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Tsar Académie.
Pour être roi, personne n'a encore trouvé mieux que le piston pour traverser les époques. Que des fils à papa et le droit du sang bleu. Pour être tsar en Russie, on trouve aussi le droit du sang, mais de préférence, celui des autres.
Pouchkine, pendant un exil peu glorieux de 6 ans, passa son ennui dans l'écriture de ses oeuvres majeures. Son ambition, avec Boris Godounov, c'était d'enfiler une chapka sur une tragédie historique Shakespearienne. Il faut dire que côté régicides, usurpations, empoisonnements, trahisons et assassinats, l'histoire de la Russie et de feu son empire en feu, ne manquent pas de références et de têtes d'affiche.
Boris Godounov succéda au 16ème siècle, à Fiodor le pas génial, fils ainé d'Ivan le terrible. Boris le comploteur n'était que le beau-frère, mais le trépas naturel fort opportun… par égorgement du second fils d'Ivan, Dimitri le refroidi, lui dégage une voie royale par un chemin de traverse. le grand chambellan se fait un peu prier pour accepter le poste et espère acquérir une légitimité populaire. Les tyrans sont de grands timides au fond.
Grégori Otrepiev, un jeune ambitieux, après un bref passage chez les moines, décide de se faire passer pour Dimitri, le petit Tsarevitch que tout le monde croit mort depuis dix ans. Non, mais où va le monde messieurs dames, si un usurpateur ne peut plus se prévaloir de ses propres turpitudes ? C'est l'arroseur arrosé, le comploteur compoté, le dictateur renversé, l'écrivain plagié et le plagiste en janvier.
Plus que la question de l'illégitimité du pouvoir, ce qui m'a passionné dans cette pièce de théâtre c'est le rôle, à minima fataliste, au pire complice, du peuple russe qui se range toujours sagement du côté du camp le plus fort, dupe de rien mais revenu de tout. Les boyards, qui ne sont pas les habitants costumés du Fort, mais les nobles russes de l'époque, courbent également l'échine et retournent leur caftan (Polaires de l'époque) en fonction du sens du vent et de l'histoire.
J'ai trouvé la construction de la pièce trop hachée. Des personnages passionnants ne font que de courtes apparitions et le tsar Boris ne me semble pas assez incarné. Certains Romanov, Lénine, Staline ou Poutine pourraient tenir le rôle sans avoir à trop répéter tant le texte est une allégorie sur le pouvoir en Russie mais je trouve que la pièce ne s'attarde pas assez sur cette docilité populaire.
Autant je suis un inconditionnel d'Eugène Onéguine, ce roman en vers des occasions manquées, autant je pense que Boris Godounov doit une partie de sa gloire à l'opéra de Moussorgski (1869-1872) dont il existe autant de versions que de marques de vodka en raison de la censure.
J'ai d'ailleurs lu cette pièce car je voulais assister à une représentation de cet Opéra sans comprendre le Russe mais comme pour les restaurants étoilés (où il convient désormais de réserver un an avant d'avoir faim), il va bientôt falloir réserver une place de spectacle du vivant des compositeurs pour avoir une chance de ne pas finir sur un strapontin dans le Paradis, cet enfer des myopes qui ont le vertige. le client n'est pas tsar. Les places sont chères et chères. Tant pis pour moi et je ne peux même pas incriminer le temps de lecture de la pièce qui n'a pas plus duré qu'un long entracte.
Pour la petite histoire de la grande histoire, il semble acquis pour les historiens sobres que Boris Godounov n'a pas tué le jeune Dimitri mais bon, je n'allais pas provoquer en duel Pouchkine pour ce petit détournement de la vérité. Son beau-frère s'en chargea en 1837 pour un motif moins noble : Georges d'Anthès draguouillait un peu trop Madame Pouchkine. Une fin de poète.
Rideau.
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Ce volume regroupe tout le théâtre d'Alexandre Pouchkine, à savoir essentiellement sa tragédie historique intitulée Boris Godounov ainsi que plusieurs très courtes pièces ou fragments, parfois même seulement une scène.

