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Critique de Fandol


Fandol
15 décembre 2018
Elles sont dix, dix femmes devant une assiette, la faim au ventre mais surtout la peur nouant leurs entrailles et on leur ordonne de manger ! Elles ont été recrutées de force pour goûter les plats qui vont être servis à Hitler, à Gross-Partsch, en Prusse orientale. C'est près de ce village que se trouve Wolfsschanze, la Tanière du Loup, où le Fürher a passé plus de huit cents jours. Après une heure d'attente pour voir si aucun poison ne fait effet, celui qui met l'Europe et le monde à feu à sang, peut manger tranquille…
Rosella Postorino commence ainsi un roman découvert grâce à Babelio, un livre étonnant, prenant, passionnant, intrigant, bouleversant. Elle s'est appuyée sur le témoignage très tardif, à 95 ans, de Margot Wölk, la dernière goûteuse d'Hitler en vie. C'est elle qui lui a inspiré son personnage principal : Rosa Sauer.
Celle-ci a 26 ans, son mari, Gregor, est sur le front russe et elle a quitté Berlin sous les bombes pour se réfugier chez ses beaux-parents : « Je préférais mourir dans un endroit étrange, plutôt que dans ma ville, où je ne n'avais plus personne. »
En alternance avec les scènes de dégustation obligatoire sous la surveillance sévère des SS, Rosella Postorino m'a plongé dans la vie quotidienne du peuple allemand sous le IIIe Reich, à Berlin puis dans ce village où Rosa croyait trouver paix et sécurité. Tout au contraire, voilà « la Berlinoise », comme on l'appelle, prise dans un engrenage mêlant attirance physique, crainte et peur du pire à chaque instant.
Payée pour manger, La goûteuse d'Hitler doit s'y habituer. J'ai aussi fait connaissance avec les autres femmes qui se retrouvent régulièrement dans ce réfectoire. Des affinités se créent mais il y a la jalousie, l'hostilité et des révélations qui m'ont maintenu en haleine.
La relation de Rosa avec le lieutenant Ziegler crée un climat morbide et anxiogène. Elle est aussi attirée, intriguée par Elfriede, femme secrète et dure à qui elle voudrait se confier mais elle doit reconnaître : « Je pensai à nouveau que nous n'avions pas le droit, nous, de parler d'amour. Nous vivions une époque infirme, qui bousculait les certitudes, démembrait les familles, mutilait tout instinct de survie. »
On revient sur les années d'avant-guerre, Dachau ouvert en 1933, les Einsatzgruppen et la Shoah par balles, pour arriver aux journées caniculaires de juillet 1944 et cet attentat fomenté par Stauffenberg contre Hitler. Hélas, il n'atteint pas son but. Hitler est vivant et Rosella confie : « Je pensai à mon père, quand il disait que le nazisme avait dissous la lutte des classes dans la guerre des races. »
Dans cette façon très originale d'aborder l'histoire, Rosella Postorino est allée au fond de l'intime, dans la vie quotidienne des gens au plus près du monstre et de tous ceux qui l'ont aidé, soutenu, montrant un peuple abusé et tant de vies souillées, brisées, sacrifiées… Pourquoi ?
Au cours de ma lecture, j'ai été sensible à la tendresse et à l'émotion bien traduites par l'auteure. J'ai beaucoup aimé sa façon d'écrire sans rien occulter de la vie, mettant en avant tous les sentiments, des plus forts aux plus contradictoires.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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