l'homme à l'escarpin », « L'affaire des corps sans tête »]. Il est également le co-auteur , avec le docteur Colette Brull-Ulman, d'un livre, «Les enfants du dernier salut », évoquant un réseau de sauvetage d'enfants juifs à partir de l'hôpital Rothschild pendant la Seconde guerre mondiale. Cet ouvrage a reçu le prix « Plume libre » en 2019.

Ici il choisit le registre du thriller contemporain, élargissant ainsi son panel d'écriture. J'ai beaucoup apprécié.


©Hervé GAUTIER – Février 2019. http://hervegautier.e-monsite.com




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