Je considère Pouchkine comme un très grand écrivain mais assurément pas comme un grand dramaturge. J'aime son verbe, j'aime sa verve, j'aime son élégance, tout ceci convenant très bien pour la poésie. C'est ce Pouchkine-là que j'aime ; mais pour ce qui est du rythme, du scénario, des enchainements je suis beaucoup plus dubitative.

Je vais garder le gros-oeuvre, Boris Godounov, pour la fin et vous parler en premier lieu d'Une Scène de Faust, qui, comme son nom l'indique est une scène de Faust. Trois pages à peine, où l'auteur fait parler Faust et Méphistophélès du fait que rien dans la vie ne peut soutenir notre intérêt bien longtemps et que si l'on est en attente, alors on est forcément déçu.

Vient ensuite le Chevalier Avare, suite de trois scènes s'inscrivant dans la pièce homonyme de l'Anglais William Shenstone. L'on y voit un fils, au temps des chevaliers, incapable de tenir son rang car son père lui restreint tellement les vivres qu'il est dans un dénuement total. Pouchkine insiste sur le fait qu'un tel comportement borné vis-à-vis de l'argent de peut conduire qu'à détériorer les relations entre père et fils, voire, faire germer des idées malsaines dans la tête de ce dernier. La morale semble en être que la passion exagérée pour l'argent, loin d'apporter la richesse conduit à la ruine (morale ou matérielle).

Après vient une très courte pièces en deux scènes intitulée Mozart Et Salieri. J'y vois les bases du scénario du film de Miloš Forman, Amadeus. On y voit un Salieri à la fois admiratif et envieux à l'extrême à l'endroit d'un Mozart totalement insouciant et au génie facile.

Dans l'ordre du livre, on tombe ensuite sur le Convive de Pierre, réécriture partielle de Don Juan, on pourrait de même que précédemment intituler cette courte pièce : scènes de Don Juan. Cet épisode offre une version très différente de l'original de Tirso de Molina.

Dans la première version espagnole, si Don Juan est bien l'assassin du vieux commandeur, c'est pour avoir voulu ternir l'honneur de sa fille que le vieillard avait pris l'épée. L'amour entre la fille et le commandeur était donc d'ordre filial et la différence d'âge, entre les deux belligérants, importante.

Ici, rien de tout cela puisque le commandeur devait avoir sensiblement le même âge que Don Juan et s'il a perdu la vie, c'est en défendant l'honneur de sa femme.

La nuance est d'importance. Ce qui était une dénonciation de l'abaissement moral de l'aristocratie chez Tirso de Molina, devient du pur romantisme chez Pouchkine. Car il aime son Don Juan au point de rendre la veuve du commandeur, enfoncée dans un deuil sans fin, non insensible aux galanteries de l'assassin de son mari. Vous m'avouerez que la morale y perd un peu au change.

Et, malgré la brièveté de la pièce, l'auteur trouve le moyen de rendre plus ambiguë encore la position de Doña Anna, en lui prêtant des sentiments très mesurés à l'égard du défunt commandeur. Nous sommes donc en plein dans le drame romantique et Don Juan, loin d'être le suppôt du démon pervertissant ces dames, est en quelque sorte l'expression du rejet de la gent féminine pour les mariages imposés et dénués d'amour...

Toujours selon l'ordre du livre, on trouve après un fragment intitulé le Festin Pendant La Sieste, qui reprend un passage de la tragédie de l'écrivain écossais John Wilson, The City Of The Plague. On y voit les habitants d'un village décimé par la peste au Moyen-Âge se livrer à une manière de grand repas festif, essentiellement destiné à oublier et conjurer l'ignominie qu'ils viennent de vivre. Cependant, un prêtre souligne l'indécence de cette pratique, si près tant dans le temps que dans l'espace de tous les morts qu'ils pleurent.

Vient ensuite La Roussalka, pièce inachevée qui fait référence à une mythologie slave ayant inspiré plusieurs auteurs au cours du XIXème siècle. le plus vibrant avatar en est très certainement le superbe opéra d'Antonín Dvořák (je conseille à quiconque le fameux air de la Chanson de la Lune que Renée Fleming sait si bien restituer).

