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Critique de Casya


MANGER… Pour certains : une nécessité vitale, un manque parfois cruel et féroce. Pour d'autres : une habitude, un plaisir, une gourmandise journalière et ordinaire.

Pour Rosa, manger est une contrainte. Un rendez-vous quotidien avec la peur. Un piège potentiellement mortel instauré sous le joug de la terreur et de la dictature.

C'est avec 10 autres femmes qu'elle sera réquisitionnée en 1943 par les services d'Hitler pour goûter les plats avant que ces derniers ne soient servis au Führer. Ce afin d'éviter tous risques d'empoisonnements potentiels. de la chair à canon, version grand luxe…

Ce qui m'a notamment marquée durant ma lecture, ce sont ces jeux de lumière et de contrastes saisissants et ô combien sinistres :

- L'abondance (le gaspillage souvent) de nourriture présentée aux goûteuses alors que dans un ailleurs plus ou moins proche et dans une temporalité strictement identique, tant de personnes mourraient littéralement de faim.
- C'est avec la peur au ventre et l'angoisse de mourir empoisonnées que les goûteuses étaient contraintes de manger des mets qualitatifs, tous plus gourmands et appétissants les uns que les autres.
- Dans les cuisines, pas question de pénurie. Ce qui « dehors » représentait une denrée exceptionnellement rare et précieuse, (fromage, beurre, lait, fruits, miel, …), se trouvait ici dans un premier temps au moins en quantité abondante.

Passons aux choses sérieuses… Voici la retranscription d'une note que Rosella Postorino écrit à la fin de son ouvrage : « En septembre 2014, j'ai lu dans un journal italien un entrefilet sur Margot Wölk […]. J'eu immédiatement envie de faire des recherches sur elle et son histoire. […] j'appris qu'elle venait de mourir. Je ne pourrais jamais lui parler, ni raconter ce qu'elle a vécu. Mais je pourrais tenter de découvrir pourquoi elle m'avait tant frappée ».

Voilà qui ne sonne pas à proprement parler comme un hommage. Mais tout du moins comme un intérêt non dissimulé pour la vie de cette dame.

Bon, voilà où le bât blesse à mon sens : lorsque qu'un auteur cite une personne ayant réellement existé et qu'il prétend s'inspirer de sa vie pour écrire son histoire, il a une responsabilité morale vis-à-vis de cette personne.

Or, voilà que Rosella Postorino fait vivre à Rosa (inspirée donc de Mme Wölk) une liaison sordide avec un lieutenant SS. En lisant les commentaires des lecteurs, je constate que certains ont y font référence en parlant d'une histoire d'amour. Personnellement, la dernière page tournée, je suis encore à la recherche d'une ébauche de sentiment amoureux. Serai-je passée à côté de quelque chose ?

Car notre lieutenant n'est pas ce que je qualifierai un homme au coeur tendre : cynique, tyrannique, misogyne, arrogant, violent et stratège, prêt à tout ou presque pour obtenir l'objet de ses désirs.

Rosa le contrarie (page 305) et la suite se passe de commentaires : « Je me retrouvai avec le canon de son pistolet appuyé contre mon front, Ziegler ne tremblait pas. « Tu vas faire ce que je te dis » […] Et soudain, Ziegler détourna son pistolet […]. Puis il me serra fort dans ses bras […]. « Pardonne-moi, je t'en prie, dit-il. Mais c'est toi qui m'y a obligé », se justifia-t-il. Et il répéta aussitôt : « Pardon ».

Tiens ? Si ce n'est pas la définition même du pervers narcissique, ça y ressemble fortement !

Je salue la pirouette littéraire (mouais…) qui apporte une note sulfureuse au récit mais cela est je trouve plus que limite du point de vue moral.

Car oui, le problème est réellement d'ordre éthique à mon (très très) modeste avis.

Deux solutions : 1. Soit l'auteure tisse un récit narratif en s'inspirant de cette réalité historique (les gouteuses d'Hitler). Elle est alors totalement libre de faire vivre absolument tout ce qu'elle souhaite à son personnage fictif. Elle peut se l'approprier et faire appel à son imagination et à sa créativité pour rendre son perso captivant.

SOIT 2. Elle s'inspire en effet de la vie d'une personne ayant réellement existé et ayant été goûteuse d'Hitler. Elle la nomme et l'identifie. Mais dans ce cas, par respect, déontologie et par souci éthique, elle se doit de rester autant que possible fidèle à la personne de référence (vie, pensées, personnalité, …).

Prétendre que l'on s'inspire d'une personne ayant existée (et que l'on prend la peine de nommer sans aucune ambiguïté) pour ensuite travestir sa vie à sa guise, je trouve ça terriblement tordu et tendancieux.

Car n'oublions pas que Madame Wölk n'a pas eu voix au chapitre puisqu'elle était déjà décédée à la parution du livre. Les deux femmes ne se sont donc jamais rencontrées et n'ont jamais échangé ensemble.

De plus, une simple petite recherche sur Internet suffit pour apprendre que Margot Wölk aurait été victime d'un viol commis par un militaire russe. Dans le récit de Rosella Postorino, il y est bien question d'un viol mais la victime est, ici, l'une des collègues de Rosa. J'avoue être séchée par cette liberté narrative…

Quand au versant historique de l'histoire : quasi inexistant. La thématique des goûteuses est sous exploitée, tout juste survolée. Quel dommage !

Je sors de cette lecture complètement KO, déroutée, abasourdie. Presque lasse. le coeur et l'esprit lourds. Et le sujet extrêmement grave et sérieux du roman n'a rien à voir avec ce sentiment. Je ne me souviens sincèrement pas la dernière fois où j'ai autant lutté pour terminer un livre.

Bien évidemment, ceci n'est que mon très humble ressenti. Je vous invite à découvrir le roman pour vous approprier cette histoire et vous faire votre propre avis sur la question.

Quoi qu'il en soit, un grand merci à tous les curieux qui ont pris le temps de lire ma trèèèès longue critique ;) !!!

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