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Critique de ODP31


ODP31
11 décembre 2023
Tsar Académie.
Pour être roi, personne n'a encore trouvé mieux que le piston pour traverser les époques. Que des fils à papa et le droit du sang bleu. Pour être tsar en Russie, on trouve aussi le droit du sang, mais de préférence, celui des autres.
Pouchkine, pendant un exil peu glorieux de 6 ans, passa son ennui dans l'écriture de ses oeuvres majeures. Son ambition, avec Boris Godounov, c'était d'enfiler une chapka sur une tragédie historique Shakespearienne. Il faut dire que côté régicides, usurpations, empoisonnements, trahisons et assassinats, l'histoire de la Russie et de feu son empire en feu, ne manquent pas de références et de têtes d'affiche.
Boris Godounov succéda au 16ème siècle, à Fiodor le pas génial, fils ainé d'Ivan le terrible. Boris le comploteur n'était que le beau-frère, mais le trépas naturel fort opportun… par égorgement du second fils d'Ivan, Dimitri le refroidi, lui dégage une voie royale par un chemin de traverse. le grand chambellan se fait un peu prier pour accepter le poste et espère acquérir une légitimité populaire. Les tyrans sont de grands timides au fond.
Grégori Otrepiev, un jeune ambitieux, après un bref passage chez les moines, décide de se faire passer pour Dimitri, le petit Tsarevitch que tout le monde croit mort depuis dix ans. Non, mais où va le monde messieurs dames, si un usurpateur ne peut plus se prévaloir de ses propres turpitudes ? C'est l'arroseur arrosé, le comploteur compoté, le dictateur renversé, l'écrivain plagié et le plagiste en janvier.
Plus que la question de l'illégitimité du pouvoir, ce qui m'a passionné dans cette pièce de théâtre c'est le rôle, à minima fataliste, au pire complice, du peuple russe qui se range toujours sagement du côté du camp le plus fort, dupe de rien mais revenu de tout. Les boyards, qui ne sont pas les habitants costumés du Fort, mais les nobles russes de l'époque, courbent également l'échine et retournent leur caftan (Polaires de l'époque) en fonction du sens du vent et de l'histoire.
J'ai trouvé la construction de la pièce trop hachée. Des personnages passionnants ne font que de courtes apparitions et le tsar Boris ne me semble pas assez incarné. Certains Romanov, Lénine, Staline ou Poutine pourraient tenir le rôle sans avoir à trop répéter tant le texte est une allégorie sur le pouvoir en Russie mais je trouve que la pièce ne s'attarde pas assez sur cette docilité populaire.
Autant je suis un inconditionnel d'Eugène Onéguine, ce roman en vers des occasions manquées, autant je pense que Boris Godounov doit une partie de sa gloire à l'opéra de Moussorgski (1869-1872) dont il existe autant de versions que de marques de vodka en raison de la censure.
J'ai d'ailleurs lu cette pièce car je voulais assister à une représentation de cet Opéra sans comprendre le Russe mais comme pour les restaurants étoilés (où il convient désormais de réserver un an avant d'avoir faim), il va bientôt falloir réserver une place de spectacle du vivant des compositeurs pour avoir une chance de ne pas finir sur un strapontin dans le Paradis, cet enfer des myopes qui ont le vertige. le client n'est pas tsar. Les places sont chères et chères. Tant pis pour moi et je ne peux même pas incriminer le temps de lecture de la pièce qui n'a pas plus duré qu'un long entracte.
Pour la petite histoire de la grande histoire, il semble acquis pour les historiens sobres que Boris Godounov n'a pas tué le jeune Dimitri mais bon, je n'allais pas provoquer en duel Pouchkine pour ce petit détournement de la vérité. Son beau-frère s'en chargea en 1837 pour un motif moins noble : Georges d'Anthès draguouillait un peu trop Madame Pouchkine. Une fin de poète.
Rideau.
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