Les roussalkas sont des sortes d'équivalents de sirènes, au sens homérique du terme, mais officiant dans les fleuves ou les rivières. Elles sont supposées être les réminiscences de jeunes femmes trépassées dans les eaux. Elles ont la réputation d'attirer vers la noyade tous ceux qui s'abandonneraient à leur prêter attention.

Toujours aussi romantique, Pouchkine nous narre l'amour candide d'une fille de meunier pour un beau prince de l'aristocratie. ELLE, veut croire en l'amour, tandis que LUI, ne la considère, vous vous doutez bien, que comme une passade, qui doit prendre fin dès lors qu'il se mariera avec une femme de son rang.

Voilà quelques jours qu'ils ne se sont vus ; ELLE, a cette émouvante nouvelle à lui apprendre sur ce qui gît en son ventre, et LUI cherche ses phrases pour lui annoncer qu'il va la quitter à jamais. La rencontre est glaciale et d'ailleurs de courte durée. le beau prince s'en va, comme il était arrivé, sur son beau cheval, dont on entend le pas s'éloigner.

ELLE, tellement folle de chagrin et se jette dans le Dniepr et... je vous laisse découvrir la suite...

Enfin, dernière des petites pièces de l'ouvrage, Scènes Au Temps Des Chevaliers reprend un peu l'esprit du Chevalier Avare. On y suit Frantz, fils d'un riche Bourgeois nommé Martin, mais qui ne rêve que d'une chose : devenir chevalier et atteindre à la noblesse.

Son père menace de le déshériter s'il n'abandonne pas ses chimère et s'il s'évertue à poursuivre sa vie dispendieuse. Mais l'or est la dernière motivation de Frantz, seuls comptent pour lui les attraits d'une belle de noble sang et le pouvoir de l'épée. Est-ce s'exposer à d'amères désillusions ?...

Toutes ces petites pièces font, je l'avoue, pâle figure et ce même au XIXème siècle. C'est pourquoi j'ai gardé le meilleur pour la fin, à savoir, Boris Godounov. Alexandre Pouchkine avait probablement l'ambition avec cette tragédie historique relatant un moment clé de l'histoire russe de se positionner en pendant slave de William Shakespeare. Mais selon moi, il s'en faut tout de même de beaucoup pour faire de ce Boris Godounov une tragédie shakespearienne. Si les ingrédients et la recette sont les mêmes, le cuisinier est différent.

Certes, Pouchkine, avec le talent qu'on lui connaît sait manier sa plume avec agilité, passant d'un registre à l'autre, du tragique au comique, sans altérer jamais l'équilibre de l'ensemble, qui se veut plutôt tragique.

Tout comme son illustre prédécesseur britannique, l'auteur a su choisir un moment crucial et ténébreux de l'histoire russe, à savoir la période incroyablement troublée qui sépare la fin de la dynastie des Riourikides (avec Fédor Ier, fils d'Ivan le Terrible) du début de celle des Romanov (Michel Ier), soit 15 années, grosso-modo situées pendant le règne d'Henri IV en France et, comme par un fait exprès, durant la période fertile de Shakespeare en Grande-Bretagne.

Pendant ces quinze années, vont se succéder au Kremlin pas moins de cinq tsars, issus de quatre lignées différentes, plus une sixième si l'on considère l'exercice du pouvoir de la soeur de Boris Godounov avant l'intronisation de celui-ci.

Boris Godounov étant celui qui exerça le plus longuement le pouvoir durant cette période, celui dont les motifs étaient troubles, celui dont la mort est la plus mystérieuse, celui dont le successeur est le plus rocambolesque, celui, donc, auquel il était opportun de dédier une tragédie historique, ce que Pouchkine, le premier des grands écrivains russes, fit.

Godounov, homme de main et beau-frère du précédent tsar Fédor Ier, complote de faire trucider proprement le tsarévitch Dimitri, fils de Fédor et héritier légitime du trône. À la mort de Fédor, faute d'héritier et en sa qualité de grand chambellan, de beau-frère et commandant de la garde du palais du tsar, il se voit élire et prier de bien vouloir prendre le pouvoir. Feignant le désintéressement et redoutant que sa manoeuvre d'usurpation du pouvoir par l'assassinat du tsarévitch n'apparaisse trop grossière, notre brave Boris refuse une première fois le pouvoir.

Se faisant prier longuement et souhaitant une légitimité populaire, il finit, après plusieurs exhortations, par accepter de devenir tsar de Russie. Cependant, l'assassinat du tsarévitch, cet enfant de huit ans, continue de hanter les nuits de Boris Godounov.

Et la mauvaise conscience ne serait encore rien s'il n'était un certain Grégoire Otrepiev, jeune homme né la même année que le tsarévitch assassiné, issu d'une famille au service des Romanov (tiens, ce nom me dit quelque chose). Lors de la prise de pouvoir de Boris Godounov, celui-ci fait persécuter les " grands " du royaume, ceux qui pourraient vouloir lui contester son élection. C'est à cette occasion que le jeune Otrepiev prend la fuite et se réfugie dans un monastère où, muni d'un froc réglementaire, tout le monde le prend pour un jeune moine.

Instruit de l'assassinat du tsarévitch Dimitri dans des conditions nébuleuses et fort de son année de naissance, Grégoire Otrepiev a l'idée géniale de se faire passer pour Dimitri, l'héritier légitime du trône que tout le monde croit mort depuis des lustres. Qui pourrait croire une chose pareille ? Quelles pourraient être les conséquences ? C'est que je vous laisse le loisir de découvrir...

Cette pièce a eu le mérite de m'inciter à aller creuser un peu l'histoire ancienne de la Russie qui m'était presque totalement inconnue. Je ne peux pas dire que j'aie vécu un quelconque déplaisir à la lecture, mais, et c'est plus grave, je ne peux pas non plus prétendre le contraire. Il m'a manqué une alchimie, une poudre subtile qui rend le drame profond et l'écriture magique, comme Shakespeare sait parfois les peindre.

Voilà pourquoi mon impression reste mitigée, mon enthousiasme mesuré et mes recommandations tièdes pour cette pièce aux multiples décors, peut-être un peu trop à mon goût, engendrant de nombreuses discontinuités qui me semblent nuire à la tension dramatique qu'une telle tragédie historique serait censée créer. Aux dires de ceux qui l'on vue (ce qui n'est pas mon cas), la version opéra de cette pièce avec Modeste Moussorgski à la musique est vraiment très bien. Peut-être aurais-je donc tendance à vous orienter, en première approche, vers cette version avant de découvrir l'oeuvre de Pouchkine.

Donc, en conclusion, un Pouchkine dramaturge beaucoup moins à l'aise et plaisant que le Pouchkine poète, mais ceci n'est bien sûr que mon avis, semé là, par un coup de vent, dans le sillon inexorable de l'histoire, par nature peu soucieuse des critiques, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Mon ami de Babelio Philippe, passionné d'opéra, m'a récemment fait cadeau d'un enregistrement du Boris Godounov de Moussorgski. C'est ainsi que pour mieux comprendre l'oeuvre, j'ai fait des recherches sur l'histoire de la Russie à cette période et pour la première fois de ma vie ouvert un livre de Pouchkine. A ma grande honte, je peux même vous avouer que c‘est la première fois tout court que je me lance dans la littérature russe. Et donc au moment de vous donner mon avis, l'exercice s'avère bien périlleux car sans aucun point de référence. le ressenti est bien mitigé, à certains moments cette pièce m'a franchement ennuyée au point où je ne me souvenais même plus de ce que j'avais lu trois pages avant. Heureusement la présentation de l'oeuvre et les très nombreuses notes de Wladimir Troubetzkoy aident grandement à la compréhension de la pièce et du contexte. En toute honnêteté, je n'ai pas poursuivi avec les six autres pièces que comporte cette édition. Par contre, dans un registre différent, j'apprécie beaucoup la version opéra de cette pièce.
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Pouchkine nous partage ici des moments sombres du règne de Boris Godounov. Il y a une guerre qui se livre entre Dmitri et lui alors qu'ils sont tous les deux imposteurs pour prétendre au trône du tzar. Mais les évènements vont se dérouler de façon inattendue qu'on ne sait pas sur quel pied les choses marchent. Bien que Boris soit le Tsar, et qu'il ait employé des moyens les plus sadiques pour hériter du trône, alors qu'il n'est que le beau frère du feu tsar, mais cela lui enlève la paix, il ne goutte pas au plaisir de ce pouvoir qu'il avait tant convoité...et Dmitri, le véritable héritier, il est certain de l'avoir expédié dans l'autre monde, sans résistance, étant encore qu'un enfant...mais d'ou vient qu'il se soir ressuscité 20 ans après...

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Boris Godounoff fut un tsar élu de la fin du 16e siècle, succédant à son beau frère Fédor, fils aîné d'Ivan le Terrible. Il fut accusé du meurtre du fils de Dmitri, second fils d'Ivan. Ce sont les conséquences de cette mort qui sont mis en scène ici. Connue comme le Temps des troubles, cette période voit le soulèvement du peuple, encouragé par les boyards.
Un jeune moine se fait passer pour Dmitri qui aurait survécu à son assassinat. Il est soutenu par les Polonais, lorsqu'il arrive à Moscou, Boris meurt subitement. La pièce s'arrête là.

Certains actes sont très courts et de rapides dialogues tandis que d'autres contiennent plutôt des monologues. Cette oeuvre est intéressante mais pas passionnante, peut être parce que les faits présentés n'évoquent rien pour moi.

À noter que l'auteur met en scène un de ses ancêtres.

Peu de temps plus tard commencera la dynastie des Romanov sur laquelle la chaîne Histoire a diffusé un documentaire en trois parties pour l'anniversaire de la Révolution de 1917.


Challenge XIXe siècle 2017
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XVIème siècle. Dans une Russie encore médiévale, le tsar Ivan le Terrible est mort et son dernier fils survivant, le petit Dimitri, vient d'être assassiné. le conseil des boyards décide de proclamer tsar Boris Godounov, ancien conseiller et régent. Mais quelques années après, des rumeurs commencent à circuler. C'est sur l'ordre de Boris que le tsarévitch aurait été assassiné...

Elle parvient aux oreilles d'un jeune moine, qui s'ennuie dans son monastère. Il en conçoit une idée. Quelque temps plus tard, une fabuleuse rumeur commence à circuler : Dimitri ne serait pas mort ; il aurait survécu miraculeusement et préparerait son retour...

Pouchkine s'inspire d'un événement réel de l'histoire russe. Conformément à la vision de l'époque (aujourd'hui remise en cause) il accepte totalement la thèse de la culpabilité de Boris, qui dans sa pièce est décrit comme un assassin rongé par le remord, terrifié par le miraculeux retour de celui qu'il croyait avoir fait tuer pour prendre son trône. Et à contrario il le présente comme un père aimant, plein de tendresse pour son fils et sa fille adolescents.

De sa plume sublime, il peint également un peuple russe haut en couleur et plein de gouaille, où se côtoient paysans et moines ivrognes, mais aisément manipulable, se laissant berner par un usurpateur.

Modest Mussorgsky, le Dostoïevski de la musique classique, posa dessus un opéra somptueux qui eut les honneurs des plus grands chanteurs russes.

Nastasia-B a fait une critique plus détaillée et excellente de cette pièce, ainsi que des autres oeuvres théâtrales de Pouchkine. Mais l'édition dont je souhaitais parler est celle illustrée par l'artiste russe Boris Vasilyevich Zworykine.

Réfugié en France après la révolution communiste, il fut l'un des fondateurs d'un mouvement culturel pour la renaissance de l'art russe. Il devint célèbre pour ses illustrations de compte populaires, notamment L'oiseau de feu, puis sombra dans l'oubli total avant d'être redécouvert dans les années 80.

Ses magnifiques dessins au style détaillé et flamboyant aident à mieux rentrer dans cette pièce, et cette époque de la Russie qui nous est bien souvent inconnue. Les boyards en caftan devant la cathédrale, les rues animées de la ville en bois qu'était Moscou, les costumes populaires... A défaut de représentations (rares), ils permettent de mieux visualiser le récit.

Pour ceux qui aimeraient découvrir l'opéra, on en trouve des versions tout à fait correctes sur Youtube, notamment une dirigée par le grand chef d'orchestre Claudio Abbado.
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Adieu unité de temps, de lieu et d'espace chères à nos tragédies classiques.

Pouchkine n'en a cure, cela rend toute action invraisemblable, et pour sa pièce, il ne le veut pas.

Pourtant le sujet semblerait tiré par les cheveux s'il n'était pas historique.

L'histoire d'un tsar, Boris Godounov, dépossédé de son trône par un usurpateur. Un moine défroqué prétendant être le prétendant légitime au trône, Dmitri. Pourtant, celui-ci aurait été assassiné à l'âge de 7 ans, certains murmurant même que le tsar serait à l'initiative de cette tragédie.

Courte pièce revenant sur cette événement qui allait ouvrir la période dite du temps des troubles qui, pendant une quinzaine d'années, verra en Russie succession de tsars éphémères.

Ici, le talent de Pouchkine est de donner une épaisseur, une humanité à ce tsar décrié. Boris Godounov est lucide sur le pouvoir, le poids de sa couronne.

L'usurpateur, se faisant appeler Dmitri, est un homme qui ne semble pas pousser par l'ambition mais paraît plutôt pris à son propre piège. La pire des douleurs lui sera infligée non par l'épée mais par l'amour.

Pourtant pas de déclarations de passion perpétuelle, l'objet de son amour, la belle Marina lui offrira une leçon d'ambition.

Pièce sur le pouvoir, sur l'importance du peuple qui peut adouber ou détrôner l'homme le plus puissant de la Russie, dans laquelle les actions se succèdent, Boris Godounov est d'une lecture très distrayante.

Pourtant, je n'ai pas ressenti le même coup de coeur qu'avec, ce qui reste pour moi le chef d'oeuvre de Pouchkine, Alexandre Onéguine.
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Ascension et désillusions se tissent dans cette pièce de théâtre, nouveauté d'un genre encore délaissé en son temps.

L'auteur fait montre de talent et de suspens ainsi sa force de conviction se traduit par ces lignes se faisant ouvrage.

A découvrir sans modération.
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Il est saisissant qu'au règne autoritaire d'Ivan IV le Terrible ait succédé justement une période de trouble telle que la Russie en connut au début du 17ème siècle. le personnage de Boris Godounov, qui fut tsar entre 1598 et 1605, apparaît dans ce drame national comme un personnage clé, car il qui mit fin brutalement à la lignée de Rurik (bien que Vassili Chouïski, qui succéda au faux Dmitri et régna pendant un an, en fit partie) et il échoua à imposer son pouvoir dans la durée. Pire encore pour lui, il fut victime du même mécontentement général dont il avait su profiter, et son rival et successeur usa tout comme lui d'armes déloyales pour accéder au trône. Boris Godounov est un jalon important dans l'histoire de la littérature russe. Écrite en 1825, l'oeuvre marque la naissance d'un théâtre proprement russe qui puise ses modèles dans l'histoire nationale. Si l'autre caractéristique de cette oeuvre marquante pour l'histoire littéraire russe nous est, à nous lecteurs, difficilement accessible - car on touche là aux limites de la traduction ; Pouchkine use de sa langue maternelle d'une telle façon qu'il la fige presque -, il est remarquable que la pièce est animée d'une langue fluide, très agréablement lisible, ce qui accentue son réalisme.

Le sujet est simple : un homme se fait passer pour le tsarévitch Dmitri, fils du tsar Ivan IV le Terrible, pour prétendre à la couronne détenue par Boris Godonouv. Ce dernier est très probablement impliqué dans la mort violence du tsarévitch, intervenue quelques années auparavant. le faux Dmitri, quant à lui, est appuyé par des puissances étrangères (dont la Pologne), par des boyards mécontents du règne de Boris et par le peuple russe. Loin d'adopter l'unité de lieu exigée par le théâtre classique, Pouchkine multiplie les lieux d'action, depuis les palais moscovites jusqu'aux champs de bataille à la frontière polonaise. Plus qu'une tragédie, Boris Godounouv est davantage un drame dont les ressorts apparaissent tant psychologiques que politiques. A travers deux personnages principaux complexes - Boris Godounouv et le faux Dmitri -, Alexandre Pouchkine interroge les thèmes de la légitimité et de l'opportunisme politique.

Qui est légitime pour régner ? D'où provient la légitimité politique ? Délicate question en des temps troublés, lorsque les héritiers d'un tsar tel qu'Ivan IV trépassent (Dmitri) ou paraissent incapables (Fiodor). La légitimité politique semble provenir, pour Boris Godounov, de la loi du plus fort. Il fait assassiner Dmitri, prince héritier. Ce meurtre originel - ou sa suspicion - entache tout le règne de Boris, le rendant responsable de tous les maux de l'empire. Ses propres malheurs familiaux - le veuvage de sa fille - sont imputés à ce crime affreux, car Boris n'a pas seulement fait tuer le tsarévitch : il a aussi fait tuer un enfant, et un saint, si l'on en croit les nombreux miracles qui ont lieu sur son lieu de sépulture. La légitimité de la force physique parait s'effacer peu à peu, malgré les apparences de légalité que Boris tente de donner à son règne. L'hommage formel rendu par les boyards à son fils, Féodor, sera balayé par le coup de force de Dmitri.

Celui-ci argue d'une autre forme de légitimité : la légitimité historique. Moine dans un couvent, celui dont le nom change constamment dans la pièce - Grigori, le faux Dmitri ou l'Usurpateur - passe en Pologne pour s'assurer des soutiens extérieurs : boyards mécontents de la politique de Godounov, roi de Pologne. A l'aide de mercenaires allemands, il remporte une première victoire militaire, est vaincu et, enfin, a la surprise de voir son rival terrassé par un mal étrange. La faveur divine semble avoir choisi son camp. Cette légitimité du faux Dmitri est fausse, naturellement, puisque nul n'est dupe de l'identité véritable de l'usurpateur. Pouchkine montre ainsi les mécanismes de l'opportunisme politique dans le monde très restreint des dirigeants de Moscou. Les princes (dont Chouïski), apeurés par Godounov dont ils ont soutenu le règne - Chouïski a notamment diligenté l'enquête sur la mort de Dimitri -, sont excités par la perspective d'en être les continuateurs (ainsi Basmanov, qui entrevoit la possibilité de succéder à Boris sur le trône de Russie) ou les fossoyeurs. Ainsi que l'indique le faux Dmitri à sa promise, son propre parcours et sa propre usurpation ne sont que les prétextes qui servent aux ennemis de Godounov pour agir. L'opportunisme politique est illustré par la promise du faux Dmitri, Marina, laquelle admet n'avoir d'intérêt pour son futur époux qu'en sa qualité de tsarévitch. L'aveu surprenant fait par le faux Dmitri montre les contradictions de cet homme, dont la posture oscille entre chef militaire et amoureux transi.

La légitimité véritable - car le coup de force est à la longue inutile, car le mensonge historique sert de prétexte à qui veut se venger - provient alors, peut-être, de l'adhésion du peuple. Boris Godounov est acclamé par le peuple, et c'est parce qu'il entend la voix de ce dernier qu'il accepte - l'acceptation est purement formelle, il est vrai, mais l'adhésion populaire est incontournable - la couronne. Les mesures prises par Boris Godounov vexent le peuple, en particulier celles qui définissent la condition paysanne et servile. le faux Dmitri, battu lors de la seconde bataille, sait que le peuple est derrière lui, et à la force militaire vantée par Basmanov, le conseiller Pouchkine oppose celle du soutien populaire. La dernière scène, à cet égard, est parlante, lorsque les soldats exigent du peuple qu'il acclame le nouveau tsar. le peuple parle, même quand il se tait.

La pièce de Pouchkine semble mettre en scène deux hommes dans l'erreur. Les deux poursuivent une chimère nommée pouvoir. Si Boris Godounov affirme, dans l'exercice de son pouvoir, ne pas goûter à la vie comme il l'espérait, le faux Dmitri se trouve dans l'ivresse de la conquête du pouvoir. L'exercice ou la conquête du pouvoir corrompt les hommes, qui guerroient à tout va (le faux Dmitri) ou promettent les châtiments les plus durs à qui les défient (Boris Godounov). A l'inverse de ce comportement public, les deux hommes semblent éprouver les plus vifs sentiments pour leurs proches : Marina, sa promise, pour le faux Dmitri ; sa fille Xenia et son fils Féodor pour Boris. Autre point commun : les deux hommes, s'ils sont craints, ne sont pas respectés. le faux Dmitri est qualifié d'ancien valet par l'un de ses soutiens tandis les bruits de palais accusent et défient Boris Godounov. La filiation avec Shakespeare - que Pouchkine admirait - paraît ici évidente, dans l'imbrication du drame humain et du questionnement politique.
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Depuis que j'en lis, je trouve du plaisir à me plonger dans les délicieuses oeuvres russes. Je sais qu'un tel attachement psychologique ne peut qu'être la conséquence du grand intérêt porté à la civilisation et à l'Histoire de cet ancien Empire fastueux. S'ajoute à cela le tragique de la fin d'Alexandre Pouchkine (1837), le poète d'aujourd'hui, fondateur de la littérature moderne.
Tragédie historique, composée de 23 scènes, Boris Godounov, écrite en 1825 en exil et publiée en 1836, marque la naissance du théâtre et du romantisme en Russie. Se basant sur les chroniques officielles de l'historien Nicolas Karamzine, elle couvre une période historique, du 15 février 1598 – la montée au trône de Boris – au 7 juin 1605, l'entrée du Faux Dimitri à Moscou. Comme Pougatchev dans La fille du capitaine, il s'agissait d'un usurpateur s'autoproclamant le fils d'Ivan IV (le Terrible), dont la vraie mort en 1591 fut à l'origine d'une crise politique qui dura plus de 20 ans, appelée Temps des Troubles.
En vers libres, l'écrivain a brodé un drame de maturité, de passion, d'ambition, de remords, de crime et de châtiment, sur une profondeur historique, psychologique et poétique. Il met en lumière une des figures les plus tragiques de l'histoire. Boris le tsar, accusé de l'assassinat du vrai tsarévitch, confronté à un imposteur, en réalité moine déserteur au nom de Grigori Otrepiev. Pouchkine met en scène un troisième personnage décisif, le Peuple, soulignant son manque de loyauté et sa prédisposition à la manipulation.

Tu te trompes, nous sommes moins que ça-
Et notre armée, ma foi, n'est pas brillante.
Les Cosaques sont des pilleurs de fermes,
Les Polonais, des ivrognes vantards,
Et les Russes… que dire de nos Russes…
Je n'irai pas jouer au plus malin…
Mais d'où vient notre force, Basmanov ?
Est-ce l'armée, ou l'aide polonaise ?
C'est l'opinion, oui, l'opinion du peuple. P. 107. Traduction d'André Markowicz

Longtemps considéré comme un « mal pensant », Pouchkine met en garde son lecteur qui voudrait voir dans la pièce une quelconque allusion aux faits contemporains : mon projet est historique et purement historique. Pourtant, son écriture, dédiée à la mémoire de l'historien Karamazine qui avait salué ses débuts, fut perçue comme un geste subversif face au pouvoir. L'oeuvre fut interdite à sa sortie – il ne l'a jamais vue jouée – et elle a suscité pour longtemps les controverses littéraires même 180 ans après sa mort.
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